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Chapitre 2. Méthodologie

2.1. Données utilisées

2.1.3. Acquisition de données nouvelles : le projet IRSST

Le projet de l’IRSST avait pour but d’évaluer l’exposition des travailleurs aux contaminants chimiques (métaux et ignifuges), d’apprécier le niveau de risque sanitaire et de documenter les pratiques de santé et de sécurité au travail (SST) dans le secteur du recyclage électronique primaire au Québec. Les objectifs spécifiques étaient :

1) de décrire les différentes opérations et procédés de travail dans l’industrie du recyclage électronique;

2) de documenter les pratiques de gestion de la SST mises en œuvre dans le milieu du recyclage électronique;

3) d’évaluer l’exposition des travailleurs aux métaux et aux agents ignifuges;

4) d’explorer la présence d’effets précoces à la santé en ce qui concerne la perturbation endocrinienne (plus spécifiquement des hormones thyroïdiennes et reproductives); 5) d’apprécier le risque potentiel pour la santé des travailleurs en fonction des niveaux

d’exposition qui auront été mesurés.

Les sections suivantes présentent le devis de l’étude menée pour atteindre ces objectifs, tout en considérant que le travail de thèse concerne plus particulièrement les objectifs 2, 3, et 4.

Recrutement des entreprises

Il était prévu de recruter des entreprises de recyclage électronique situées autour de la région de Montréal pour faciliter les déplacements sur le terrain et la gestion des échantillons après la journée de prélèvement, tout en obtenant un échantillon vraisemblablement caractéristique des différents types d’entreprises de recyclage électronique au Québec. Il y a dans la province deux grands types d’entreprises de recyclage électronique : des entreprises privées et des entreprises à but non lucratif, ces dernières ayant une mission d’aide à l’emploi pour des personnes en réinsertion sociale ou encore des personnes souffrant d’un handicap.

Le choix du groupe de comparaison a posé un défi de taille. Comme les groupes chimiques d’ignifuges étudiés sont fréquemment rencontrés dans la majorité des milieux de travail (Abbasi et al. 2016; Brommer and Harrad 2015; Stapleton et al. 2008), nous désirions obtenir un groupe pour lequel seulement l’exposition chimique était différente de celle des travailleurs du recyclage électronique. L’industrie du recyclage commercial (verre, carton, métal) a donc été ciblée. Ce genre d’entreprise fait appel à une main-d’œuvre dont il est fort probable que le statut socio-économique soit similaire à celui des travailleurs du recyclage électronique (Lavoie and Guertin 1999; Poulsen et al. 1995). Il est certes possible que les travailleurs y soient tout de même exposés à différents perturbateurs endocriniens, mais dans une moindre

mesure que dans le recyclage électronique. De plus, la signature des différents groupes chimiques d’ignifuges identifiés à la fois dans l’air et dans les liquides biologiques des travailleurs est présumée différente dans ces deux industries, telle qu’observée ailleurs dans d’autres industries (Hearn et al. 2013).

Des entreprises de recyclage électronique ont été identifiées à partir d’une recherche internet. Une vingtaine d’entreprises ont été approchées, et les responsables de neuf d’entre elles ont accepté de participer à la suite d’une rencontre face à face. Sur ces neuf entreprises, deux ont fermé ou changé de vocation avant la campagne de prélèvements et la troisième a été jugée trop éloignée de la région de Montréal. Quant au groupe de comparaison, une dizaine

d’entreprises de recyclage domestique ou commercial ont été contactées et une seule a accepté de participer.

Recrutement des travailleurs

Le principal critère d’inclusion quant au choix des travailleurs du recyclage était d’être en présence quasi continuelle de D3E ou de déchets d’autre nature, soit par les tâches de tri et de démantèlement manuelles, d’opération de compacteurs ou autre machinerie, ou encore par des tâches de supervision.

Le recrutement des participants a été effectué selon les étapes suivantes :

1) Rencontre de groupe avec les travailleurs, explication des diverses étapes du projet, réponse aux questions et remise du formulaire de consentement et du feuillet d’information.

2) Identification des travailleurs intéressés à participer lors de la première rencontre et dans les jours suivants. Les travailleurs intéressés devaient répondre à quelques questions afin de déterminer leur éligibilité (voir critères d’inclusion et d’exclusion dans l’article 4 (chapitre 6).

3) Rencontre individuelle avec chacun des travailleurs pour la signature des formulaires de consentement le matin de la première journée d’échantillonnage.

Le projet a été présenté à plus de 150 travailleurs. Quatre-vingt-huit travailleurs ont été recrutés dans des entreprises de recyclage électronique primaire et constituent le groupe

exposé. Le groupe de comparaison est constitué de dix travailleurs provenant d’une entreprise de recyclage commercial, et de cinq travailleurs d’une entreprise de recyclage électronique ayant une division « recyclage du papier ».

Les participants se sont vu offrir une compensation financière de cent dollars. Ceci visait à les dédommager pour la participation à l’étude hors des heures de travail régulières et pour l’inconfort relatif à leur participation à l’étude (port de pompe personnelle, recueil de leur urine et prise de sang).

Considérations éthiques

Le protocole du projet IRSST et le formulaire d’information et de consentement ont été approuvés par le Comité d’éthique de la recherche en sciences et en santé de l’Université de Montréal. Pour assurer le caractère confidentiel et anonyme des données, chaque participant n’a été identifié qu’avec un code dont seuls les chercheurs coresponsables de la recherche détiennent la clé. Chacun des travailleurs participants a signé librement un formulaire de consentement éclairé. De plus, un médecin de la Clinique de médecine du travail et de l'environnement du Centre hospitalier de l'Université de Montréal, co-chercheur du projet, a revu les résultats biologiques des travailleurs (tant pour les hormones que pour les métaux sanguins ou urinaires) de façon à assurer un suivi médical au besoin. Lorsque certains résultats de métaux ont atteint le seuil de déclaration au directeur de la santé publique selon la Loi sur la santé publique et ses règlements (Gouvernement du Québec 2019a), le laboratoire d’analyse a procédé à une déclaration nominale aux autorités de santé publique concernées.

Déroulement de la collecte de données

Deux jours de prélèvement par entreprise ont été requis : le jour 1 pour tous les ignifuges dans l’air et les métabolites d’OPE dans l’urine, ainsi que le jour 2 pour les métaux dans l’air, l’urine et le sang, de même que les ignifuges PBDE et les hormones dans le sang (Tableau 2.1). Des questionnaires ont également été complétés à la fin de la seconde journée de prélèvement, et l’enquête d’hygiène s’est échelonnée sur les deux jours. Cette dernière a consisté en l’observation de tous les travailleurs par une hygiéniste du travail certifiée, afin de

recenser les pratiques de travail et d’hygiène des participants. Des échantillons d’air ont été prélevés dans la zone respiratoire des travailleurs pour les ignifuges et les métaux, sélectionnés sur la base de leur présence dans les résidus des D3E, de leur toxicité endocrinienne

potentielle, de même que sur leur détection dans des entreprises de recyclage électronique hors Québec.

Les échantillons d’urine pour les ignifuges organophosphorés ont été prélevés à la fin de la journée de travail de manière à refléter l’exposition de la journée pour ces substances dont la demi-vie est de quelques heures (Hou et al. 2016). Quant aux échantillons de sang pour les PBDE, ils ont été prélevés à la fin de la journée de travail, vers la fin de la semaine (jeudi), de manière à refléter l’exposition de la semaine pour les congénères à plus courte demi-vie comme le BDE209 (Geyer et al. 2004; Thuresson et al. 2006b). Les échantillons de sang pour la mesure des hormones sont prélevés vers la même heure en fin de journée pour tous les participants, de manière à limiter l’effet des variations diurnes (Brambilla et al. 2009). Tableau 2.1. Détail de la collecte de données et d'échantillons

Donnée Jour 1 Jour 2

Air, poste personnel 40 ignifuges 12 métaux

Air, poste fixe 2 métaux

Matières particulaires totales

2 métaux

Matières particulaires totales

Urine 15 ignifuges OPE 6 métaux

Sang - 3 métaux

12 ignifuges PBDE 10 hormones

Entrevue Formulaire de consentement Questionnaire

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