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Accélération et binaires X

I.3 Les pulsars milliseconde (MSPs)

I.3.2 Accélération et binaires X

La description du diagramme P − ˙P nous a permis de mettre en évidence les diverses populations de pulsars connues à ce jour. Nous allons maintenant nous interroger sur la façon dont des pulsars qui naissent avec une période de rotation de l’ordre de la seconde et qui ralentissent au cours de leur existence, peuvent atteindre des périodes de l’ordre de la milliseconde après plusieurs centaines de millions d’années.

La réponse communément admise à cette question repose sur le concept d’étoiles binaires. Consi- dérons un système de deux étoiles de masses différentes liées par la gravité. Selon le scénario décrit

enI.2.1, l’étoile la plus massive va évoluer plus rapidement (τ∝ M−2avecτla durée de vie de l’étoile

et M sa masse,Burbidge et al. 1957;Hirschi et al. 2004) et, si sa masse le permet, explosera au cours d’une supernova pour former une étoile à neutrons. Dans la plupart des cas, l’étoile secondaire se trouvera alors éjectée de son orbite, ce qui explique que, relativement aux pulsars milliseconde connus, peu de pulsars normaux sont impliqués dans des systèmes binaires (Lorimer 2008). Dans le cas contraire, le système binaire résultant se trouve composé de l’objet compact et de l’étoile compagnon.

Une étoile compagnon suffisamment massive devrait devenir géante et la matière composant ses couches externes devrait progressivement remplir son lobe de Roche12(Paczy ´nski 1971). Lorsque la matière atteint les limites du lobe de Roche, elle se déverse dans la zone où le potentiel créé par l’étoile à neutron domine en passant par le point de Lagrange L1. La rotation globale du système autour de son centre de gravité et les forces de marée engendrées obligent la matière déversée à s’organiser pour former un disque d’accrétion autour de l’objet compact, comme représenté sur la figureI.4.

Il a été proposé parShakura & Sunyaev(1973) que la matière du disque d’accrétion soumise à d’importantes forces de frottement devrait perdre une partie de son moment cinétique et finir par tomber sur la surface de l’étoile à neutrons, lui cédant ainsi son reste d’énergie rotationnelle (Alpar et al. 1982). Ce scénario de "réaccélération" des étoiles à neutrons est à l’origine de l’expression pulsars recyclés associée notamment aux pulsars milliseconde. Il a récemment été appuyé par la découverte d’un pulsar milliseconde pour lequel des observations en optique ont indiqué qu’il était entouré par un disque d’accrétion au cours des dernières décennies, mais que ce disque a aujourd’hui disparu (Archibald et al. 2009). Avant cette découverte, l’observation d’une binaire X avait permis de mettre en évidence la présence de pulsations ayant une période de 2.5 ms associées à un pulsar milliseconde (Wijnands & van der Klis 1998). L’accrétion de matière étant une source supplémentaire d’énergie rotationnelle pour l’étoile à neutrons, on parle dans ce cas de pulsars alimentés par accrétion, ou accretion powered pulsars comme mentionné au paragraphe I.2.3.1. De plus, ce phénomène d’accélération a été à l’origine de plusieurs théories expliquant l’évolution du champ magnétique des étoiles à neutrons réaccélérées. Par exemple,Romani(1990) propose que le champ magnétique soit "enterré" au cours de la phase d’accrétion ce qui devrait induire une augmentation de la masse de l’objet accrétant, idée reprise plus tard parPayne & Melatos(2007). Parallèlement,Ruderman(1991a) s’appuie sur des considérations sur l’intérieur des étoiles à neutrons pour montrer que l’intensité du

12. Du nom de l’astronome Edouard Roche, c’est la surface équipotentielle du système binaire, qui tient compte de la force de gravitation et de la force centrifuge

Figure I.4–Représentation d’un système binaire formé d’un objet compact et d’une étoile compagnon (vue de dessus). Après avoir rempli le lobe de Roche du compagnon (en tirets), la matière se déverse par le point de Lagrange pour former un disque d’accrétion autour de l’étoile à neutrons.

champ devrait diminuer d’un facteurpP1/P0avec P0et P1les périodes de rotation respectivement

avant et après l’accélération.

Au cours de la phase d’accrétion, les forces de friction engendrent une augmentation de la température de la matière dans le disque, rendant ce dernier théoriquement observable grâce à l’émission de rayons X d’origine thermique. De tels systèmes sont de ce fait appelés binaires X. On distingue deux types de binaires X suivant la masse du compagnon : les binaires X de masse élevée (HMXBs pour High Mass X-ray Binaries, avec un compagnon de masse M&3 M¯) et les binaires X de faible masse (LMXBs pour Low Mass X-ray Binaries, avec un compagnon de masse M.1 M¯) (Schatz & Rehm 2006; Bhattacharyya 2010). Dans le premier cas, la masse de l’étoile compagnon est suffisamment élevée pour que son existence se termine par une supernova engendrant la formation d’un seconde étoile à neutrons, et interrompant subitement la phase d’accrétion. Le système résultant, si il survit à l’explosion, est composé d’un pulsar modérément recyclé et d’un pulsar jeune (Li 2002;Kramer & Stairs 2008). Neuf de ces pulsars doubles sont connus à ce jour, la découverte du premier (B1913+16) ayant été rapportée parHulse & Taylor(1975). Pour ce qui est des LMXBs, la phase d’accrétion ne sera pas interrompue par une supernova et pourra se poursuivre pendant plus longtemps (∼ 109 ans contre ∼ 107 ans pour les HMXBs,Verbunt 1993). L’étoile à neutrons devrait ainsi pouvoir atteindre des périodes de l’ordre de la milliseconde, alors que l’étoile compagnon termine son existence sous forme de naine blanche. On connaît à l’heure actuelle vingt systèmes de type étoile à neutrons - naine blanche, pour lesquels le compagnon a été identifié grâce à des observations optiques (van Kerkwijk et al. 2005).

Néanmoins, les observations radio ont montré l’existence de plusieurs pulsars isolés dont les paramètres de rotation suggèrent une précédente phase d’accrétion. On explique généralement cette

I.3 Les pulsars milliseconde (MSPs)

situation par la séparation des deux étoiles d’un système binaire après interaction de ce dernier avec d’autres étoiles dans des milieux fortement peuplés tels que les amas globulaires (voir paragraphe

I.3.3) (Sigurdsson & Phinney 1995), ou encore par "l’évaporation" du compagnon par le vent intense de particules relativistes généré par l’étoile à neutrons (Levinson & Eichler 1991).

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