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1.5 Les acides aminés D

1.5.3 Acides aminés D sous forme libre dans les cellules vivantes

Le développement de méthodes analytiques, souvent basées sur l’utilisation d’enzymes spécifiques des acides aminés D, a permis de détecter ces acides aminés sous forme libre dans divers organismes. Chez E. Coli, la D-Ala et le D-Glu sont utilisés dans la synthèse du peptidoglycane de la paroi. Il n’est donc pas étonnant que des concentrations élevées de D-alanine et de D-glutamate, 0.5 et 1 mM respectivement, soient présentes chez la bactérie E. Coli K12 cultivée en milieu minimum avec glucose [87]. Une étude réalisée sur E. Coli a révélé qu’entre 15 et 20% de l’ensemble des acides aminés existait sous forme D. La D-Ala y est le plus abondant des acides aminés D et représente 53% de la quantité totale d’alanine. Par ailleurs, 40% du glutamate, 50% de la méthionine et 5% de la valine se trouveraient sous forme D.

Plus généralement, Preston [88] a étudié la distribution des acides aminés D dans 43 espèces d’invertébrés marins. 18 d’entre elles, appartenant à 6 embranchements différents (Annelida, Mollusca, Echinodermata, Nemertea, Cnidaria et Arthropoda) contiennent des acides aminés D. Cette vaste distribution suggère des rôles physiologiques ou nutritionnels des acides aminés D chez ces organismes marins. La plus grande concentration totale d’acides aminés D (plus de 40 mM) a été trouvée dans le polychète Glycera dibranchiata. Dans cet organisme, un système de transport spécifique pour les acides aminés D a été identifié.

Pour les vertébrés, diverses études, réalisées essentiellement chez les mammifères, ont montré que des acides aminés D libres étaient présents dans les tissus et dans les li- quides physiologiques des vertébrés [89]. Les acides aminés D-Asp et D-Ser sont les plus abondants. Chez le rat, de l’acide D-aspartique a été trouvé dans différentes régions du cerveau et dans les organes périphériques endocriniens [90]. La localisation du D-Asp dans les neurones de certaines régions spécifiques du cerveau, ainsi que dans divers organes en-

1.5. LES ACIDES AMINÉS D docriniens du rat, laisse supposer que cet acide aminé D a un rôle de neurotransmetteur dans la modulation neuroendocrine. On trouve également du D-Asp dans le cerveau hu- main et dans les embryons de poulet. Plus récemment, il a été confirmé que le D-Asp joue un rôle important dans le système neuroendocrinien, ainsi que dans le développement du système nerveux [91] (table 1.9).

La D-sérine est présente à des concentrations relativement grandes, 32% de la sérine libre totale dans le cerveau de mammifère. La distribution de la D-Ser dans certaines régions spécifiques du cerveau et son affinité envers les récepteurs pour le glutamate qui répondent au N-méthyl-D-aspartate (récepteurs NMDA) indiquent un rôle de neuromo- dulateur pour cet acide aminé D. Une partie de la D-Ser pourrait être apportée avec la nourriture, car cet acide aminé D franchit facilement la barrière sanguine cérébrale. D’autre part, l’identification d’une D-sérine racémase dans le cerveau de rat suggère qu’il y a aussi une synthèse endogène de D-sérine à partir de L-sérine [92]. L’implication de la D-Ser dans la fonction cérébrale est en bon accord avec l’observation d’effets favorables de l’addition de cet acide aminé aux antipsychotiques utilisés lors des traitements de la schi- zophrénie [93]. En effet, un fonctionnement insuffisant des récepteurs NMDA semble jouer un rôle dans cette maladie. La D-sérine, en interagissant spécifiquement avec les récep- teurs NMDA, pourrait augmenter la neurotransmission associée. D’autre acides aminés D, comme la D-Ala, la D-Leu, la D-Thr, la D-Val, la D-Phe, la D-Tyr, la D-Pro, le D-Trp, le D-Glu, la D-Gln et la D-Met ont été détectés en petites quantités chez les vertébrés. Chez le rat, de la D-Ala et de la D-Leu ont été observées dans certaines régions cérébrales, mais à des concentrations de un à deux ordres de grandeur plus faibles que celles de D-Asp ou de D-Ser [90]. L’analyse des liquides physiologiques humains a révélé la présence de D- Phe, D-Pro, D-Trp et D-Tyr dans le plasma, l’urine, le liquide cérébro-spinal et le liquide amniotique, avec des rapport D/(D+L) compris entre 0.15 et 4% [89]. Les concentrations des acides aminés D sont plus élevées dans le sérum de patients souffrant d’insuffisances rénales, ce qui suggére un lien entre les acides aminés D et la fonction rénale [94]. Une étude sur le venin de mammifère a été menée en 2008 sur l’ornithorinque. Trois types de peptides ont été identifiés : les peptides natriurétiques (OvCNPs), les defensin-like pep-

Table 1.9 – D-Asp dans les tissus nerveux et endocriniens dans différentes espèces.

Embranchement Animal Tissue References

Mollusque Octopus vulgaris Cerveau (D’Aniello and Giuditta, 1977 ;

D’Aniello and Giuditta, 1978)

Octopus vulgaris Rétine (D’Aniello et al., 2005)

Octopus vulgaris Organes reproducteurs (D’Aniello et al., 1995a)

Opistobranche Aplysia fasciata Ganglion oesophagien (D’Aniello et al., 1992a)

Aplysia limacina Ganglion cérébral (Spinelli et al., 2006)

Urochordés Ciona intestinalis Ganglion cérébral (D’Aniello et al., 1992b ;

D’Aniello et al., 2003)

Crustacé Rock lobster Cerveau (Okuma and Abe, 1994)

Rock lobster Rétine (Okuma and Abe, 1994)

Amphibien Rana esculenta Organes reproducteurs (Di Fiore et al., 1998)

Harderian glande (Raucci et al., 2005)

Reptile Podarcis s. sicula Organes reproducteurs (Assisi et al., 2001)

Poisson Merlucius merlucius Cerveau (D’Aniello et al., 1995b)

Oiseau Gallus gallus Cerveau, rétine (embryo) (Neidle and Dunlop, 1990)

Cerveau, rétine (adult) (Neidle and Dunlop, 1990)

Mammifère Rat Cerveau (embryo) (Dunlop et al., 1986)

Cerveau (adulte) (D’Aniello et al., 1993b ;

Dunlop et al., 1986 ; Hamase et al., 1996 ; Hashimoto et al., 1993b ; Imai et al., 1995)

Rétine (6 jours) (Neidle and Dunlop, 1990)

Rétine (adulte) (Lee et al., 1999 ;

Neidle and Dunlop, 1990)

Hypophyse (2jours) (D’Aniello et al., 1996 ;

Lee et al., 1999)

Hypophyse (adulte) (D’Aniello et al., 2000a ;

Hashimoto et al., 1993a,b ; Lee et al., 1999 ;

Lee et al.,1997b)

Glande pineale (Imai et al., 1995 ;

Lee et al.,1997a)

Organes reproducteurs (D’Aniello et al., 1996 ; Hashimoto et al., 1993a)

Foie (D’Aniello et al., 1993a ;

D’Aniello et al., 2000a ; Hashimoto et al., 1995)

Human Cerveau (embryon) (Hashimoto et al., 1995)

Cerveau (adulte) (D’Aniello et al., 1998a ;

Fisher et al., 1991 ; Hashimoto et al., 1993a)

1.6. INTERACTIONS ENTRE LA TYRRS ET LA D-TYR