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Action du gel/dégel sur les matériaux cimentaires et les sols

Chapitre I : Synthèse bibliographique

V. Les cycles de gel/dégel et l’endommagement des enrobés bitumineux (EB)

V.2 Action du gel/dégel sur les matériaux cimentaires et les sols

V.2.1 Les théories usuelles pour les matériaux cimentaires

Lors du gel, l’expansion de 9% en volume de l’eau est considérée depuis longtemps comme le seul facteur principal de la dégradation des bétons cimentaire soumis au gel (Figure I.15). En 1971, Fagerlund [57] a proposé un taux de saturation critique théorique égal à 91,7%. Au-delà de cette valeur, l’augmentation volumique de l’eau en glace provoque une dilatation du matériau.

L’étude mené par Beaudoin et MacInnis [58] sur une pâte cimentaire soumise au gel montre que l’endommagement se produit alors que le liquide se contracte au gel (Figure I.16). Lors de leur étude, les éprouvettes prismatiques cimentaires , × , × avec le ratio eau-solide de 0,5 sont fabriquées et sont mures à 21°C et à 100% de l’humidité relative. Quelques-unes sont soumises au gel et leurs longueurs sont mesurées simultanément. Les autres éprouvettes sont séchées puis saturées avec le benzène pour obtenir , ± % du volume de l’eau évaporée, puis soumises à un refroidissement de ° /ℎ. Lors de la diminution de la température, le benzène se contracte et l’eau se dilate. Au niveau des éprouvettes, ils observent un changement anormal de la longueur des éprouvettes non seulement aux éprouvettes avec l’eau mais aussi celles saturées avec benzène.

Figure I. 15 : Effet du changement de phase de l’eau sur l’évolution de déformation des bétons cimentaires dans un cycle de gel/dégel [59]

26 (a) Saturé en benzène

OA : Contraction thermique

AB : Thermal contraction + dilatation due à la pression hydraulique + gonflement dû au changement de phase de l’eau

BC : Retrait attribué à la désorption CD : Dilatation thermique + fonte de glace DE : Dilatation thermique du squelette

(b) Saturé en eau OA : Contraction thermique

AB : Thermal contraction + dilatation due à la pression hydraulique + gonflement dû au changement de phase de l’eau

BC : Dilatation thermique + fonte de glace CD : Dilatation thermique du squelette

Figure I. 16 : Changement de la longueur des éprouvettes cimentaires contenant de l’eau et le mélange (benzène+eau) soumis aux cycles de gel/dégel [58].

Il existe plusieurs théories pour expliquer les mécanismes d’endommagement des matériaux cimentaires liée à la problématique du gel/dégel :

 On retrouve la théorie des pressions hydrauliques proposée par Powers [60] : Lorsque l’eau contenue dans les pores gèle, l’augmentation volumique se traduit par une occupation de volume supplémentaire dans les pores. Si le milieu poreux atteint le degré de saturation critique, l’eau non-gelée présente dans les pores sera expulsée vers les pores libres ou les pores non-saturés. Si l’eau expulsée est circulée librement, aucune pression hydraulique n’est développée. Par contre, si l’eau doit s’évacuer au travers des membranes fines ou des substances poreuses, la force causée par le mouvement du courant d’eau sera augmentée. On obtient un gradient des pressions hydrauliques créé lors de la circulation de l’eau expulsée. Cette pression hydraulique dépend de plusieurs paramètres : la longueur du parcours de mouvement d’eau expulsée ; le taux de gel, la perméabilité du béton ainsi que la viscosité de l’eau. Si cette force est suffisamment grande, elle peut causer des désordres dans la structure poreuse. Même si cette théorie n’est pas partagée par la communauté scientifique, elle contribue tout de même à expliquer les contraintes internes développées dans le béton. De plus, cette théorie a permis le développement pratique dans l’incorporation de bulles d’air entrainée avec la détermination de la distance entre les bulles pour assurer une protection du béton contre le gel.

 Plus tard, la théorie de la pression hydraulique est remplacée par la théorie de la pression osmotique de Powers et Helmuth [64]. Selon eux, l’eau dans les pores n’est pas pure et la tension surfacique entre l’eau et le squelette doit être prise en compte.

27 L’eau gèle à une température inférieure à la température de fusion, c’est le phénomène de surfusion. De plus, une fois la température de cristallisation atteinte, l’eau va geler en premier dans les pores les plus gros, puis les plus petits. Dans les pores contenant de l’eau et la solution, la solidification de l’eau (par la rupture de surfusion) cause l’augmentation de la concentration des solutions dans ces pores. Ce déséquilibre engendre une pression osmotique qui tente à ré-établir l’équilibre de concentration des solutions entre ces pores contenant de l’eau gelée et les pores voisins avec un mouvement de l’eau non gelée vers la zone gelée. Actuellement, cette théorie est bien adaptée pour introduire la problématique liée au sel de déverglaçage. Il faut noter que l’utilisation des produits de déverglaçage comme le sel induit non seulement des pressions osmotiques mais également un endommagement dans la structure poreuse causé par le choc thermique et les pressions de cristallisation [62] [63] [64].

 Aller plus en détails, Litvan [65] a proposé que la différence entre la pression de vapeur d’eau qui est en surfusion et celle de l’eau liquide force l’eau capillaire et l’eau porale à se vaporiser afin d’équilibrer avec la pression de vapeur saturante d’eau en surfusion.

V.2.2 Les théories usuelles pour introduire la formation des lentilles de glace dans les sols

En ce qui concerne les sols soumis au gel, deux théories sont actuellement proposées pour expliquer les mécanismes de formation des lentilles de glace :

 La première est la théorie des pressions capillaires. En 1930, Taber [20] a démontré expérimentalement que l’eau liquide migre vers le front de gel dans les sols fins. Le mécanisme de cette migration d’eau est ensuite expliqué expérimentalement par le modèle avec deux réservoirs d’Everett [66]. L’un contenant de l’eau gelée et l’autre contenant de l’eau liquide, les deux réservoirs sont reliés par un tube capillaire et pilotés par des pistons fins. La force de succion attire l’eau liquide vers le front de gel. D’après le modèle d’Everett, la migration de l’eau et le gel de l’eau peuvent causer des pressions excessives dans le réservoir où l’eau est gelée. Si ces pressions sont importantes par rapport à la rigidité des parois, il se produit un endommagement. D’après les travaux de Peppin et Style [19], cette théorie présente plusieurs défauts en commençant par l’explication du mécanisme de formation des nouvelles lentilles de glace à une certaine distance du front de gel.

 La deuxième théorie est celle de frange de gel proposée par Miller [67] (cf. Figure I.17. Ce dernier suggère que lorsque l’eau est gelée par nucléation, il existe des films adsorbés de l’eau liquide à la surface des particules de sols à l’équilibre avec la glace. Selon Konrad [22], l’énergie libre (ou le potentiel thermodynamique) de ces films non gelée est inférieure par rapport celle de la glace, alors le gradient de succion est développé dans la zone gelée. Par conséquent, ce gradient de succion attire l’eau de la zone non-gelée vers la zone gelée à travers des films d’eau non

28 gelée et l’eau migrée accumulée contribue à la formation de nouvelles lentilles de glace.

Les théories précédentes sont largement utilisées pour expliquer les dégradations dans les bétons, les sols et les roches soumis au gel et au dégel. Cependant, on remarque que les théories précédentes ne vont pas dans le même sens pour expliquer le mécanisme du mouvement d’eau dans les pores. Néanmoins, ces théories se rejoignent sur l’importance des deux facteurs (la quantité d’eau et de la résistance au mouvement d’eau) sur l’endommagement du béton cimentaire au gel/dégel.

Figure I. 17 : Diagramme schématique de formation des lentilles de glace par la théorie de frange de gel [19]

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