II. Axe microbiote intestinal-cerveau dans le cadre de l’anxiété et de la dépression
6. Acteurs des voies de communications entre le microbiote intestinal et le SNC
la lumière intestinale. Nous avons choisi de ne présenter que quelques exemples destinés à
illustrer l’implication de ces deux types d’acteurs.
6.1 Composants structuraux des bactéries
Parmi les composants struturaux des bactéries, de nombreuses études ont montré que le LPS
(lipopolysaccharide), molécule constituante de la paroi des bactéries à Gram négatif avait la
capacité de stimuler des réponses immunitaires, notamment grâce à son interaction avec les
récepteurs Toll-like (Tlr) présents à la surface des cellules épithéliales et en particulier Tlr-4
sur la membrane cellulaire des neurones du système entérique (Raybould et al., 2010). Chez
la souris, l’administration de LPS est connue pour induire des comportements de type
anxieux et dépressif, accompagnés d’une augmentation de corticostérone plasmatique, ainsi
que d’une augmentation de l’expression de cytokines pro-inflammatoires, telles que IL-1bêta,
IL-6, TNF-alpha dans l’hippocampe, le cortex préfrontral ou encore l’amygdale, qui sont des
structures impliquées dans la régulation des émotions (Mayerhofer et al., 2017 ; Sulakhiya et
al., 2015 ; Jangra et al., 2015 ; Savignac et al., 2016). Le LPS peut aussi moduler le niveau
cérébral de BDNF, la formation et la modulation des circuits neuronaux (Jangra et al., 2014).
Ces effets sur le comportements n’ont pas été observés après administration de LTA (acide
lipotéichoïque) qui est un autre composant des parois bactériennes (Mayerhofer et al., 2017).
Néanmoins, le groupe de Mayerhofer a montré en 2017 que, comme le LPS, le LTA
entraînait une augmentation du niveau de cytokines pro-inflammatoires plasmatiques et
cérébrales, dans l’amygdale et le cortex préfrontal, suite à l’activation du récepteur Tlr-2.
Après administration intrapéritonéale de LPS et LTA, il a aussi été montré dans l’amygdale et
le cortex préfrontal une réduction de l’expression des gènes codant pour des protéines
impliquées dans l’intégrité de la BHE (Mayerhofer et al., 2017).
Une autre étude portant sur le polysaccharide A (PSA) a montré qu’une souche de
Bacteroides fragilis déficiente en PSA perd sa capacité de neuromodulation du système
nerveux entérique, suggérant que le PSA est nécessaire et suffisant à cette activité (Mao et
coll., 2013). Néanmoins, l’étude ne révèle pas les mécanismes cellulaires et moléculaires
impliqués dans cette relation bactérie/hôte.
Le peptidoglycane (PGN), une molécule constituante de la paroi des bactéries à Gram positif,
a également la capacité de moduler le fonctionnement du SNC. Il est capable de traverser la
BHE puisqu’on en retrouve dans le cerveau de souris. Son niveau de présence dans le
cerveau augmente parallèlement au niveau de colonisation bactérienne des souris après leur
naissance. Ceci suggère que l’augmentation de PGN présent dans l’organisme pendant le
processus de colonisation du tractus intestinal participe au développement cérébral.
D’ailleurs, un changement d’expression des gènes impliqués dans la formation, la régulation
des circuits neuronaux et la synaptogenèse a été montré chez des souris déficientes pour le
gène Pglyrp2,qui code une protéine reconnaissant et hydrolysant PGN ; ceci suggère que le
PGN est impliqué dans le développement et la formation des circuits cérébraux. Les souris
déficientes pour le gène Plglrp2 ont montré un comportement social renforcé, suggérant que
le PGN est impliqué dans la modulation des comportements sociaux. En outre, une
perturbation de l’équilibre microbien intestinal par des antibiotiques a montré des
changements dans l’expression cérébrale de molécules participant à la détection et au
transport du PGN. Le PGN atteignant la circulation sanguine et ayant la capacité de traverser
la BHE, le mécanisme mis en avant dans cette étude est une interaction directe entre le PGN
et la régulation et la formation des circuits neuronaux (Arentsen et coll., 2017). Par ailleurs,
le PGN pourrait agir sur le SNC via l’initiation de réponses immunitaires puisqu’il peut
stimuler le système immunitaire par le biais du récepteur PRR (pattern recognition receptor)
Nod-1 (Clarke et al., 2010).
Ces résultats suggèrent que des molécules constituantes de la paroi bactérienne, telles que le
LPS, le LTA, le PSA ou le PGN peuvent ccommuniquer avec le SNC et modifier les
comportements sociaux, de type anxieux et dépressifs, et le fonctionnement du SNC de
souris. Ces études ont mis en évidence l’implication des voies sanguine, nerveuse et immune.
La perméabilité de la BHE, la formation et la régulation des circuits neuronaux, la
modulation de l’axe HHS, ainsi que la synaptogénèse sont également des éléments qui
semblent entrer en jeu dans les voies d’action des composants de la paroi bactérienne sur le
SNC.
6.2 Métabolites bactériens
Des études de comparaison de métabolomes de souris axéniques et conventionnelles ont
montré l’importance du microbiote intestinal dans la composition des métabolites circulants,
intra-luminaux et urinaires (Wikoff et coll., 2009 ; Matsumoto et coll., 2012, Mishima et
coll., 2017 ; Nielsen et coll., 2018).
aromatiques. Les deux exemples présentés ici portent sur deux dérivés d’acides aminés
aromatiques : le 4-éthylphénylsulfate, dérivé de la tyrosine, et l’indole, dérivé du
tryptophane.
En effet, parmi les études portant sur les métabolites bactériens et le SNC, un groupe a
souligné l’importance des métabolites bactériens issus des acides aminés aromatiques. Leurs
travaux ont utilisé un modèle de souris reproduisant les anomalies comportementales des
troubles du spectre de l'autisme dont l’anxiété. Ils ont mis en évidence chez ces souris des
modifications du métabolome circulant : parmi les trois cents espèces chimiques identifiées
dans le métabolome sérique des souris, 8 % différaient entre souris témoins et souris
« autistes » ; certaines de ces espèces chimiques étaient des métabolites d'origine bactérienne
issus d’acides aminés aromatiques tels que l'indolepyruvate (dérivé du tryptophane) et le
4-éthylphénylsulfate (dérivé de la tyrosine), dont les concentrations étaient respectivement 1,5
et quarante fois plus élevées chez les souris « autistes ». Injecté par voie intra-péritonéale à
des souris naïves, quotidiennement pendant plusieurs semaines, le 4-éthylphénylsulfate a
provoqué un comportement de type anxieux comparable à celui des souris « autistes » dans
un test d’OF (Hsiao et coll., 2013).
De manière similaire, une étude menée dans notre laboratoire s’est intéressée à l’effet d’un
métabolite bactérien, l’indole, sur le comportement de rats. Nous avons colonisé des rats
axéniques, soit avec une souche d’E. coli sauvage, produisant naturellement de l’indole, soit
avec une souche mutée n’en produisant pas. Les rats monoassociés à la souche sauvage se
sont montrés plus anxieux dans les tests de nouveauté et d’EPM que leurs congénères
monoassociés à la souche mutée. Ils se sont montrés aussi plus résignés dans un test de
suspension par la queue. Nous avons montré que l’action de l’indole pouvait passer par la
voie du nerf vague. En effet, l’administration d’un bolus d’indole dans le tube digestif de rats
conventionnels a déclenché dans le tronc cérébral de ces animaux une activation du complexe
vagal dorsal (DVC), structure sur laquelle projettent les fibres ascendantes de ce nerf. Une
autre hypothèse que nous avons mis en avant dans cette étude est l’action potentielle de
dérivés de l’indole, l’oxindole et l’isatine, produits dans le foie des rats monoassociés à la
souche sauvage. Cette dernière hypothèse découle du fait que l’administration d’indole dans
le tube digestif a induit une forte augmentation cérébrale d’oxindole et d’isatine (Jaglin et
coll., 2018).
Ces résultats illustrent le fait qu’un métabolite bactérien puisse être à l’origine des
comportements de type anxieux chez un modèle de souris « autistes », ou de type anxieux et
dépressif chez un modèle de rats gnotoxéniques h.
Parmi les métabolites bactériens capable d’influer sur le SNC, c’est sur l’indole bactérien
qu’on porté les travaux de cette thèse. En voici une présentation.
Dans le document
Influence de l'indole produit par le microbiote intestinal sur les comportements émotionnels chez la souris
(Page 45-49)