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Accroissement des IDE arabes au Maghreb : obligation ou volonté partagée?

La recherche d’IDE comme source de financement extérieure « non génératrice de

dettes »75 par les pays maghrébins, constitue un élément déterminant dans l’orientation des

IDE arabes du Golfe vers ceux du Maghreb, du fait des réformes et des privilèges qui en découlent.

Cependant, d’autres facteurs internes, mais aussi externes, perceptibles mais surtout dissimulés, ont également joué un rôle décisif dans le déploiement des projets d’investissement arabe du Golfe Persique au Maghreb. Ils sont différents par leur nature car ils sont à la fois politiques, économiques, géographiques, culturels mais aussi stratégiques. Néanmoins, leur combinaison a débouché comme nous l’avons démontré précédemment, sur une croissance remarquable des flux mais aussi des stocks d’IDE notamment avant les crises qui ont traversé les pays du Maghreb à la fin des années 2000.

En d’autres termes, en plus des facteurs économiques, géographiques et culturels qui se résument principalement dans la situation stratégique des pays du Maghreb et leur position géographique, les potentialités naturelles et humaines dont ils disposent, les stratégies de développement lancées débouchant sur des réformes juridiques et fiscales favorables aux IDE

et enfin, les affinités culturelles et religieuses avec les pays arabes du Golfe, des évènements survenus dans le monde ainsi que des stratégies « secrètes » tracées conjointement par les responsables des pays arabes émetteurs d’IDE et ceux des pays maghrébins, ont considérablement boosté le rythme des investissements.

En effet, si l’analyse thématique des entretiens réalisés avec les investisseurs disposant de projets dans les pays du Maghreb, permet de classer quantitativement les facteurs économiques, géographiques, naturels et humains comme primordiaux dans le déploiement des projets76, d’autres facteurs, et bien qu’ils soient externes et dissimulés, ont également un poids décisif dans cette orientation. En revanche, ils font référence dans certains cas, à des mesures douteuses prises au plus haut sommet de l’Etat des pays émetteurs des IDE, mais surtout, au niveau des pays récepteurs.

Ces éléments regroupent le facteur politique, formalisé premièrement par l’affectation des investissements vers les pays arabes dont ceux du Maghreb au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats Unis. Ce facteur, a permis aux pays maghrébins de bénéficier d’une part plus importante des IDE arabes du Golfe suite -si l’on se réfère à l’analyse de certains spécialistes- au gel des avoirs financiers des fonds arabes aux USA et dans quelques pays occidentaux après les attentats qui ont touché le World Trade Center. Poussant ainsi les capitaux à s’orienter vers d’autres régions dans le but de trouver des terrains d’investissement extérieurs plus favorables, permettant la pérennité des stratégies de diversification économique et d’investissement à l’international lancées par les pays du CCG.

Dans l’absolu, ce facteur politique peut paraître contestable. Néanmoins, il se confirme dans les entretiens que nous avons menés avec les investisseurs arabes disposant de projets au Maghreb. Plusieurs d’entre eux, nous ont souligné la prédominance effective d’un climat d’incertitude au lendemain des attentats. Il a été selon les interviewés la cause du bouleversement des Affaires et du blocage des capitaux arabes sous prétexte de financement de groupes islamistes et du terrorisme international. En conséquence, une méfiance s’est progressivement installée et a fini par conduire une bonne part des IDE arabes vers des régions garantissant une rentabilité avec beaucoup moins de risques pour les capitaux investis.

Les pays arabes et musulmans d’une manière générale, et ceux du Maghreb plus particulièrement, constituent les meilleurs récepteurs de ces capitaux.

Dans cette perspective, l’analyse thématique des entretiens et la récurrence du thème des attentats du 11 septembre 2001 dans les entretiens analysés (thème présent dans 5 entretiens sur un total de 7), nous a permis non seulement de confirmer son importance mais également de classer ce facteur parmi les principaux accélérateurs qui ont favorisé l’orientation des IDE arabes du Golfe Persique vers le Maghreb. Les extraits d’entretiens qui suivent le justifient dans la mesure où les interviewés expriment clairement les impacts négatifs des attentats du 11 septembre 2001 sur les IDE arabes du Golfe dans le monde occidental:

Extrait 01 : entretien réalisé le 14/09/2011 avec Z.J représentant de GFH à Tunis.

« Après le 11 septembre, ça devient un peu difficile de rapatrier votre argent si vous êtes investisseur. Donc il ne faut pas prendre beaucoup de risque, mais de le partager. En plus avec les arabes, il n'y a aucun pays arabe qui a arrêté l'argent d'un autre pays arabe, tandis que les européens ou USA oui, et les arabes mettent de l'argent malgré qu’ils savent bien qu'un jour ils ne vont pas l'avoir. Donc il vaut mieux investir dans un pays arabe que d'aller aux USA et n'importe qui peut dire à n'importe quel moment stopper l'argent de monsieur tel, il est avec les islamistes[…] Et c'est ce qu'ils font en Europe maintenant pour arrêter l'argent de Kadhafi ou Moubarak, l'essentiel c'est avoir de l'argent, ils sont en crise et ils ne veulent pas que l'argent sorte de leurs caisses. La Libye a plusieurs milliards de $ (214) dans les caisses de l'Europe, mais Sarkozy fait un rassemblement pour aider la Libye, et après tout ce blabla, on leur donne 1.5milliard de $, et l'argent de Kadhafi va être débloqué pour aider la Grèce. C'est incroyable ».

Extrait 02 : entretien réalisé le 03/02/2011 avec F.B Marketing Manager de la filiale

marocaine d’Emaar (Emaar Morocco).

« Je pense qu'a un moment donné, il y a des opportunités de croissance qui s'offrent dans les pays en développement plutôt que dans les pays développés, parce qu’il y a un terrain plus favorable à ce que ces grandes opérations-là s'installent ici et pas ailleurs où c’est devenu de plus en plus délicat depuis les attentats du 11 septembre 2001 ».

Par ailleurs, des facteurs économiques ont également joué un grand rôle dans l’orientation des IDE vers le Maghreb. La multiplication par sept du prix du baril et son

du prix, avec la baisse tendancielle du dollar américain en faveur de certaines monnaies dont l’euro, ont poussé les pays arabes du Golfe Persique dont les monnaies étaient maintenues à parité fixe avec le dollar depuis de nombreuses années, à réfléchir à d’autres zones d’extension afin de diversifier au maximum leurs placements dans des zones non dépendantes du dollar (Meddeb, 2010). L’objectif visé par cette mesure, était de fuir la soumission à une seule monnaie et par conséquent d’éviter une éventuelle baisse dans le futur.