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3. DISCUSSION

3.2. ÉVOLUTION DES TENEURS EN NPK

Le potentiel fertilisant des boues d'épuration a été bien démontré (Wolstenholme et al.,

1992). Ainsi, leur utilisation présente un intérêt particulier pour les productions de bois

intensives (Mitchell et al., 2000). Les éléments analysés visent à estimer la valeur

agronomique de ces déchets organiques (azote, phosphore et potassium). 3.2.1. L‟AZOTE

Les boues de STEP utilisées contiennent 7,2 % d‟azote. La décomposition de ces matières riches en azote après leur épandage est extrêmement rapide. Ainsi, les résidus des boues ne renferment plus que 30 % de l‟azote contenu dans les boues initiales. Ce résultat est dû probablement à : i) La part plus ou moins importante de l‟azote ammoniacale libérée immédiatement (Impens et Avril, 1992), ii) la dynamique de l‟azote après l‟épandage qui montre que les formes d‟azote apportées sont très rapidement engagées dans des processus de transformation (Nicolardot et al., 2003) ( Figure 37). Chaussod et al. (1981) ont montré que les boues urbaines les plus courantes (boues stabilisées aérobies ou anaérobies), dont la teneur en N Kjeldahl est comprise entre 2 et 5 % et C/N variant de 6 à 12, libèrent 30 à 40 % de leur azote total assez rapidement.

Figure 38 : Principaux processus impliqués dans la transformation des

formes d‟azote contenues dans les boues d’après Nicolardot et al. (2003) (modifiée).

La part de l‟azote organique qui n‟est pas minéralisée est contenue dans la matière organique apportée par les boues. Celle-ci pénètre dans la couche superficielle du sol, ainsi, le pool d‟azote et de carbone organique augmentent proportionnellement à la dose épandue des

boues (Figure 26 et Tableau 9) au niveau de l‟horizon supérieur. Benbrahim et al. (2003) et

Mitchell et al. (2000) ont montré le même effet après un épandage de boues liquides

respectivement dans une plantation de pin maritime (Pinus maritima) et de pin sylvestre (Pinus sylvestris). Il s‟agit en général d‟un enrichissement de l‟horizon sous-jacent aux résidus des boues formés en surface. Les teneurs en azote total de cet horizon restent relativement stables quelle que soit la durée de culture. Ceci pourrait s‟expliquer par une minéralisation progressive et lente des mottes de boues qui libèreraient une fraction compensant celle assimilée par la plante et/ou entrainée par les eaux de percolation. Les travaux d‟Hernandez et al. (2002) montrent que la minéralisation de l'azote dans les sols fertilisés par les boues est très dépendante du processus de stabilisation subi à la station d‟épuration et les caractéristiques du sol récepteur. Le critère de prédiction le plus utilisé est le rapport carbone organique / azote organique (Chaussod et al., 1981 ; Nicolardot et al.,

2003). Bridgham et al. (2001) et Duguet (2005) ont déterminé que la minéralisation de N est

positivement corrélée à la matière organique et à la teneur en carbone et en azote, tandis que

Janzen (1987) et Sbih (1999) précisent qu‟un fractionnement densimétrique de la matière

organique permet d‟isoler la fraction légère et confirment que celle-ci contribue fortement à la dynamique du carbone et de l‟azote du sol.

Nos résultats montrent que l‟apport des boues a réduit le C/N de l‟horizon supérieur de 17,6 à 11,3 pour B1 et 9,2 pour B2 après 1,5 mois de culture. Ainsi, seul, l‟apport de 60 t MS ha-1 a permis d‟amener cet horizon à des valeurs optimales (9 à 10) (Duchaufour, 1950). Toutefois, ce pool de matière organique subit une dégradation induite par une stimulation des activités enzymatiques. Lakhdar et al. (2010) soulignent que cette amélioration pourrait être associée à un changement de la communauté microbienne. Les éléments solubles libérés sont ensuite absorbés pas les racines des plantes et/ou lessivés par les eaux de percolation et/ou de ruissellement. Ainsi, on remarque que le C/N augmente progressivement pour atteindre 12,8 et 11,4 respectivement au niveau de l‟horizon supérieur de B1 et B2 après 18 mois de culture. Il faut noter que le rapport C/N traduit la capacité de l‟azote à être minéralisé, et celle-ci évolue inversement au C/N (Duchaufour, 1977). Pour les boues liquides, la majeure partie du carbone et de l‟azote est présente dans la fraction soluble. Nicolardot et al. (2003) ont étudié la dynamique de l‟azote du sol (organisation/ minéralisation) en conditions d‟incubation contrôlée. Ainsi, la cinétique de minéralisation de l‟azote contenu dans des boues testées (Boues urbaines digérées, déshydratées chaulées et séchées) montre un potentiel de minéralisation en 3 mois d‟incubation entre 20 et 35 %. Cependant, environ 90 % de ce potentiel de minéralisation est produit au bout de 7 jours d‟incubation et se stabilise progressivement. Les traitements de stabilisation par compostage diminuent sensiblement la valeur fertilisante des boues, estimée au travers de la fourniture potentielle en azote minéral

(ADEME, 2001). En effet, le compostage des composés organiques induit une réduction de la

proportion de C et de N tenue sous forme soluble (Gigliotti et al., 2002). Les composts se caractérisent par de faibles taux de minéralisation due à la forte diminution de la fraction équivalent «cellulose et hémicellulose» liée à la décomposition de ces composés (Nicolardot

et al., 2003). Toutefois, le C/N n‟est pas souvent suffisant pour expliquer la variabilité des comportements et la dynamique de fourniture en azote. Ambus et al. (2002) soulignent une différence nette de minéralisation entre un compost et une boue avec un C/N comparable.

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catabolisme des protéines que la décomposition de l‟ensemble du substrat. Ceci expliquerait l‟absence de corrélation entre la minéralisation du carbone et de l‟azote. En revanche,

Guivarch (2001) a démontré une corrélation entre la valeur fertilisante du phosphore et celle

de l‟azote.

Sous les conditions naturelles de Mélisey (apport de 3 t MS ha-1), l‟augmentation de la fraction d‟azote minérale au niveau de la litière lors de notre étude (Figure 33) montre que le processus de minéralisation est favorisé. Généralement, une augmentation du pH favorise la minéralisation de la matière organique par stimulation de l‟activité biologique (Mechri et al.,

1997 ; Mitchell et al., 2000). Selon Banerjee et al. (1997) et Mechri et al. (1997), la biomasse microbienne du sol augmente à court terme après l‟application des boues contenant de faibles quantités d‟ETM. Cet effet est dû au supplément de carbone disponible apporté qui se révèle comme accélérateur de l‟activité microbienne (Perrin-Ganier et al., 2003). Lors de

cet apport modéré (3 t MS ha-1), les concentrations en nitrates dans l‟horizon minéral du sol

n‟ont montré aucune modification, ce qui écarte le risque de lixiviation vers les strates profondes et potentiellement vers les eaux souterraines. Ces résultats sont en accord avec ceux observés par Carbonell et al. (2009) lors d‟un apport de 30, 60 ou 120 t MS ha-1. Contrairement à ce cas de figure, Mitchell et al. (2000) ont enregistré une augmentation significative des teneurs en nitrates et en ammonium de l‟horizon minéral pendant les trois mois suivant l‟apport des boues. Ces auteurs ont constaté également que la fraction de l‟azote organique est immobilisée au niveau de la litière. Nos résultats ont montré que l‟apport des boues n‟affecte pas l‟horizon profond. Néanmoins, une diminution significative de C/N a été

observée à 3 et à 6 mois de culture lors de l‟apport de 60 t MS ha-1 (Tableau 10). Ce résultat

pourrait être due à une libération des formes d‟azote immobilisées en surface contaminant ainsi les horizons profonds. Mitchell et al. (2000) avaient associé cette conversion à une minéralisation accrue favorisée par une amélioration des conditions du milieu.

3.2.2. LE PHOSPHORE

D'un point de vue agronomique, l'accroissement de la teneur en phosphore surtout d‟ion phosphore dans le sol doit entraîner une meilleure croissance des plantes. Les boues utilisées

correspondent à un intrant de 465 et de 930 kg ha-1 de phosphore total respectivement pour les

apports 30 t et 60 t. Le sol utilisé contient initialement 700 kg ha-1 dans l‟horizon 0-30 cm. La

teneur en phosphore total dans les boues utilisées (15,51 mg g-1) est comparable aux teneurs

des boues urbaines obtenues quel que soit le type de traitement des eaux usées. La moyenne

est de l‟ordre de 20 mg g-1 de MS. La solubilité du phosphore décroît avec l‟accroissement de

la teneur en fer, en aluminium et en calcium des boues (Morel et al., 2003 ; 2004 ; Vetterlein

et al., 1999). Le phosphore minéral des boues peut être adsorbé sur les oxyhydroxydes de fer

et d'aluminium, et /ou lié à des cations comme le calcium Brossard et al. (1991).

L‟enrichissement en phosphore de l‟horizon supérieur du sol s‟est manifesté

intensivement 6 mois après l‟épandage dans les deux traitements (30 et 60 t MS ha -1

). Les moyennes enregistrées sont de l‟ordre de 0,7 et 1,2 respectivement pour B1 et B2 contre 0,2 pour le témoin. Ceci suggère une libération du P par les boues. Ainsi, la désagrégation des mottes de boues formées en surface des pots, produisant de fines particules juxtaposées à l‟horizon supérieur, s'accompagne d'une augmentation de la teneur en Pt de cette fraction

sous-jacente. Les travaux de Brossard et al. (1991) soulignent que l‟enrichissement du sol en

P est immédiat après l‟épandage de 100 t MS ha-1. Le Pt s‟accroît de 68 % dans l‟horizon 0-20

cm et se stabilise après l‟enfouissement des boues à 1,4 mg g-1. Tandis que l‟apport de 10 t

MS ha-1 n‟augmente significativement les teneurs en P qu‟après 60 jours avec un gain de 0,1

mg g-1 par rapport au témoin (0,53 mg g-1 MS). Warman et Termeer (2005a) rapportent que

c‟est souvent un processus lent quand il s‟agit de sols récemment amendés. Les résidus de boues en surface, en présence de calcium et de fer, présentent un pouvoir fixateur à l‟égard des ions phosphates et que 0,96 % du P dans les boues est sous forme organique. (Brossard et

al., 1991). Un an après l‟apport des boues (0, 40, 80 et 120 t MS ha-1), Martinez et al. (2002) ont observé des teneurs en P élevées au niveau de l‟horizon supérieur du sol (0-15 cm). Ces teneurs diminuent progressivement pendant les trois années de suivi. Dans le cas des

épandages répétés (quinze apports de 5 et 10 t MS ha-1 an-1), les boues liquides aboutissent à

des teneurs importantes en P biodisponible dans l‟horizon supérieur (Mantovi et al., 2006).

Bien que bénéfique pour le végétal, une teneur excessive en P inorganique représente un risque pour l‟écosystème car elle pourrait provoquer une eutrophisation des milieux aquatiques (Karboulewsky et al., 2002;. Penn et Sims., 2002). Wolstenholme et al. (1992) et Mitchell et al. (2000) ont identifié trois facteurs augmentant le risque de perte de N et de P : i) la période d‟épandage (période où le ruissellement de surface survient), ii) le volume important de liquide appliquée et iii) la composition de la phase liquide (influencée par le type de traitement à la station d‟épuration). Aucun transfert du P vers l‟horizon profond n‟a été détecté. Duguet (2005) a constaté que la minéralisation de la MO affecte positivement le taux d‟immobilisation du P, en effet, la quantité de P libérée est en fonction de l‟amplitude de l‟immobilisation. Whalen et al. (2001) a montré que la disponibilité du P stimule l‟activité microbienne qui entraîne une immobilisation du P induite par une incorporation du phosphore dans la biomasse microbienne.

Le rapport N/P est l‟une des contraintes liées à la réutilisation des boues. Généralement, il est de l‟ordre de 2/1, beaucoup plus faible que celui requis par les plantes 5/1 (Mitchell et al.

(2000). Ainsi, si les taux d'application sont calculés sur la base de la teneur en N total, P sera

en excès aux besoins probables des cultures. Les boues épandues lors de cette étude ne présentent pas cette contrainte car le rapport N/P est de 4,6.

3.2.3. LE POTASSIUM

La teneur du sol de Mélisey est très pauvre en potassium (1,6 mg g-1). Toutefois, les apports de potassium par les boues de stations d‟épuration sont négligeables (Figures 27 et

33b). Les boues liquides contiennent des quantités relativement faibles de K (en moyenne 1

%). Le potassium est très soluble, ainsi une grande quantité se perd avec l‟effluent dans le milieu récepteur. Malgré les faibles teneurs, le potassium est facilement assimilable par les plantes (Sabey et Hart, 1975 ; Pérez Garcia et al., 1986). Warman et Termeer (2005a) souligne que l‟application des boues ne fournit pas suffisamment de K pour répondre aux exigences des cultures. De ce fait, il pense qu‟une fertilisation chimique assurant les besoins en potasse est nécessaire dans le cas de la réutilisation de ces boues en agriculture.

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