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Un des problèmes à résoudre pour les spectromètres dimuons fonctionnant en mode collisionneur, comme PHENIX ou ALICE, est le blindage de la ligne de faisceau. En effet il faut protéger les chambres de tracking et de trigger des interactions des particules de haute énergie (~100 GeV) produites à petit angle (essentiellement des pions et des kaons) avec le tube faisceau. Un compromis est obligatoire entre la matière nécessaire pour avoir un blindage efficace et des questions de poids (~ 50 t), d'encombrement et de coûts qui sont également à prendre en considération. Il faut, bien entendu, prendre en compte que l’interaction des particules avec le blindage va produire une gerbe hadronique source de particules secondaires. Une bonne connaissance du développement latéral de la gerbe (punch-through latéral) est donc nécessaire.

Si le développement longitudinal de la gerbe a fait l’objet de mesures précises [5], y compris avec des RPC (Resistive Plate Chambers) [6], qui sont les détecteurs utilisés pour le trigger, peu de choses sont connues expérimentalement sur le développement latéral. Une série de tests a donc été conduite au CERN [7,8,9] afin de pouvoir comparer les résultats expérimentaux à ceux des codes de simulations utilisés pour étudier et dimensionner

La première étude que nous avons menée [1,7] à l’aide d’un faisceau de pions avait pour objectif d’obtenir une normalisation pour les simulations du nombre de particules chargées par pions incidents. Le dispositif expérimental utilisé est représenté sur la Figure 18. Le faisceau de pions (dimension spatiale x et y  1 cm) interagissait avec un bloc de plomb, simulant le blindage du tube faisceau, construit avec des briques afin de faire varier l’épaisseur latérale (quelques tonnes de plomb ont été manutentionnées avec ardeur !). Les autres dimensions étaient de 90 cm de long et 50 cm de haut. Le faisceau secondaire de pions fournis par le SPS pouvait être ajusté jusqu’à 100 GeV. Toutefois, au-delà de 70 GeV il y avait une proportion importante de muons. Le faisceau était défini par deux scintillateurs S1 et S2 (5 cm x 5 cm) distants de 10 m. Afin de ne pas déclencher sur les muons, un scintillateur ( μ sur la figure) placé derrière un gros absorbeur en fer était mis en anti-coïncidence dans le trigger. Un dispositif antihalo (AH) protégeait l’expérience de particules en temps avec le faisceau évitant ainsi d’avoir des problèmes d’empilement. La détection des particules dans la direction transverse était assurée par 2 détecteurs :

• une chambre proportionnelle multifils (LPC Clermont-Fd) destinée à la détection des particules chargées et placée parallèlement au faisceau (dimension : 14x51 cm2, 3,2 cm d'épaisseur; gaz Ar/CO2 80/20)

• un scintillateur CsI(Tl) permettant l’identification des particules (Subatech Nantes)

Figure 18 : dispositif expérimental de la première étude du punch-through latéral.

Les simulations ont été faites dans un premier temps avec GEANT + GHEISHA [10] avec une coupure à 50 keV (en dessous les résultats étaient les mêmes) pour les gammas et les neutrons puis ont été complétées par des simulations avec FLUKA [11]. GEANT et FLUKA sont des codes de transport des particules. FLUKA [12] présente l'avantage de mieux traiter les neutrons de basse énergie et les gerbes électromagnétiques. GHEISHA est un code permettant de générer les interactions hadroniques et est utilisé pour simuler la gerbe hadronique.

Les principaux résultats de ces tests concernent le profil latéral de la gerbe et la dépendance en fonction de l’énergie des pions incidents et de l’épaisseur du blindage. Nous avons tout d’abord mesuré l’efficacité de la chambre à fils avec des muons de 70 GeV. La valeur moyenne trouvée était de 90%. Comme au-delà de 70 GeV, la fraction de muons dans le faisceau de pions devient importante, nous avons également mesuré l’inefficacité de notre anti-mu (μ). Nous avons trouvé une inefficacité de 10 %.

Dans la suite de l'expérience, la chambre à fils avait son centre placé à 45 cm (maximum de la gerbe). Les hits étaient intégrés sur toute la surface sensible du détecteur et étaient normalisés par le nombre de pions incidents et la surface de la chambre. Sur la Figure 20 est représentée la dépendance du nombre de particules chargées par pion incident et par cm2 en fonction de l’énergie des pions incidents et pour une épaisseur latérale de plomb de 15 cm. Pour les points en dessous de 70 GeV où la contamination en muons était faible, on observe une dépendance linéaire avec l’énergie, conforme à la dépendance obtenue par les simulations. Le point à 70 GeV se trouve bien au-dessus du comportement attendu. Ce désaccord est certainement dû à une mauvaise estimation de la contribution des muons. Ce qui est important de noter, c’est que les résultats expérimentaux se trouvent à un facteur 1,2 à 2 au-dessus des résultats obtenus par simulation avec GEANT.

Figure 19 : Profil latéral de la gerbe pour une épaisseur de 15 cm de plomb et une énergie des pions de 50 GeV.

Figure 20 : nombre de particules chargées par pion incident et par cm2 en fonction de l’énergie pour une épaisseur de 15 cm.

La Figure 21 montre la dépendance du nombre de particules chargées par pion incident et par cm2 en fonction de l’épaisseur latérale de plomb pour une énergie de 50 GeV. Ici nous observons une décroissance quasiment exponentielle en accord avec la forme donnée par les simulations qui est exponentielle. Notons que nous avons toujours au moins un facteur 2 entre les simulations obtenues avec GEANT et les résultats expérimentaux. Un bien meilleur accord est obtenu avec FLUKA avec une différence maximale d’un facteur 1,5 pour 40 cm. FLUKA produit entre 30 et 50% de particules chargées et de photons de plus et 5 fois plus de neutrons que GEANT ce qui peut expliquer les meilleurs résultats obtenus avec FLUKA. Notons également que si, en passant d’une épaisseur de 15 à 40 cm de plomb, on divise par un facteur 60 les particules chargées, le flux de neutrons est seulement divisé par un facteur 6 et est 3000 fois plus important que le flux de particules chargées [1]. Il est donc important que les détecteurs présentent une faible sensibilité aux neutrons.

Figure 21 : nombre de particules chargées par pion incident et par cm2 en fonction de l’épaisseur latérale pour une énergie de 50 GeV.

D’autres tests sur les effets du punch-through latéral sur le fonctionnement des RPC ont été réalisés (voir § V.C.6). Ils seront développés dans le chapitre sur le trigger du bras dimuons.

Finalement différentes géométries de l’absorbeur à petit angle ont été simulées [1,13,14]. La collaboration a adopté la géométrie dite "ouverte" (Figure 22 et Figure 23). L'idée est de rejeter l'interaction des mésons émis à petit angle (région de rapidité 4 <  < 8) en fin de spectromètre, après le trigger. Bien entendu, il faut ici des matériaux présentant une faible longueur d'interaction afin d'augmenter l'absorption des particules, les zones les plus critiques étant blindées par un alliage de tungstène. Un des problèmes liés à cette géométrie est le volume considérable de la chambre à vide, de l'ordre de 0,9 m3.

Figure 23 : schéma de la première section de l’absorbeur à petit angle.