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Les évolutions et les orientations récentes de la politique européenne en matière de transport

Partie 2 : Les nouveaux enjeux apportés par les évolutions européennes

2.1. Les évolutions et les orientations récentes de la politique européenne en matière de transport

ferroviaire

2.1.1 Le cadre historique récent

Pour pouvoir cadrer les évolutions et les orientations de l’Union Européenne, il faut commencer par rappeler brièvement l’historique de la construction des normes communautaires en termes de

transport ferroviaire. Afin d’éviter de revenir trop en arrière, nous nous intéresserons aux évolutions apportées depuis la directive 91/440 du 29 juillet 199127. Il s’agissait de la première amorce d’évolution législative au niveau européen en direction d’un secteur uniforme et ouvert à la concurrence. Les deux points principaux de cette directive étaient d’abord de prévoir une séparation entre le réseau et l’exploitation des services ferroviaires sur le plan comptable ; ensuite la volonté de créer un droit d’accès au réseau ferroviaire. En effet, la séparation du réseau et de l’exploitation créait un droit d’utilisation au réseau pour tous les exploitants potentiels.

Par la suite, la commission européenne a souhaité avancer par « paquets ». Pour l’instant au nombre de trois, ceux-ci ont pour objectif de traiter les sujets bloc par bloc et progressivement. Un bref rappel de ces différents paquets est nécessaire pour cadrer le sujet.

Le premier paquet ferroviaire se compose de trois directives préparées en 1998, adoptées en 2001 et modifiant la première directive de 1991. La principale directive de ce paquet, la directive 2001/12/CE28 prévoyait l’accès des services de fret internationaux sur le réseau de fret ferroviaire européen pour le 15 mars 2003. Ce paquet comporte également le renforcement des obligations en matière de licences des entreprises ferroviaires, la tarification des sillons de fret ferroviaire et la création d’une autorité administrative indépendante pour réglementer le réseau et assurer un accès équitable à celui-ci. En France, la transposition de ces directives a conduit à la création de Réseau Ferré de France (RFF) par la loi 97-135 du 13 février 199729, et de l’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires (ARAF) par la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009.

Le deuxième paquet ferroviaire se compose de cinq directives proposées en 2002 et votées en 2004. Il y est prévu l’ouverture de la concurrence sur le fret ferroviaire international le 1er janvier 2006 (directive 2004/5130) et le 1er janvier 2007 sur le fret domestique. La question de la sécurité ferroviaire est également traitée.

Le troisième paquet ferroviaire se compose de quatre directives préparées en 2004 et votées en 2007. Il s’agit cette fois d’ouvrir les services de transport de voyageurs à la concurrence à l’horizon 2010 (directive 2007/58/CE du 23 octobre 200731). Ses dispositions prévoyaient pour le 1er janvier

27Directive 91/440/CE du 29 juillet 1991 relative au développement des chemins de fer communautaires. 28 Directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 modifiant la directive

91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fer communautaires.

29 Loi n°97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public "Réseau ferré de France" en vue

du renouveau du transport ferroviaire.

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Directive 2004/51/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 modifiant la directive 91/440/CE du Conseil relative au développement des chemins de fer communautaires.

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Directive 2007/58/CE du Parlement Européen et du Conseil du 23 octobre 2007 modifiant la directive 91/440/CE du Conseil relative au développement des chemins de fer communautaires et la directive 2001/14/CE concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire et la tarification de l’infrastructure ferroviaire.

2010 l’ouverture du service international de voyageur à toutes les entreprises ferroviaires établies dans un Etat membre.

Ces trois paquets ferroviaires ont été suivis par l’adoption d’un règlement (1370/2007), appelé OSP pour obligations de service public le 23 octobre 20071. Ce règlement est intervenu dans le cadre des discussions autour des services d’intérêt économique général, équivalent européen des services publics français. OSP ne remet pas en cause les paquets ferroviaires mais il insiste sur le fait que même si la concurrence peut être la règle, certains services ne sont pas commercialement rentables. Il en résulte que « l’autorité nationale peut choisir de fournir elle-même des services publics de transport de voyageurs sur son territoire ou de les confier sans mise en concurrence à un opérateur»Erreur ! Signet non défini.. Il en résulte que les services dont l’équilibre économique ne peut pas être assuré sans subventions publiques sont soumis au régime du règlement OSP, qui ne passe pas forcément par une mise en concurrence. Néanmoins, le règlement fixe une période transitoire de dix ans. Ainsi en 2019, les autorités organisatrices devraient être en capacité de faire appel si elles le souhaitent à la mise en concurrence par appels d’offres. Il faut noter par ailleurs que les Etats membres devront fournir à la commission avant le 3 juin 2015 « un rapport d’avancement de la réforme, mettant l’accent sur la mise en œuvre de l’attribution progressive de contrats de service public ».

La commission européenne a émis un avis motivé le 9 octobre 2009 contre la France pour une transposition insuffisante des directives du premier paquet ferroviaire. La commission avait retenu trois griefs. D’abord, « le manque d’indépendance des facilités essentielles », ensuite le « non- respect des dispositions relatives à la tarification de l’accès à l’infrastructure », enfin la « non- création d’un organisme de contrôle ». En Juin 2010, la commission a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) d’une procédure en manquement à l’encontre de la France (mais aussi à l’encontre de douze autres Etats membres) pour défaut dans la retranscription en droit interne des directives du premier paquet ferroviaire. Néanmoins, la commission n’a pas retenu dans cette saisine la non création d’un organisme de contrôle, étant donné que l’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires (ARAF) avait été créée entre temps.

Alors que le premier paquet ferroviaire est entré en vigueur en 2003, un grand nombre d’Etats n’ont pas transposé correctement les trois directives qui le composaient. Actuellement 13 Etats font l’objet de procédures contentieuses devant la cour de justice européenne de Luxembourg (CJUE).

2.1.2. La refonte du premier paquet ferroviaire

Le 17 septembre 2010, la commission a lancé un projet de refonte du paquet ferroviaire afin de le simplifier. Il s’agit de fusionner les trois directives au sein d’un « Code d’accès unique » qui traiterait de trois grands domaines :

- Le financement et la tarification adéquats des infrastructures ferroviaires - Les conditions de concurrence sur le marché ferroviaire (et services connexes)

- Les réformes organisationnelles nécessaires pour assurer la surveillance fonctionnelle du marché.

Alors que selon la procédure législative ordinaire (dénomination utilisée depuis le traité de Lisbonne), le Parlement Européen doit se prononcer en premier lors de la première lecture des textes proposés par la commission ; le conseil a choisi de s’investir fortement dans le sujet en adoptant le 16 Juin 2011 à la majorité qualifiée (rendu possible depuis le traité de Lisbonne) des Orientations Générales sur le projet de refonte du paquet ferroviaire. Il s’agit donc d’un texte permettant au conseil d’annoncer à l’avance ses intentions à son homologue colégislateur qu’est le Parlement.

Au niveau du Parlement européen, l’examen du texte comporte des difficultés. Celui-ci a recueilli des records en termes de nombre d’amendements. En effet, la rapporteure Debora Serrachiani a reçu environ 600 amendements de la part de la commission Transports du Parlement à son projet de rapport parlementaire déposé le 19 avril 2011.

Un certain nombre de divergences sont notables entre le projet de la commission, les orientations générales du conseil et le rapport de Mme Serrachiani. Le débat porte notamment sur les conditions d’accès à l’infrastructure où les positions évoluent entre une séparation juridique, organisationnelle et décisionnelle (mais permettant un fonctionnement en holding type DB AG) à la commission, une séparation organisationnelle et décisionnelle mais pas juridique (position du Conseil), et une séparation complète (position du parlement).

2.1.3. Le livre blanc des transports pour 2050

Le 28 mars 2011, la commission a adopté un livre blanc intitulé : « feuille de route pour un espace européen unique des transports : vers un système de transport compétitif et économe en ressources ». Connu également sous le nom de « Stratégie Transports 2050 », ce texte fixe les orientations qui seront suivies par l’Union Européenne dans les années à venir. Il s’agit évidemment d’un texte de cadrage, néanmoins il fixe 40 axes d’intervention principaux pour les années 2011 à 2020 mais aussi des objectifs à long terme (2030 et 2050).

Nous ne rentrerons pas ici dans les détails du texte car il ne concerne pas entièrement le sujet de ce mémoire. Néanmoins, il est important de connaître son existence et les enjeux qui concerneront à terme les régions françaises en tant qu’autorités organisatrices de transport.

Dans son deuxième axe, porté sur les chaînes logistiques multimodales, la commission souhaite achever un réseau ferroviaire à grande vitesse européen en triplant son réseau d’ici à 2030, et assurer au train la majeure partie du transport de passagers à moyenne distance. Elle souhaite également mettre en place un réseau principal du Réseau Transeuropéen de Transport (RTE-T) multimodal d’ici 2030. Ces actions toucheront nécessairement les réseaux régionaux de transport ferroviaires.

Dans son troisième axe, la commission souhaite établir le cadre d’un système européen d’information, de gestion et de paiement pour le transport multimodal. A l’heure où les régions créent toutes des centrales de mobilité et des réseaux multimodaux à leur niveau, ces évolutions seront forcément déterminantes. Par ailleurs, nous avons vu dans la première partie que la création et la gestion de ces pratiques multimodales avaient un coût pour les régions.

Par ailleurs, la commission souhaite internaliser les coûts externes dont le bruit et la pollution, dans tous les modes de transport. Etant donné que ce souhait intégrerait la voiture particulière, de nombreuses évolutions de comportement des citoyens sont envisageables.

Enfin, le commissaire européen Siim Kallas fixe dans ses priorités l’ouverture complète du marché intérieur du transport ferroviaire de passagers à la concurrence, y compris par l’obligation (et non le choix) d’attribuer les contrats de services publics dans le cadre d’appels d’offres concurrentiels. Cette volonté est essentielle dans notre sujet car pour le moment le règlement OSP (obligations de service public) ne fixe pas l’obligation mais seulement la nécessité de rendre possible les appels d’offres.

2.1.4. Les propositions budgétaires pour 2014-2020

La commission européenne a adopté le 30 Juin 2011 ses propositions budgétaires pour la période 2014-2020. Celles-ci comportent la création d’un nouveau fonds infrastructures pour le RTE-T. Le fonctionnement suisse, en pleine restructuration, pourrait servir d’exemple à la création de ce fonds. Celui-ci servira à la mise en place du réseau principal du RTE-T (Réseau Transeuropéen de Transport), dont les impacts en France sont visibles sur la carte ci-dessous.

Carte de l’impact des projets de réseau RTE-T sur le territoire français32:

Bilan :

Les enjeux européens sont bel et bien présents. La refonte du premier paquet ferroviaire, le livre blanc sur les transports sont autant de problématiques que les régions doivent intégrer dans leurs réflexions. Elles doivent donc chercher des solutions et peuvent pour cela tenter d’utiliser les exemples donnés chez nos voisins européens. Nous nous intéresserons donc maintenant aux solutions trouvées en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Suède.

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2.2. Les réformes menées à l’étranger pour répondre

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