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b) 3 ème corps B

C.4. Accommodation du glissement dans les assemblages moléculaires de la synovie

C.4.1 Accommodation du glissement dans les multicouches lipidiques

Afin d'examiner si l'accommodation du glissement peut être localisée au sein d’une bicouche lipidique, une série d’essais de frottement à une vitesse de 6.10-4 m/s et une charge normale de 3N (correspondant à une pression moyenne de 0.3MPa) a été réalisée sur le dispositif décrit dans le paragraphe B.2.1. Les premiers corps sont constitués de :

• une lentille HEMA hydratée, 48h avant essai, dans du sérum physiologique, et couverte d'une seule bicouche lipidique DOPC, fluorescente en lumière bleue,

• une contre face en verre, très propre (cf. B.2.4.1.).

Les visualisations en fluorescence montrent que la bicouche lipidique n’est pas détruite au cours du frottement. Le coefficient de frottement est d'environ 0.08, et reste constant au cours des 10 minutes d'essai. Les essais n'ont pas été poursuivis après 10 minutes, pour éviter l’oxydation lipidique.

Par contre, si l'on dépose une bicouche lipidique sur chacun des premiers corps, on obtient un coefficient de frottement plus faible, 0.01.

Le fait que dans la première configuration on observe un frottement relativement élevé peut être dû aux chargements mécaniques qui ne permettent pas la formation d’une épaisseur d’eau capable de séparer les têtes lipidiques appartenant à la surface frottante (bicouche lipidique déposée sur HEMA) de la surface de verre. Cette surface étant très propre, elle est susceptible d'adsorber les têtes lipidiques, localisant ainsi les vitesses entre les queues lipidiques (fig. C.5). Dans la même logique, on peut penser que la présence d'une bicouche lipidique sur chacune des deux surfaces tend à maintenir (par des effets physicochimiques [120, 153]) une très fine couche d’eau entre les bicouches lipidiques, dans laquelle a lieu toute l'accommodation du glissement (fig. C.6).

Fig. C.5. Accommodation des vitesses dans la couche d’eau

Fig. C.6. Accommodation du glissement à l’intérieur de la bicouche lipidique

Afin de vérifier la pertinence de cette interprétation des résultats expérimentaux concernant la localisation du glissement, nous avons également exploité un modèle numérique, basé sur la dynamique moléculaire et utilisant des éléments discrets (grains), développé depuis 1999 [154] au sein du LaMCoS, et adapté pour les multicouches lipidiques dans le cadre du projet de Master de David Richard [155].

Ce modèle numérique moléculaire permet l’analyse tribologique des couches lipidiques en reproduisant de manière très simple la structure chimique des couches lipidiques ainsi que les interactions physico-chimiques nécessaires pour maintenir leur intégrité.

Pour modéliser la bicouche lipidique, on a utilisé la structure chimique d’une molécule lipidique et les interactions physico-chimiques qui maintiennent l’intégrité de cette bicouche. Nous avons reconstitué la molécule lipidique en définissant trois types de grains : un premier correspondant à l’atome de carbone des queues lipidiques, un deuxième correspondant à la

partie hydrophile de la tête lipidique, chargée électropositivement (choline) et un troisième correspondant à la partie hydrophile de la tête lipidique, chargée électronégativement (phosphate) (C.7b). Pour réaliser l’intégrité de la couche lipidique, l’ion de calcium a été reconstitué par un quatrième type de grain. Ensuite, ces quatre types de grains ont été reliés par des liaisons de type « ressorts » qui remplacent les liaisons chimiques réelles. La raideur de ces liaisons est calculée en fonction de la valeur de la liaison chimique qu’elle substitue.

Enfin, la couche d’eau a été modélisée à partir de la réalité physique qui montre que le milieu aqueux est composé de dipôles d’eau en équilibre avec de l’eau ionisée : H3O+ et HO-. Pour créer le milieu aqueux, neutre électriquement, les groupes H3O+ et HO- sont entourés chacun de trois couches de molécules d’eau dipolaires (fig. C.7c). Partant de cette réalité nous avons reconstitué la couche d’eau en définissant deux types de grains,l'un correspondant à H3O+ hydraté (en blanc sur la figure C.7), et l’ autre correspondant à HO- hydraté (en rouge sur la figure C.7

Les interactions entre les grains non liés par des liaisons de type ressort, ont été définies uniquement par des interactions électrostatiques (annexe 5) basées sur la loi de Coulomb. En effet, les interactions de van der Waals sont négligeables car le modèle impose que les bicouches lipidiques ne peuvent s’approcher à plus de 3 nm les unes des autres (annexe 5).

Pour reproduire les conditions de fonctionnement tribologique, nous avons appliqué une force normale et une vitesse tangentielle sur chaque grain « choline » de la paroi supérieure de la bicouche supérieure, tandis que les grains « choline » de la paroi inférieure de la bicouche inférieure ont été encastrés.

Les résultats montrent que pour des conditions de frottement proches de celles réalisées expérimentalement, l’accommodation du glissement se fait dans la couche d’eau, ce qui est en accord avec les interprétations proposées pour les résultats expérimentaux.

Par contre, le modèle n’a pas détecté de différences de frottement entre l’état fluide et solide des bicouches lipidiques, respectivement les lipides avec double liaison et celles sans double liaison. Ce point est en désaccord avec les résultats expérimentaux qui montrent un rapport de coefficient de frottement d’environ 6 pour les bicouches fluides comparées aux bicouches solides (cf. § B.2.4.3). Cette différence pourrait être expliquée par une oxydation des bicouches lipidiques fluides, survenue lors des essais « physiques ».

L'ensemble de ces résultats, expérimentaux et numériques, tend à suggérer que la faible valeur du coefficient de frottement constatée lorsque les surfaces sont couvertes de bicouches lipidiques est favorisée par un glissement localisé dans la couche d’eau piégée entre deux bicouches lipidiques. Par contre, si le glissement est localisé dans la bicouche lipidique elle-même, on obtient des coefficients de frottements 8 fois plus grands. Par conséquent, les bicouches lipidiques, en elles-mêmes, ne favorisent pas directement l’obtention d’un frottement bas. Leur rôle tribologique serait plutôt indirect en piégeant entre elles, par des actions physicochimiques, de fines couches d’eau (6 -10 nm [107,67]) dans lesquelles se localise l'accommodation du glissement.

D’autre part, nous avons également remarqué que la composition ionique du milieu aqueux influence le frottement. Ainsi, quand le milieu aqueux est constitué de sérum physiologique, le coefficient de frottement est légèrement plus bas (0.0015, cf. § C.3) que si ce milieu est constitué d'eau déminéralisée (0.002, cf. § B.3). Cela peut être dû à des forces de type électrostatique, générées par la présence d’ions Na+ et Cl- qui peuvent interagir avec les charges électriques positives des têtes lipidiques.

Les résultats du paragraphe C.3.1 montrent aussi que les multicouches lipidiques peuvent s’adsorber sur les surfaces des premiers corps au cours du frottement, par éclatement de vésicules lipidiques. Dans ce cas, on obtient des multicouches non uniformes induisant un coefficient de frottement de 0.005. Cette légère augmentation du frottement pourrait être due au fait que l'accommodation du glissement dans la couche de sérum présente entre les dépôts lipidiques formés sur les surfaces frottantes n'est pas parfaitement uniforme (fig. C.8).

Fig. C.8. Accommodation du glissement dans la couche de sérum physiologique (troisième corps B)