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Évolution des q-statistiques lors de la localisation de la déformation

Dans le document (Géo-)Mécanique Discrète (Page 31-34)

2.3 Fluctuation des déplacements

2.3.3 Évolution des q-statistiques lors de la localisation de la déformation

∆γ) = 1 + a tanh(b/√ ∆γ), avec a = 0.521 et b = 0.096. 1 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 1.6 0 10 20 30 40 1 1.1 1.2 1.3 1.4 1.5 0 20 40 60 q 1/√ ∆γ q 1/√ ∆γ

réarrangements, l’hypothèse du chaos moléculaire est de mieux en mieux justifié. Au niveau de l’autre limite, c’est-à-dire pour des fenêtres de déformation de plus en plus petites, la valeur de q atteint un plateau, avec q ' 3/2. Cette observation peut être interprétée comme un signe des corrélations à longues distances imposées par les chaînes de forces à cette échelle de temps (i.e., de réarrangement) très courte.

Toutes ces observations ont été constatées aussi bien dans les expériences que dans les simulations, quelles que soient les différences entre les systèmes, ce qui démontre la robustesse du résultat. Les simulations permettent toutefois d’obtenir des niveaux de déformation beaucoup plus importants (notamment en utilisant une périodicité cinématique) et la limite q→ 1 est encore mieux perceptible (voir encadré de la Figure2.10).

La diffusion des fluctuations au cours de la déformation peut être quantifiée en évaluant l’exposant α dans l’expression suivante :

h~v2

i ∝ γα

(2.14) oùhxi est la moyenne des x, et γ est lui-même proportionnel au temps. La diffusion est dite normale si α = 1 et anormale si α > 1. Le cadre théorique de Tsallis prédit que l’exposant de diffusion α dépend de l’indice entropique q par la relation suivante :

α = 2

3− q (2.15)

où on peut constater que α ≥ 1, ce qui est en accord avec l’Equation (2.15) puisque q > 1. On a donc cherché à vérifier cette loi d’échelle, dite de Tsallis-Bukman, en traçant la correspondance α vs 1/

∆γ (Figure 2.11) et en superposant la courbe prédite calculée à partir de la valeur moyenne de q(1/√

∆γ). La courbe en pointillés sur la Figure2.11n’est pas une régression, mais bel et bien la prédiction donnée par la loi d’échelle de Tsallis-Bukman. SelonConstantino Tsallis, les observations rapportées dans (Combe et al.,2015) constituent la première vérification expérimentale de la relation (2.15) sur des milieux granulaires.

Il est intéressant d’observer deux cas particuliers à partir de la Figure 2.11 : lorsque q = 1, la variance est proportionnelle au temps qui correspond au comportement de diffusion normal ; lorsque q = 2, la limite de diffusion balistique est atteinte. Aux valeurs intermédiaires, nous obtenons de grandes distributions avec des queues marquées. La variance, calculée comme l’intégrale temporelle de distribution gq(vx), diverge pour q > (5/3' 1.66), et converge autrement. Ainsi, si plusieurs convolutions indépendantes sont appliquées, gq se rapproche d’une distribution gaussienne si q < 5/3, et d’une distribution de Lévy pour q > 5/3 (Tsallis,2009).

2.3.3 Évolution des q-statistiques lors de la localisation de la déformation

Nous avons vu que les fluctuations avaient été définies par rapport à un champ de déplacements supposé affine – ce qui équivaut à supposer un champ homogène de déformation. Cependant, dès que la localisation des défor-mations est bien définie quelque part dans l’échantillon, le champ moyen des défordéfor-mations n’est plus une quantité représentative du champ réel. Malgré la localisation des déformations, le calcul des fluctuations de déplacement à l’aide de l’équation (2.10) reste possible, mais son interprétation physique est rendue plus complexe. Cela dit, cette mesure devrait continuer à présenter un intérêt tout comme la description statistique de q.

L’idée ici est d’étudier l’évolution de l’exposant q lorsque l’incrément de déformation est augmenté, dans le cas d’une localisation des déformations qui apparaisse clairement sous forme de “bandes de cisaillement” concentrant le déviateur des déformations. À cet effet, un essai de cisaillement simple a été réalisé avec un plus grand nombre de rouleaux. Il s’agit d’incliner la boîte de l’échantillon à vitesse constante ˙γ tout en maintenant la pression verticale constante. Ce chemin de chargement a été préféré à une compression biaxiale parce que les bandes de cisaillement apparaissent plus progressivement, ce qui facilite leur étude. L’évolution du paramètre q en fonction de l’incrément de déformation (en fait, l’inverse de sa racine) est présentée sur la Figure2.12(I).

1 1.1 1.2 1.3 1.4 α 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.05 0.1 0.15 γ 〈x2〉 × 106 (mm2) α = 1.38 0.8 0.9 1 1.1 0 10 20 30 40 α / αP 1 / √∆γ

Figure 2.11 – Vérification de la loi d’échelle Tsallis-Bukman pour différents régimes de diffusion. (haut) Évolution de l’exposant de diffusion mesuré α en fonction de 1/

∆γ ; la ligne pointillée est une application directe de la loi d’échelle α(1/√

∆γ) = 2/[3 − q(1/√

∆γ)], à partir d’un ajustement des valeurs de q de la Figure2.10. (encadré) Sélection d’une courbe de diffusion où x est la fluctuation de déplacement ; elle permet d’évaluer l’expo-sant de diffusion α pour chaque fenêtre de déformation ∆γ testée, correspondant à un point unique de la courbe du haut. (bas) Me-sure de l’écart des données par rapport à la prédiction de la loi d’échelle, en fonction de 1/√

∆γ, montrant un accord à ±2%.

Lorsque l’incrément de déformation macroscopique (ici un incrément de déformation de cisaillement ∆γ) est suffisamment faible, la localisation n’est pas perceptible et des observations similaires à celles de la Figure2.10 peuvent être faites : une transition d’une valeur invariante de q à un régime où q se s’achemine sur une route vers 1 qu’on peut deviner pour 1/√

∆γ > 12 (c’est-à-dire ∆γ < 0.7%). Mais quand la localisation est initiée – ligne pointillée verticale de droite dans la Figure 2.12(I) – on note une inflexion de l’évolution du paramètre q qui la déroute de son itinéraire vers 1. Une troisième phase peut être observée lorsque ∆γ augmente encore plus pour 1/√

∆γ < 7 (c’est-à-dire ∆γ > 2%) : q croît brutalement ce qui met en évidence un nouveau type d’interactions dans les déplacements des grains.

Les bandes de cisaillement peuvent être visualisées pour différents incréments de cisaillement ∆γ dans Fi-gure2.12(II), où les intensités de cisaillement ∆εD (déviateur du tenseur de déformation) ont été segmentés avec une valeur seuil notée ∆ε0D : les zones noires correspondent à ∆εD ≥ ∆ε0

D et les zones blanches correspondent à ∆εD < ∆ε0

D. La valeur du seuil ∆ε0D a été choisie comme contrainte de cisaillement macroscopique totale correspondant à l’inclinaison maximale atteinte, soit ∆ε0D = 3, 6%, et nous avons vérifié que le changement de cette valeur comprise entre 2,4% et 4,1% n’avait pas d’influence notable sur les observations présentées ici.

On peut remarquer sur ces cartes que, pour des petits incréments de déformation (Figure2.12(II)a), les bandes ne sont pas continues du tout, les zones fortement cisaillées sont très fragmentées. À mesure que l’incrément de déformation augmente (Figures2.12(II)b et2.12(II)c), ces zones ont tendance à s’agréger sous forme de bandes, et dans la Figure2.12(II)d, les bandes semblent percoler d’un bord à l’autre de l’échantillon. Ces quatre cartes sont repérées dans la Figure2.12(I) pour que la relation avec les valeurs q puisse être faite.

Pour mieux relier la croissance des bandes de cisaillement aux paramètres q, un nouvel indicateur a été introduit : la longueur maximale ` des bandes de cisaillement. Pour chaque zone contiguë de contrainte de cisaillement élevée (en noir), la longueur ` est définie comme la distance la plus longue reliant deux centres de grains appartenant à la même zone, en utilisant l’amplitude maximale suivant la direction x ou y. L’indicateur est alors la plus grande longueur pour toute la zone contiguë de contrainte de cisaillement élevée sur la carte. L’évolution de cette longueur maximale, exprimée en nombre de diamètres moyens `/hdi, est tracée en fonction de 1/∆γ dans la Figure 2.12(I) afin d’établir un parallèle avec l’évolution de q. Pour les plus petits incréments de déformation (à droite de l’abscisse), ` est de l’ordre de quelques diamètres, ce qui indique qu’il s’agit de quelques grains et que ces “bandes de cisaillement” sont en fait des réarrangements très localisés. Une évolution plus rapide de ` peut ensuite être remarquée avec un point d’inflexion correspondant approximativement au début de la dérive de q. Contrairement à ce que les cartes de la Figure 2.12(II) peuvent suggérer, l’évolution de la longueur des bandes de cisaillement n’est pas régulière. Une transition nette se produit lorsque la longueur des bandes de cisaillement atteint, de façon très soudaine, la taille de l’échantillon. Cette transition se produit précisément pour le même incrément de déformation que la transition observée avec le paramètre q. Nous avons vérifié que cette dernière observation n’était pas sensible à la valeur seuil utilisée dans l’analyse, ce qui la rend très robuste.

Ainsi, l’augmentation du paramètre q pour les plus grands incréments de déformation pourrait être attribuée à la percolation des bandes de cisaillement, puisque cela se produit exactement lorsque l’extension de la bande de cisaillement atteint la taille de l’échantillon. D’ailleurs, nous avons trouvé une dépendance linéaire entre q et ` lorsque la longueur de la bande de cisaillement augmente (données non montrées), avec un coefficient linéaire négatif jusqu’à la transition de percolation. Il s’agit là d’une preuve solide que ces deux paramètres sont (anti-)corrélés et qu’ils peuvent donc être utilisés l’un à la place de l’autre pour paramétrer la transition. La possibilité

(I) 1 1.05 1.1 1.15 1.2 1.25 1.3 0 10 20 30 40 500 20 40 60 80 100 120 (a) (b) (c) (d) q `/ hd i 1/√ ∆γ q 1 + 0.28 tanh(0.095/√∆γ) `/hdi (II)

Figure 2.12 – (I) Evolution de l’exposant q des pdfs des fluctuations de déplacements, et de la longueur maximale des bandes de cisaillement `/hdi (nombre de diamètres moyens), lorsque l’incrément de contrainte de cisaillement ∆γ est augmenté (de droite vers la gauche). La ligne grise en pointillés sert de guide pour les yeux ; la fonction “tanh” n’a pas de signification particulière mis à part qu’elle tend vers 1 lorsque ∆γ → ∞ et qu’elle présente une valeur plateau lorsque ∆γ → 0. Les lignes pointillées verticales indiquent deux transitions des deux courbes (q et `/hdi) : de droite à gauche, la première transition correspond au point où q commence à dériver de son chemin vers 1, et `/hdi commence à décoller ; la seconde transition correspond à la brusque augmentation de q corrélée à la percolation de la bande de cisaillement dans l’échantillon. (II) Carte d’intensité de cisaillement segmentée avec un seuil ∆ε0D = 3.6%. L’image n100 de l’essai est utilisée comme référence pour calculer les tenseurs de déformation ; les incréments de déformation sont (a) ∆γ = 0.23%, (b) ∆γ = 0.94%, (c) ∆γ = 1.67% et (d) ∆γ = 2.4%.

Figure 2.13 – Compression verticale biaxiale : champ d’intensités des cisaillements locaux ∆εD pour différents incréments de déformation macroscopique ∆εy à partir d’un état où les bandes de cisaillement sont déjà établies dans l’échantillon. (a) Champ des ∆εD locaux pour ∆εy = 0.015% ; (b) Un autre cas avec ∆εy = 0.015% pour lequel certains triangles de Delaunay présentent des pics épars de ∆εD (mis en évidence par des cercles) ; (c) carte d’intensité de cisaillement pour ∆εy= 2% montrant des bandes de cisaillement dans le matériau (certaines d’entre elles sont surlignées) ; (d) la localisation des déformations locales observées pour des augmentations ∆εy= 0.015%, accumulées sur 2% de la déformation macroscopique ; les lignes sont rapportées à partir des bandes de cisaillement de (c).

d’anticiper la formation de la bande de cisaillement au moyen d’une mesure directe sur le système est un outil qui a du sens, et ces résultats nous semblent très prometteurs pour les investigations futures dans cette direction.

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