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PARTIE II : ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE ET BASES THEORIQUES

III- ACTEURS ET DIFFUSION DE L’INNOVATION

« Le modèle de la diffusion déplace l'objet technique à l'intérieur d'une société qui constitue

un milieu plus ou moins récepteur. Le modèle de l'intéressement met en scène tous les acteurs qui se saisissent de l'objet ou s'en détournent et il souligne les points d'accrochage entre l'objet et les intérêts plus ou moins organisés qu'il suscite. Le résultat d'une telle description est un diagramme sociotechnique qui combine deux genres que l'on a tendance à séparer: l'analyse technologique qui se limite à la description de l'objet et de ses propriétés intrinsèques; l'analyse sociologique de l'objet, c'est-à-dire des milieux dans lesquels il se déplace et sur lesquels il produit des effets. A vouloir rendre distinctes ces deux lignes d'analyse, on s'interdit de comprendre les raisons de l'échec ou du succès de l'innovation. L'analyse sociotechnique, quant à elle, se place à l'endroit précis où l'innovateur se situe, dans cet entre-deux difficile à saisir où se mettent simultanément en forme la technique et le milieu social qui le reprend ». (AKRICH, CALLON, & LATOUR, 1988)

Le schéma du modèle d’innovation national met en exergue deux types d’acteurs empruntant,  ainsi la voie du décloisonnement d’Akrich, Callon, et Latour dans leur approche de la théorie de l’acteur réseau.

3.1- ANT (Actor network theory)

Encore appelée théorie de l'acteur-réseau, ou sociologie de la traduction, la théorie de la traduction est une approche sociologique développée dans les années par Callon, Latour et Akrich du centre de sociologie de l’innovation12.

Pour ces chercheurs, le monde ne doit pas être pensé en termes de groupes sociaux, mais en termes de réseaux. Le concept de traduction est une mise en relation qui implique toujours une transformation, qui consiste à relier des éléments et des enjeux a

priori incommensurables et sans commune mesure. La traduction établit un lien entre des

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Le Centre de sociologie de l'innovation (CSI) est un laboratoire français de recherche en sciences sociales fondé en 1967 à l’Ecole des mines de Paris et associé au CNRS, centre national de la recherche scientifique. Le CSI est spécialisé dans le domaine de la sociologie des sciences et techniques et par les apports de plusieurs de ses membres à la théorie de la traduction

activités hétérogènes et rend le réseau intelligible. Ils (Akrich, Callon et Latour) considèrent que la réussite de la « traduction »  passe  par  la  coopération  dans  l’innovation  de  tous  les  acteurs concernés. Elle repose donc sur l’idée que les logiques de chacun des acteurs appelés  à coopérer s’enrichissent mutuellement plutôt qu’elles ne s’affrontent.

3.2- Acteurs

3.2.1- Les non humains

Cette catégorie désigne tout ce qui n’est pas humain et qui participerait d’une certaine façon à  une  organisation.  On  distingue  dans  le  schéma  de  l’innovation  de  Kulhmann  et  Arnold  l’environnement, les infrastructures d’appui et les  politiques. Pour Akrich, Callon et Latour (1988) les non humains désignent les objets et les discours sont pris en compte dans la théorie de l’acteur –réseau.

3.2.2- Les acteurs humains

Cette  catégorie  d’acteurs  regroupe  toute  personne  physique  ou  ensemble de personnes physiques,  organisées  ou  non,  partie  prenante  d’une  action  précise.  Elle  compte  donc  des  hommes et des femmes ainsi que diverses organisations, publiques, privées ou de la société civile.

Le  schéma  d’innovation  de  Kulhmann  et  Arnold  permet  de distinguer des groupements d’acteurs humains (voir schéma) : Le gouvernement ; les chercheurs ou les formateurs ; les ONG ; les entreprises ; les consommateurs, qui appartiennent à cinq (5) catégories d’acteurs  institutionnels.

La théorie de l’acteur-réseau (ANT) décrit les processus par lequel les acteurs construisent des réseaux et interagissent à travers un processus de «traduction». Selon Callon (1986), le processus de traduction peut être divisé en quatre étapes :

(1) problématisation

Il s’agit de la définition, à partir des objectifs individuels des acteurs du réseau, d'un objectif commun : un point de passage obligé (PPO) à travers lequel tous les acteurs du réseau doivent transiter pour atteindre leurs objectifs.

Dans l’expérience sur laquelle Callon s’appuie (domestication par des pêcheurs des coquilles  Saint Jacques dans la baie de saint Brieuc), la problématisation consiste précisément à montrer aux différents acteurs que le problème posé les concerne à travers la définition du

point de passage obligé (PPO) : Les acteurs doivent adhérer à l’expérience afin d’atteindre 

leur objectif : Pecten Maximus se fixe –t’elle ?

Les 3

chercheurs

Pecten

maximus

les

pêcheurs

Collègues

scientifiques

Point de passage obligé

Pecten maximus se fixe t’il?

Les 3

chercheurs

Pecten

maximus

Les

pêcheurs

Collègues

scientifiques

PPO

Faire progresser la connaissance et permettre le repeuplement de la baie Se perpétuer Assurer un profit sur le long terme Accroître la connaissance sur Pecten maximus Buts des entités

Prédateurs Profit à court terme Insuffisance des

informations sur le Pecten Maximus

Figure 18: Passage obligé pour atteindre pour chaque acteur, les objectifs visés (CALLON, 1986)

(2) intéressement

C’est la stabilisation de l'identité de l'acteur et de sa connexion au réseau qui a été formé dans  la première étape. Cette étape consiste à sceller des alliances entre les acteurs.

(3) enrôlement

C’est le verrouillage des acteurs en place et définition de leurs rôles et identités dans le réseau  qui remplissent certains objectifs inscrits dans le PPO (point de passage obligé).

(4) mobilisation

Cette dernière étape est incarnée par l'acteur principal, qui devient ainsi un macro-acteur (Callon, 1986).

On peut observer qu’il existe une relation forte entre les étapes de la construction d'un réseau  d'innovation proposé par Callon et celles proposées par Moore pour les écosystèmes d'affaires (tableau suivant).

Etapes Écosystèmes d'affaires (Moore J. F., 1993)

ANT

(Callon, 1986)

1 Naissance :  l’entrepreneur  définit  ce 

que les clients veulent, et la valeur d'un nouveau produit ou service proposé

Problématisation : d'un objectif commun à

partir des acteurs du réseau et de leurs objectifs individuels

2 Expansion :  l’écosystème  d'affaires 

s’étend  pour  conquérir  de  larges  territoires nouveaux

Intéressement : stabilisation des identités

des acteurs et de leurs connexions au réseau

3 Leadership : écosystème a eu une

croissance et une rentabilité et les processus centraux sont relativement stables

Enrôlement : verrouillage des acteurs en

place et définition de leurs rôles et identités dans le réseau

4 Auto-Renouvellement : la

communauté d'affaires mature est menacée  par  l’émergence  de  nouveaux écosystèmes et de nouvelles innovations

Mobilisation : le réseau devient un macro-

acteur incarné par l'acteur principal

Tableau 15 : Comparaison entre les étapes dans les écosystèmes d'affaires et acteur du réseau (BRODHAG, 2013)

Le  système  d’innovation  peut  se  rapprocher  de  la  notion  de  plateformes  industrielles. Hatchuel considère que  ces  plateformes  créent  progressivement  leur  champ  d’intérêt. Les plates-formes vont émerger dans la situation où 1 - chaque acteur ne dispose pas de certaines fonctionnalités et est incapable de les produire seul, 2 - aucun des acteurs n'a une vision claire du paysage de la valeur, ce qui signifie que le paysage de la valeur doit être conçu. 3 - le processus de conception lui-même crée des capacités et explore la valeur, il révèle aussi les compétences manquantes et les zones inconnues dans le paysage de valeur. (HATCHUEL, LE MASSON et WEIL, 2010).

Le processus de construction d’un PIE devra se situer dans cette perspective. Il ne s’agit pas  d’un réseau autour d’une  innovation  mais  d’une plateforme dont la production concrète va identifier ses propres objectifs stratégiques.

Deux (2) sujets émergent alors : les relations de pouvoir entre les acteurs et les questions cognitives de compréhension entre ces acteurs.

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