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Selon le droit actuel, la catégorie des actes semi-authentiques comprend deux sortes d’écrits : les documents publics étrangers et les procurations faites hors du Québec et authentiquées par un officier public. Le Code civil du Québec, tout en conservant ces deux sortes d’actes semi-authentiques, leur apporte certaines modifications. Il réforme le régime des documents publics étrangers en étendant la présomption d’authenticité, qui présentement ne profite qu’à certains documents, à tous les documents publics étrangers. Quant aux procurations faites à l’étranger, il vient préciser en quoi consiste la formalité de l’attestation.

Par. 1. Le nouveau régime des documents publics étrangers L’article 1220 C.c.B.-C. ne confère la qualité d’acte semi-authentique qu’à un nombre très restreint de documents publics étrangers. Il s’agit des docu­

ments suivants, lorsqu’ils respectent les conditions de forme qui y sont prescrites : le certificat du secrétaire d’un Etat étranger ou du gouvernement exécutif de cet Etat; la copie d’un jugement ou d’une procédure judiciaire d’une cour hors du Québec; la copie d’un jugement de vérification d’un testament émanant d’une cour étrangère; les certificats de mariage, de naissance, de baptême et de sépulture de personnes hors du Bas-Canada; et, en matière d’adoption, la copie d’une loi étrangère certifiée par le secrétaire ou le gouvernement exécutif de cet Etat étranger.

L’article 2822 C.c.Q. innove en attribuant à tous les documents publics étrangers la qualité d’acte semi-authentique. Selon cet article, pour que la pré­

somption d’authenticité s’applique, il va suffire que l’acte ait l’apparence d’un original émanant d’un officier public étranger compétent ou qu’il ait l’apparence d’une copie d’un document public étranger dûment certifiée par un officier public qui en est le dépositaire légal. L’article 2822 C.c.Q. va avoir pour effet, notam­

ment, de rendre admissible en preuve, à titre de document semi-authentique, tout document public étranger qui n’est pas présentement mentionné à l’article 1220 C.c.B.-C., sans qu’il soit nécessaire de le faire attester par le secrétaire ou par le gouvernement exécutif de l’État concerné.

La réforme n’affectera pas les documents publics étrangers qui béné­

ficient présentement d’un régime spécial en vertu de l’article 1220 C.c.B.-C. Ces documents vont conserver sous le Code civil du Québec leur caractère de document semi-authentique. Notamment, sous le nouveau Code, un jugement étranger ou une procédure judiciaire devant un tribunal étranger vont pouvoir se prouver de la même manière que sous le droit actuel. Vont également conserver leur caractère de document semi-authentique, les copies et extraits dûment certifiés des actes de l’état civil des pays étrangers.

Présentement, aux termes du paragraphe (7) de l’article 1220 C.c.B.-C., toute personne en possession d’un document visé par cet article, peut en confier la garde à un notaire pour qu’il en délivre des copies. Il en sera de même sous le nouveau Code par l’effet de l’article 2824 C.c.Q. Ce même article précise que lorsqu’un tel dépôt sera effectué, la copie délivrée par le notaire va faire preuve de sa conformité au document déposé et va suppléer à celui-ci. Le dépôt d’un document entre les mains d’un notaire apparaît donc comme un moyen commode de pouvoir en obtenir, au Québec, des copies qui ont la même valeur que le document lui-même.

Au niveau de la force probante, le régime va demeurer le même. Le document public étranger qui paraît tel à sa face même, va faire preuve à l’égard de tous de son contenu sans qu’il soit nécessaire de prouver la qualité ni la signature de l’officier public de qui il émane. Il ne pourra être contesté qu’en suivant la procédure prescrite aux articles 89 et 90 C.p.c. Pour ce qui est du fardeau de la preuve, l’article 2825 C.c.Q. énonce clairement que lorsqu’un document semi- authentique est régulièrement contesté, il incombe à celui qui l’invoque de faire la preuve de son authenticité. Tout comme en vertu du droit actuel, si la procédure des articles 89 et 90 C.p.c. n’est pas suivie, l’acte semi-authentique va conserver toute sa valeur.

Par. 2. Le régime des procurations faites hors du Québec

Afin de faciliter la preuve d’une procuration faite hors du Québec, le paragraphe (5) de l’article 1220 C.c.B.-C. crée un régime d’exception. Une telle procuration est présumée authentique si elle satisfait aux deux conditions suivantes : avoir été signée en présence d’au moins un témoin et avoir été dûment authentiquée. Les personnes habilitées à authentiquer une procuration sont les suivantes : un ambassadeur, un ministre plénipotentiaire, un haut commissaire, un chargé d’affaires ou un consul du Canada ou de Sa Majesté, un agent de la province, le maire du lieu ou un notaire ou autre officier public du lieu où elle est datée.

Le paragraphe 5a) du même article prévoit que la procuration d’un militaire peut être attestée devant un major ou un autre officier d’un rang équivalent ou supérieur.

Ce régime d’exception tire son origine d’une loi du 4 mai 1859 (22 Vict. c. 50, art. 1). Il existe au sujet de l’état du droit antérieurement à l’adoption de cette loi spéciale, une décision du Conseil privé. Elle a été rendue dans l’affaire Nye c. Macdonald39, à propos d’une action pétitoire intentée vers l’année 1849.

Dans cette affaire, le Conseil privé a statué qu’un notaire public dans la province du Haut-Canada, une province régie par le droit anglais, n’a aucun pouvoir, par la loi anglaise, d’attester de l’exécution d’un acte de façon à ce que cette attestation suffise à en établir l’authenticité. Le Conseil privé a confirmé en conséquence le jugement de la Cour d’appel du Bas-Canada qui avait jugé insuffisante comme preuve d’une procuration apparemment faite au Haut-Canada, le certificat d’un notaire public qui en attestait l’exécution en sa présence. Voici comment cet arrêt s’exprime à ce sujet :

A Notary public in the Province of Upper Canada, a Province regulated by English law, has no power, by English law, to certify to the execution of a deed in such a way as to make his certificate evidence, without more, that the deed was executed, and that it was attested in the manner in which the deed professes to be attested.

39. Nye c. MacDonald, [1870] L.R. 3 P.C. 331.

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According to the law of England, the mere production of the certificate of a Notary public stating that a Deed had been executed before him would not in any way dispense with the proper evidence of the execution of the Deed.39 1

Appréciée à la lumière de l’arrêt Nye, la Loi de 1859 concernant les procurations faites hors du Bas-Canada et authentiquées ainsi qu’il y était pourvu, s’est trouvée à conférer à ces procurations une force probante dont elles ne béné­

ficiaient pas dans le pays où elles avaient été rédigées.

L’article 2823 C.c.Q. entend modifier le régime des procurations faites hors du Québec sur deux points. Tout d’abord, au lieu d’énumérer les personnes habilitées à authentiquer une procuration, cet article exige seulement qu’elle soit certifiée par un officier public compétent. De plus, cet article précise en quoi va consister la certification qui est exigée de cet officier public. Cet article s’énonce ainsi :

2823. Fait également preuve, à l’égard de tous, la procuration sous seing privé faite hors du Québec lorsqu’elle est certifiée par un officier public compétent qui a vérifié l’identité et la signature du mandant.

La première question qu’il convient de se poser, c’est celle de savoir ce qu’il faut entendre par un officier public compétent. Cette expression vise, à notre avis, principalement, sinon exclusivement, le notaire public de common law.

Dans les pays de droit civil qui connaissent l’institution du notariat, les procurations qui sont revêtues de la forme notariée, vont se qualifier en tant que documents semi-authentiques par le seul effet de la présomption posée à l’article 2822 C.c.Q.

En effet, comme dans ces pays, les notaires sont des officiers publics qui ont pour fonction de conférer un caractère authentique aux actes qu’ils reçoivent, toutes les conditions sont réunies pour que ces actes soient considérés comme des actes semi- authentiques en vertu de l’article 2822 C.c.Q. Il en sera de même des copies de ces actes qui paraissent émaner de l’officier public qui en est le dépositaire.

Quant aux notaires publics de common law, bien qu’ils soient com­

pétents pour recevoir des contrats, les actes qu’ils reçoivent, tel que nous l’avons vu précédemment, ne peuvent faire preuve par eux-même de leur exécution et doivent être prouvés. L’article 2823 C.c.Q. va avoir pour effet de conférer aux procurations dûment certifiées par un notaire puablic de common law, une pré­

somption d’authenticité.

Il y a lieu de souligner que pour ce qui est de la province d’Ontario, la fonction de notaire public est régie par une loi intitulée Loi sur les notaires40.

Aux termes de l’article 1 de cette Loi, les notaires sont nommés par le lieutenant- gouverneur, à la recommandation du procureur général au moyen d’un mandat.

Tout avocat de cette province, à la condition d’en faire la demande40 !, peut recevoir un tel mandat qui demeure valable tant qu’il demeure membre de son ordre et qu’il satisfait autrement à la Loi et au règlement y afférent.

39.1 Id., p. 343.

40. L .R .O . 1990, c. N.6. Voir concernant les pouvoirs d ’un notaire de common law:

B . W . Ru s s e l l, Office and Practice o f a Notary o f Canada (Excepting Province o f Quebec), 2e éd., Toronto, The Carswell Co., Ltd., 1927, pp. 18-32.

40.1 Selon les informations que nous avons obtenues, les futurs avocats de cette province, quelques semaines avant leur admission au Barreau, reçoivent un formulaire que ceux qui désirent pouvoir agir comme notaire de common law doivent compléter. Il semble que la plupart retour­

nent le dit formulaire avec les frais requis et ainsi obtiennent le mandat qui leur permet d ’agir en cette qualité.

L’article 2823 C.c.Q. précise ce que doit contenir le certificat exigé de l’officier public qui reçoit une procuration. Cet officier doit y attester, sous sa signature et avec indication de sa qualité, qu’il a vérifié l’identité et la signature du mandant. Bien qu’il ne soit pas exigé que l’officier public reçoive la signature du mandant, il pourra certes le faire et attester de ce fait dans son certificat. Dans ce dernier cas, et selon une formule suggérée par un auteur40 2, l’attestation notariée pourrait se lire ainsi :

Je, [...], notaire dans la province d e ______________, dûment nommé par lettres patentes et assermenté, exerçant [...] à ______________________ dans cette pro­

vince, atteste par la présente que j ’ai assisté à la signature, l e ___________ [...], de [la procuration ci-jointe] à ______________________ , par [.״ ], à titre de [mandant], [et] par [...], à titre de témoin et par moi-même; je connais person­

nellement l’un et l’autre et les signatures qui figurent sur cet écrit sont bien de leurs écritures respectives. Je reconnais également ma propre signature.

EN FOI DE QUOI, j ’ai signé et apposé mon sceau officiel l e _______________ , à [ . ״ ]

[Signature]

Notaire dans la province

Bien que dans la formule que nous venons de citer, il est fait mention de la présence d’un témoin, en vertu de l’article 2823 C.c.Q., il ne sera plus exigé d’une procuration faite hors du Québec, qu’elle soit signée en présence d’un témoin.

De plus, alors que selon le droit actuel, une procuration peut être authentiquée au moyen d’une déclaration assermentée d’un témoin qui a assisté à la signature d’une procuration40 4, cela ne sera plus possible selon le Code civil du Québec, vu que c’est l’officier public lui-même qui doit attester de l’identité du mandant et de l’authenticité de sa signature.

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