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Chapitre I-Les instruments actuels du partage des avantages

A- Les accords bilatéraux et régionaux

Ces accords sont, généralement, signés entre deux pays dont l’un se charge de fournir du matériel et l’autre de l’exploiter. Les États-Unis, entre autres pays utilisateurs, ont signé un certain nombre

90 d’accords bilatéraux avec certains pays fournisseurs de RG et de ST. En guise d’exemples, on peut citer le traité de libre –échange entre les États-Unis et le Chili262, le traité de libre –échange entre les États-Unis et l’Australie signé le 18 mai 2004, art.19 (9) (11), le projet de traité de libre –échange entre les Etats-Unis et le Maroc, art.15 (9) (10)263. Ces accords sont souvent perçus de façon négative car ils semblerait qu’ils présentent des imperfections dues, en partie, à une absence de rigueur dans la façon dont ils sont rédigés et à l’absence de disposition qui aurait pu être assimilée à une obligation de divulgation264.

De telles imperfections ont été, notamment, relevées dans les différents accords bilatéraux signés par les États-Unis et certains pays fournisseurs et qui ne mentionnent aucunement, du moins de façon explicite, une obligation de divulguer l’origine des RG et/ou des ST dans les demandes de brevets265. De telles omissions et imperfections auront des impacts, non des moindres, sur l’effectivité de l’obligation et les opportunités de partage des avantages. Des auteurs comme Carlos Maria Corréa266, ont estimé que le langage utilisé dans ces accords et qui fait état de révocation ou d’annulation d’un brevet en cas de fraude, de la mauvaise interprétation, de la conduite inéquitable, ne peut pas être assimilé à une obligation de divulgation car elle n’est pas établie en tant qu’exigence légale. Un tel état d’esprit est toujours d’actualité tel que le démontre ces propos de Manuel Ruiz Muller qui note que : “The adoption of laws for the implementation of the Peru-US Free Trade Agreement has also recently generated discussions regarding the need for modifications

262 The United States-Chile Free Trade Agreement (FTA) entered into force in, 2004, en ligne:

http://www.ustr.gov/trade-agreements/free-trade-agreements/chile-fta (consulté le 15 août 2010).

263 J.-F. MORIN, préc., note 139, p. 10. 264 C.-M. CORREA, préc., note 25, p. 8. 265Id.

91 to Andean Community legislation on IP, specifically the patent regime and its disclosure provisions”.267

Le recours à de tels accords doit être recommandé avec précaution. Les pouvoirs de négociation des parties en présence n’étant pas égaux, il n’est pas exclu que les utilisateurs puissent imposer leurs règles du jeu et s’arranger à élaborer des clauses de façon à limiter leurs obligations dans ce domaine, notamment celle de divulguer l’origine des RG et/ou des ST dans les demandes de brevets. Les opportunités de partage des avantages dont les fournisseurs seraient en droit de bénéficier risquent d’être, aussi, considérablement réduites.

Il semblerait qu’un certain nombre d’entités commencent à prendre conscience de la nécessité de protéger leurs DPI dans le cadre de tels accords. L’auteur Malcolm Spence nous fait état d’une telle situation dans un de ses travaux:

A provision on the protection of genetic resources, traditional knowledge and folklore was considered useful in the context of CARIFORUM interests in eco-innovation. Although Article 150 of the EPA opens the door for the use of a declaration of source requirement for a patent applicant, it recognises the intense activities taking place multilaterally and provides for a review of the provision to make any amendments that the conclusion of these consultations require. In the interim, it ensures that the Convention on Biological Diversity (CBD) and the patent provisions are implemented in a mutually supportive way.268

Il semblerait que certains accords régionaux, aussi, ne seraient pas plus effectifs. Ceux qui ont été conclus au niveau de l’Afrique, par exemple, ne contiennent pas souvent de dispositions faisant référence à une quelconque obligation de divulgation. En effet, les accords de Bangui ne prévoyaient pas de telles dispositions. Un auteur nous rapportait, en faisant référence aux ST,

267 Manuel Ruiz MULLER, “Disclosure of Origin and Legal Provenance: The Experience and Implementation

Process in South America”, préc., note 59, 4, voir aussi: M. Ruiz Muller - Thinking Outside the Box Innovative Options for an Operational Regime on Access and Benefit Sharing, ICTSD Issue Paper No. 1, June 2010, 7.

268 Malcolm SPENCE, “Negotiating Trade, Innovation and Intellectual Property: Lessons from the CARIFORUM

92 que: “Annex I, which covers substantive patents contains no requirement for disclosure of origin/source, or for proof of compliance with PIC and ABS for patent applications using/based on/derived from traditional knowledge”269. Une telle situation s’applique, aussi, au domaine des RG: “Annex I, which covers substantive patents contains no requirement for disclosure of origin/source, or for proof of compliance with PIC and ABS for patent applications using/based on/derived from genetic resources270”.

La situation n’est pas meilleure au niveau de l’ARIPO. L’auteur nous apprend qu’il n’existait pas, dans le cadre de tels accords non plus, de telles dispositions: « The agreement contains no rules on traditional knowledge or genetic resources nor any provisions for preventing their misappropriation»271.

Mais la situation semble avoir changé, du moins au niveau de l’ARIPO avec le Protocole de Swakopmund qui a été élaboré par des experts africains. Les pays composant cette entité géographique semblent percevoir un tel texte comme une solution adoptée pour faire face à l’appropriation illicite ou à l’utilisation abusive des savoirs traditionnels272. Au nombre des avantages que l’on peut relever à travers les lignes de ce traité figurent ceux qui ont trait à la place plus importante qui a été accordée aux droits locaux ainsi qu’à la mise en place de registres.

269 Dalindyebo SHABALALA, “Traditional Knowledge and Genetic Resources in Economic Partnership Agreements:

Elements of a Positive Agenda for ECOWAS Countries, Regional Dialogue on the Economic Partnership Agreements, Intellectual Property and Sustainable Development for the ECOWAS, Organized by ICTSD, in partnership with ENDA and QUNO, Saly, Senegal, 30-31 May 2007.

270 Id. 271 Id.

272 Swakopmund Protocol on the Protection of Traditional Knowledge and Expressions of Folklore Within the

Framework of the African Regional Intellectual Property Organization (ARIPO) Adopted by the Diplomatic Conference of ARIPO at Swakopmund (Namibia) on August 9, 2010, en ligne:

93 Les initiateurs et les auteurs d’un tel texte reconnaissent une place plus importante aux droits coutumiers, locaux. La section 5.2 prévoit l’établissement de registres pour y noter, y enregistrer les ST et ce en conformité avec les politiques, lois, procédures, besoins et aspirations pertinentes des titulaires de ces ST.

La section 5.4 prévoit le cas où deux ou plusieurs communautés vivant sur le même ou des territoires différents disposeraient du même ST. L’autorité nationale compétente dans les États contractants et le bureau de l’ARIPO auront à procéder à l’enregistrement des titulaires des ST et à maintenir les registres prévus à cet effet. Même si d’aucuns sont d’avis qu’un tel texte reste à parfaire, on peut y voir des avancées, si minimes qu’elles puissent paraître, dans le domaine de la protection des ST dans ces pays.

Hormis la possibilité de procéder à un partage effectif des avantages par le biais du contrat et des accords bilatéraux, il existe d’autres instruments tels que les systèmes d’APA, instruments auxquels les parties en présence ont, aussi, recours. Nous avons choisi de traiter, dans les prochains développements, de cet instrument que constituent les systèmes d’APA car ils font, aussi, l’objet d’études dans le cadre de la CDB et de négociations qui sont, actuellement, en cours.