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Œstrogènes et homéostasie du fer

2. Homéostasie du fer et cancers

2.1. Le métabolisme du fer

2.1.2. Œstrogènes et homéostasie du fer

L’interaction entre le fer et les œstrogènes est suspectée depuis des décennies, principalement

via les effets des œstrogènes sur le flux sanguin menstruel, source majeure de perte de fer

chez les femmes non ménopausées. Ces hormones stéroïdiennes affectent la croissance, la différenciation et la fonction de plusieurs tissus comme le sein, la peau et les os (Simm et al., 2008). Par ailleurs, la carence œstrogénique suivant la ménopause est considérée comme la cause principale de l'ostéoporose post-ménopausique (Imai et al., 2010) et l'exposition prolongée aux œstrogènes est un facteur de risque bien établi pour le cancer du sein (Clemons

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et al., 2001). Pour autant, des études plus récentes ont montré que le développement de ces

pathologies ne pouvait s’expliquer uniquement par des modifications oestrogéniques et que les variations des taux de fer constituaient un bon candidat pour compléter l’étiologie de ces pathologies (Huang, 2008, Jian et al., 2009).

Afin de vérifier le rôle des œstrogènes dans le maintien de l'homéostasie du fer, une étude a montré sur un modèle de souris carencées en œstrogènes par ovariectomie que la transcription de l'hepcidine hépatique était plus élevée chez les souris ovariectomisées par rapport aux souris témoins conduisant à un niveau de fer tissulaire dans le foie et la rate augmenté (Hou et

al., 2012). La diminution de l’expression de l’hepcidine hépatique par les œstrogènes se fait

directement à travers un élément de réponse aux œstrogènes (ERE) fonctionnel au niveau de son promoteur (Hou et al., 2012). De même, une autre étude a montré que les œstrogènes inhibent la transcription de la ferroportine également via un ERE fonctionnel dans la région de son promoteur (Qian et al., 2015). En régulant directement l’expression de l’hepcidine et de la ferroportine, ces résultats mettent en évidence un mécanisme par lequel les œstrogènes peuvent influencer non seulement les niveaux tissulaires du fer mais aussi, l’ensemble de l'homéostasie du fer systémique. De plus, une étude suggère que le 17β-œstradiol (E2) peut également augmenter l'absorption de fer pendant la phase proliférative (ovulation) pour compenser les pertes de fer qui se produisent pendant la phase menstruelle chez les femmes préménopausées. (Yang et al., 2012). En effet, E2 augmente l’expression du TfR1(Dai et al., 2012), et l'expression de la transferrine, à travers un ERE dans le promoteur du gène TFRC (Vyhlidal et al., 2002).

Les œstrogènes présentent également un potentiel redox qui peut endommager l'ADN en générant des radicaux libres qui peuvent à leur tour participer à la réaction de Fenton. Il a été montré que les œstrogènes et le fer agissent en synergie pour stimuler la prolifération des cellules cancéreuses mammaires en culture (Dai et al., 2008). De plus, chez des hamsters traités avec de l’œstradiol, une alimentation riche en fer permet de doubler la prise de tumeurs rénales par rapport à une alimentation pauvre en fer (Wyllie et al., 1998). Une étude a également montré que les radicaux libres issus du potentiel redox des œstrogènes permettent de mobiliser du fer Fe2+ de la ferritine. Ce fertrès réactif ainsi libéréva à son tour générer des radicaux hydroxyles via la réaction de Fenton, alimentant plus encore la production de ces

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radicaux et les dégâts cellulaire qu’ils génèrent contribuant à l’initiation d’un processus tumoral (Wyllie et al., 1997). En activant les voies de stress oxydatif via la production de ROS, les œstrogènes et le fer participent ainsi au développement et au maintien du phénotype oncogénique du cancer (Valko et al., 2006).

Des changements parallèles et inverses se produisent entre les niveaux d'œstrogènes et de fer lors de la ménopause. Alors que les niveaux d'œstrogènes diminuent en raison de l’arrêt de la fonction ovarienne, les niveaux de fer ont tendance à augmenter en raison de l’arrêt des menstruations. Bien que les niveaux sériques d'œstrogènes diminuent après la ménopause, les concentrations de 17β-œstradiol dans le tissu mammaire diffèrent peu entre les femmes pré et post-ménopausées, en raison de l’expression de cyclooxygénase de type II (COX-2) qui augmente la production de PGE2 (prostaglandine E2), elle-même stimulant la biosynthèse des œstrogènes (Brueggemeier et al., 2003, Jefcoate et al., 2000). Cette association entre les œstrogènes et le fer a été proposée pour être un important modulateur de l'agressivité du cancer du sein et des différences de récidive entre les femmes pré et ménopausées .Un déficit en fer dû aux menstruations chez les femmes pré-ménopausées stabilise HIF-1α favorisant l’angiogenèse via l’expression du VEGF (Jian et al., 2009). D'autre part, l’arrêt des menstruations et les niveaux de fer plus élevés dans le tissu mammaire favorisent le stress oxydatif (Huang, 2008).

Ainsi, outre le rôle du fer comme élément essentiel pour la prolifération cellulaire, rôle commun à de nombreux cancers, le fer peut jouer un rôle unique dans la carcinogenèse mammaire via la voie des œstrogènes. Par ailleurs, l'argument selon lequel le fer peut favoriser le développement de cancers du sein est soutenu à la fois par des études qui ont mis en évidence des associations entre une élévation du taux de fer dans l’organisme et le risque de développer un cancer du sein (Stevens et al., 1994, Ferrucci et al., 2009)et par des études

in vivo qui ont démontré qu’un régime alimentaire riche en fer ou bien la supplémentation en

fer par injection par voie sous-cutanée favorise la progression tumorale mammaire (Diwan et

al., 1997). La corrélation entre un régime alimentaire riche en fer et le risque de survenu d’un cancer du sein est cependant controversée au vu des résultats de différentes études ne rapportant pas cette corrélation (Kabat et al., 2007, Kabat et al., 2010).

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Toutefois, il est clairement établi que les cellules tumorales disposent d’un métabolisme du fer adapté et reprogrammé pour l’établissement et le maintien du phénotype tumoral.

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