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Action des cytokines sur le système neuroendocrine

SECTION I : NEUROENDOCRINOLOGIE ET

CHAPITRE 2. Interactions entre le système neuroendocrine et le système immunitaire

B. Action des cytokines sur le système neuroendocrine

L'action du système immunitaire sur le système neuroendocrine n'est pas uniquement modulée par des hormones peptidiques, des cytokines jouent aussi un rôle important dans ce processus (Figure 9).

Les cytokines sont des polypeptides (8-60 kDa) solubles, régulant la croissance, la différentiation et les fonctions de nombreux types cellulaires. Ces molécules ont initialement été considérées comme spécifiques du système immunitaire, mais on sait aujourd'hui qu'elles sont aussi présentes et actives au niveau des tissus nerveux et du système neuroendocrine (Turnbull et Rivier, 1999). Les cytokines agissent sur des récepteurs membranaires selon un mode autocrine, paracrine ou endocrine. Leurs actions sont dites pléïotropes (une même cytokine exerce généralement des effets différents sur des cibles cellulaires différentes), redondantes (plusieurs cytokines peuvent exercer des fonctions identiques) et synergiques (l'action concomittante de plusieurs cytokines peut être nécessaire pour déclencher une réponse cellulaire) ou antagonistes (l'action d'une cytokine peut nécessiter que l'effet d'une autre cytokine soit inhibé). Les cytokines sont classées en six familles, les interleukines (IL), les TNF (Tumor Necrosis Factors), les interférons, les chimiokines, les hématopoïétines (dont certaines sont aussi considérées comme des neuropoïétines) et les CSF (Colony Stimulating Factors). Certains facteurs de croissance et certaines neurotrophines sont aujourd'hui aussi considérés comme des cytokines (Kuby, 1994; Turnbull et Rivier, 1999).

De nombreuses études montrent que les cytokines modulent la synthèse et la sécrétion d'ACTH, de corticostéroïdes et de catécholamines par le système neuroendocrine. Chez les

mammifères, une administration intraveineuse, intrapéritonéale ou intracérébrale d'interleukine-1 (IL-1) provoque une augmentation des concentrations en ACTH, cortisol et corticostérone circulants. De même, une administration intraveineuse d'interleukine-2, d'interleukine-6, de TNF-α, d'interféron-α ou d'interféron-γ stimule la sécrétion d'ACTH et de corticostéroïdes par le système neuroendocrine (Madden et Felten, 1995, Turnbull et Rivier, 1999). L'interleukine-1 stimule aussi la synthèse de noradrénaline par les fibres du système nerveux sympathique et la production de neuropeptides par les cellules chromaffines (Eskay et Eiden, 1992).

Des récepteurs de cytokines sont présents dans le cerveau, l'hypophyse et à la surface des cellules stéroïdogènes et des cellules chromaffines. Par conséquent, l'action des cytokines sur les organes du système neuroendocrine peut être à la fois indirecte (via l'ACTH par exemple) ou directe.

2.1.4. Communication bi-directionnelle entre le système neuroendocrine et le système immunitaire.

Il apparaît que le système neuroendocrine et le système immunitaire communiquent selon un mode bi-directionnel. Ces interactions neuro-immunitaires jouent un rôle important dans le maintien de l'homéostasie (Blalock, 1984, 1994; Sternberg, 2000).

Par exemple, lorsqu'une réponse inflammatoire est mise en place, des cytokines (IL-1, IL-6 et TNF-α) sont libérées pour activer et attirer des macrophages et des lymphocytes au niveau de la zone lésée. A leur tour, les cellules activées vont sécréter des cytokines et la réponse va s'amplifier. Comme nous venons de le voir, les cytokines vont aussi déclencher la sécrétion de corticostéroïdes. Les cellules immunitaires vont alors se trouver sous l'influence antagoniste de cytokines et de corticostéroïdes. Tant que l'influence des cytokines est plus forte que celle des corticostéroïdes, la réponse inflammatoire s'amplifie, mais dès que

l'influence des corticostéroïdes devient plus forte que celle des cytokines, la réponse inflammatoire diminue. Ce mode de régulation empêche une réponse inflammatoire disproportionnée (Sternberg, 2000).

Au cours des années 80, Blalock a émis l'hypothèse que les interactions neuro-immunitaires joueraient aussi un rôle déterminant lorsque l'organisme se trouve confronté à des stimuli non-cognitifs (présence de virus, bactéries et autres stimuli non détectés par les organes sensoriels "classiques", voir paragraphe 1.1.3). Après reconnaissance du stimulus, le système immunitaire informerait le système neuroendocrine via les cytokines et hormones produites par les leucocytes de façon à ce que la réponse immunitaire soit complétée par un ensemble de réactions physiologiques facilitant l'adaptation de l'organisme (Blalock, 1984, 1994; Weigent et Blalock, 1997).

Au cours des années 90, les interactions neuro-immunitaires ont reçu une attention particulière parce que plusieurs études ont montré que cancers, pathologies infectieuses, maladies autoimmunes, stress et dépressions étaient interconnectés (Chrousos et Gold, 1992; Holden et al., 1998). Par exemple, des individus dont l'axe hypothalamus-hypophyse-glande surrénale est hypo-actif sont plus susceptibles de développer des maladies autoimmunes parce que leurs fonctions immunitaires ne sont pas soumises à une régulation négative efficace (Wilder, 1995; Sternberg, 2000). Chez des patients stressés ou dépressifs (axe hypothalamus-hypophyse-glande surrénale hyper-actif), la résistance aux maladies infectieuses est amoindrie et la progression des tumeurs cancéreuses est accrue (Holden et al., 1998; Sternberg, 2000). Inversement, les traitements médicaux à base d'interleukines ou d'interférons (notamment utilisés dans le traitement des cancers) provoquent souvent l'apparition de syndromes dépressifs (Kronfol et Remick, 2000).

2.2. Cas des invertébrés.

2.2.1. Principales composantes du système immunitaire des invertébrés.

Les invertébrés possèdent une forme d'immunité innée, mais pas d'immunité adaptative.

Kasahara et al. (1999, 2000) ont récemment donné une explication à l'absence d'immunité adaptative chez les invertébrés. Ces auteurs ont en effet montré que les composantes indispensables du système immunitaire adaptatif des vertébrés (notamment le complexe majeur d'histocompatibilité, voir Figure 7) sont apparues à la suite de deux étapes de duplication de blocs de gènes (phénomène appelé paralogie) qui ont toutes deux eu lieu chez les chordés. La première serait survenue il y a environ 515 millions d'années chez un ancêtre commun à tous les vertébrés et la deuxième aurait eu lieu chez un ancêtre commun à tous les gnathostomes. Ces duplications ont généré quatre ensembles de gènes paralogues qui ont ensuite évolué indépendamment et ont donné naissance aux principaux systèmes spécifiques de reconnaissance du soi et du non-soi.

La réponse immunitaire des invertébrés, comme celle des vertébrés, nécessite une étape de reconnaissance des substances étrangères et la mise en place d'une réponse visant à éliminer ces substances.