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B.2.b.α Les électrophorèses avec gradient dénaturant : TTGE/DGGE 47 

Les premières publications à faire état de l’utilisation de gels d’électrophorèse avec gradient dénaturant sont apparues au début des années 1980. Ainsi, en 1983, dans la revue « Proceedings of the National Academy of Sciences », Fischer and Lerman décrivent l’emploi d’un gel d’électrophorèse avec gradient dénaturant pour différencier des fragments d’ADN possédant des substitutions de l’ordre de la paire de bases. Ils y indiquent également une correspondance avec la théorie des températures de fusion des acides nucléiques (Tm).

Le principe d’une séparation de fragments d’acides nucléiques sur un gel d’électrophorèse avec gradient dénaturant est basé sur une perte différentielle de leurs vitesses

de migration dépendante de leur Tm (figure I.18). En effet, la dénaturation progressive des fragments au fur et à mesure de leur progression dans le gel entraîne une nouvelle conformation ouverte des molécules qui ralentit leur migration. Cette dénaturation étant dépendante des Tm des fragments et le Tm de leur séquence, leur vitesse et in fine leur position dans le gel sera donc dépendante de leur séquence. Pour favoriser la résolution, l’emploi d’une séquence riche en guanine et cytosine, appelée queue GC (en anglais, GC clamp), a été proposé par Myers et al. en 1985 avec une taille de 300 Nt puis par Sheffield et

al. en 1989 avec cette fois-ci une taille plus faible de 40 Nt. Aujourd’hui, c’est cette dernière

taille de 40 Nt qui est toujours utilisée. Cette queue GC est ajoutée à l’une des amorces pour être ainsi présente sur tous les fragments après amplification. Compte tenu de la composition de cette séquence GC, son Tm, très élevé, prévient toutes possibilités de dénaturation complète du fragment amplifié. Il en résulte que la conformation la plus dénaturé d’un fragment amplifié est une sorte de « Y » qui freine considérablement sa progression dans le maillage du gel ; ouvrant alors les « bras » dans le maillage du gel, la vitesse de migration du fragment devient alors quasi-nulle.

L’emploi des électrophorèses avec gradient dénaturant englobe donc toutes les applications où une simple différence de Tm entre deux ou plusieurs fragments permettrait de les discriminer par électrophorèse. Cette notion est importante et doit toujours être présente à l’esprit de l’utilisateur, tant elle explique l’impuissance de cette technique à séparer des fragments d’acide nucléique de séquences pourtant divergentes mais avec des Tm identiques ou très proches (illustration est faite dans cet article : Jackson et al. 2000). On retrouve en premier lieu des applications sur la recherche de mutation ponctuelle (Fischer and Lerman 1983) ou la mise en évidence de polymorphisme de gènes (Collins et al. 1989). Viennent ensuite des applications dans le domaine du diagnostic de maladies génétiques comme par exemple la β-thalassémie (Cai and Kan 1990), l’hémophilie (Higuchi et al. 1991) ou encore la maladie d’Alzheimer (Peacock and Fink 1994). On peut encore citer des applications dans les domaines du prion, des virus, des oncogènes ou des récepteurs du système immunitaire. Enfin, les études environnementales présentent aujourd’hui l’une des parts les plus importantes des applications des électrophorèses avec gradient dénaturant (Muyzer et al. 1993).

49  En fait, quand les agents dénaturants de la DGGE sont de nature chimique et thermique, celui de la TTGE est simplement thermique. Ainsi, au fur et à mesure de la migration, la température du tampon se voit augmenter temporellement. La TTGE reste sous-employée par rapport à la DGGE, car elle présente une qualité et une finition des bandes largement inférieures (données personnelles). Cependant, ses fidèles affirment que, n’utilisant aucun gradient chimique, elle offre une meilleure reproductibilité. L’auteur infirme cette idée reçue : si la qualité des gels dénaturants est contrôlée tant par leur composition que par leur production, il n’y a pas lieu de voir de différences entre deux gels DGGE présentant les mêmes échantillons.

De nombreuses autres techniques dérivées de la DGGE ont vu le jour. Premièrement, la CDGE, pour Constant Denaturing Gel Electrophoresis, est une variante de la DGGE où les conditions dénaturantes sont alors constantes et identiques sur l’ensemble du gel. Cette constance de dénaturation est favorable à la discrimination de fragments très proches et dont les conditions de séparation optimales sont déjà connues comme c’est le cas avec des mutations morbides par exemple. Deuxièmement, la SSCP, pour Single-Strand Conformation Polymorphism, décode le polymorphisme conformationnel existant entre des fragments simple brin. Des techniques bidimensionnelles ont également été mises au point sur la base de la DGGE. Enfin, de récentes avancées dans les électrophorèses capillaires permettent de contrôler la température interne du capillaire via l’effet Joules (par variations de l’intensité). Cette dernière perspective permettrait d’améliorer significativement la reproductivité et le rendement de techniques comme la TTGE.

L’arrivée d’appareillages commerciaux dédiés, en 1995, comme le D-code de Bio-Rad (Hercules, Californie, EUA), démocratise l’usage des électrophorèses avec gradient dénaturant et crée une explosion des publications dans ce domaine. En outre, le coût de l’appareil et des analyses, relativement modique, ainsi que leur relative simplicité de mise en œuvre expliquent également le grand succès rencontré par les gels avec gradient dénaturant.

A leur charge, les gels à gradient dénaturant souffrent de certains revers. Ainsi, la DGGE et la TTGE sont des techniques difficiles à maîtriser et il n’est pas rare de voir des gels de qualité médiocre. Lorsque l’amplification est nouvelle et inconnue, il est souhaitable de réaliser un gel monopuits avec un gradient horizontal pour connaître le bon gradient à utiliser ainsi qu’un test temporel de migration en appliquant sur un gel à gradient vertical le même

échantillon toutes les quinze minutes sur un puits différent. De plus, dans le cas des études environnementales, l’information extraite d’une bande est généralement restreinte à un genre ou un groupe d’espèces, faute à la limitation de 600 pb imposée aux fragments afin d’obtenir une bonne résolution. Il est également souvent impossible de réaliser un séquençage des bandes directement extraites des gels ; celles-ci nécessitent en effet une purification par multiples passages sur gels avant d’offrir une qualité convenable pour le séquençage.