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Il existe actuellement 13 AcMo ayant une indication en oncologie approuvés par la FDA, et beaucoup d’autres sont en test dans des essais cliniques. La table 4 présente l’ensemble des AcMo et ADCs présents aujourd’hui sur le marché et leurs mécanismes d’action.

94 AcMo bloquant les « immune checkpoints »

Physiologiquement, les « immune checkpoints » – littéralement, les points de contrôle de l’immunité – constituent des mécanismes de protection contre la suractivation des lymphocytes T et donc contre le développement de maladies auto-immunes. Comme nous l’avons vu précédemment, ces mécanismes peuvent également être impliqués dans l’immuno-échappement des tumeurs au système immunitaire. C’est le cas notamment des processus immunosuppresseurs induits par CTLA-4 et le couple PD-1/PD-L1. Ainsi, des AcMo thérapeutiques ont été développés pour bloquer ces mécanismes dans le microenvironnement tumoral.

Deux AcMo anti-CTLA-4 ont été testés en essais cliniques, l’ipilimumab et le tremilimumab. Ces AcMo bloquent la transduction du signal de CTLA-4 et permettent donc de prolonger l’activation des lymphocytes T et de restaurer leur prolifération. Ainsi, la réponse immunitaire liée aux lymphocytes T est amplifiée et cela résulte en une réponse antitumorale globale plus efficace195.

L’ipilimumab a donné des résultats prometteurs dans le traitement des mélanomes métastatiques. Son efficacité en monothérapie a été évaluée en comparaison de l’association ipilimumab/gp100 (vaccin peptidique expérimental) dans une étude randomisée en double aveugle incluant plus de 600 patients. Les résultats de cette étude ont montré que l’ipilimumab augmente la survie globale des patients, sans différence notable dans la médiane de survie entre les patients recevant l’ipilimumab en monothérapie et ceux recevant la combinaison gp100/ipilimumab. Les effets bénéfiques du traitement se sont montrés durables à long terme196. Cette étude encourageante a conduit à l’approbation de cet AcMo par la FDA en 2011. Néanmoins, cette thérapie peut présenter des effets indésirables importants (≥ grade 3), liés à une activation augmentée ou excessive du système immunitaire. Ces effets indésirables peuvent être dose-limitants et les arrêts de traitement pour cause de toxicité excessive ont concernés près de 10% des patients197.

Le tremilimumab a aussi montré des résultats prometteurs dans le traitement des mélanomes métastatiques. Cependant, même si les réponses observées étaient durables, l’essai

95 clinique de phase III a été stoppé pour cause de manque de résultats cliniques suffisamment probants198.

Il existe aussi d’autres AcMo dirigés contre le mécanisme immuno-régulateur lié à PD-1/PD-L1. PD-1 est un récepteur de la famille de CD28 exprimé sur les lymphocytes T activés, les lymphocytes B et les monocytes. Il régule négativement l’activation antigénique et la prolifération des lymphocytes T et provoque leur anergie. Ses ligands spécifiques, PD-L1 et PD-L2, sont exprimés sur certaines cellules immunitaires et dans différents types de tissus non lymphoïdes et confèrent un effet protecteur contre les lymphocytes T auto-réactifs199. PD-L1 peut également être exprimé sur les cellules tumorales dans de nombreux cancers200. Dans ce contexte, on comprend que le couple PD-1/PD-L1 constitue un mécanisme majeur de l’immuno-évasion des tumeurs. Il existe aujourd’hui 3 AcMo et une protéine de fusion ciblant PD-1 et 3 AcMo dirigé contre PD-L1. Le nivolumab, un AcMo anti-PD-1, a été testé en essai clinique de phase I et II dans différents types de cancers (mélanomes, carcinomes rénaux, cancers du poumon non à petites cellules…). Jusqu’ici, les résultats obtenus ont été positifs, avec des réponses significatives et durables (stabilisation de la maladie, régression des lésions tumorales)198. Ces résultats ont été observés y compris dans des pathologies où les immunothérapies n’avaient pas rencontré un grand succès. De plus, il semble que le nivolumab entraîne moins d’effets indésirables sévères que d’autres immunothérapies comme IL-2 ou l’ipilimumab. Ceci pourrait être un avantage important pour une utilisation combinée avec d’autres agents thérapeutiques. Actuellement, ces études se poursuivent dans des essais cliniques de phase III201. Un autre AcMo ciblant PD-1, le penbrolizumab, a été récemment approuvé par la FDA et est sous le coup d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) dans le traitement des mélanomes métastatiques en France202.

Ces nouvelles stratégies de traitement, visant directement les mécanismes d’immuno-échappement tumoral, montrent des résultats prometteurs jusqu’ici et ouvrent de nouvelles perspectives intéressantes dans le traitement des cancers.

AcMo agonistes des molécules de costimulation

Une autre possibilité pour améliorer la réponse immunitaire spécifique antitumorale est de favoriser les signaux de costimulation nécessaires à la pleine activation des lymphocytes T.

96 Ainsi, plusieurs AcMo agonistes des molécules de costimulation des lymphocytes T comme CD40, OX40, CD137 ou encore CD27 sont en cours de développement. Certains de ces AcMo sont en test dans des essais cliniques de phase I193. Cette approche avait déjà été envisagée il y a quelques années avec un AcMo superagoniste de CD28. Un essai clinique incluant six volontaires sains s’est déroulé pour tester cet AcMo mais il s’est soldé par un échec cuisant. En effet, une injection unique de l’AcMo chez les six volontaires a provoqué un « choc cytokinique », correspondant à un syndrome de libération massive de cytokines pro-inflammatoires, mettant les patients en danger de mort203. Cependant, les études pré-cliniques concernant la famille des récepteurs au TNF, comme CD27 ou CD137, semblent indiquer que ces molécules pourraient être de bonnes cibles thérapeutiques193.

Antibody-drug conjugates et antibody-radioconjugates

Ces agents thérapeutiques sont des composés comprenant un AcMo couplé à un agent toxique ou un radio-élément. Ils ont été conçus sur l’idée que l’AcMo peut cibler spécifiquement les cellules tumorales et donc acheminer directement dans la tumeur le composé toxique qui lui est lié194.

Il existe actuellement sur le marché deux spécialités de type ARC (Table 3). Toutes les deux sont indiquées dans le traitement du lymphome folliculaire. Lorsque l’AcMo se fixe à sa cible (CD20 pour les deux), le complexe ARC/cible est internalisé et le radioélément émet directement au sein de la cellule tumorale. Cependant, il faut rappeler que le CD20 est également exprimé sur les lymphocytes B sains. Donc, lors de son injection, le composé ARC va aussi éliminer les lymphocytes B sains et par la même occasion, exposer toutes les autres cellules hématopoïétiques à l’élément radioactif. Cet inconvénient peut être pallié en partie par des injections préalables d’AcMo non couplés au radioélément, qui vont saturer les lymphocytes B sains et permettre d’augmenter le taux de composés ARC au sein de la tumeur. La déplétion temporaire des lymphocytes B sains est rapidement récupérée par la suite. Actuellement, une dizaine d’agents thérapeutiques de ce type sont en cours d’essais clniques204.

Le principe des ADC est le même que pour les ARC. L’AcMo va cibler spécifiquement la cellule tumorale et l’ADC sera internalisé. Suivant la nature du lien entre le composé toxique et l’AcMo, le composé actif sera libéré dans différents compartiments cellulaires. Cependant, le

97 lien qui relie le composé actif et l’AcMo doit être finement étudié, pour que le composé actif ne soit pas libéré prématurément mais qu’il soit tout de même relargué dans la tumeur. Jusqu’à récemment, deux spécialités pharmaceutiques de type ADC étaient approuvées par la FDA (Table 3). Mais le gemtuzumab ozagamicin a été retiré du marché pour manque d’efficacité204.

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