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CHAPITRE II : RAPPELS SUR LA DYNAMIQUE ATMOSPHERIQUE, OCEANIQUE ET

II- 2-3 Évolution des domaines pluviométriques du point de vue spatial

Les sections précédentes ont permis de mieux appréhender les structures spatiales

de variabilité des pluies suivant les cycles annuels et la variabilité interannuelle entre

1951-2002. Dans cette section, il est question de regarder l’évolution de ces structures

spatiales par rapport aux différentes tendances de précipitations. Pour ce faire, c’est la

base de données pluviométrique du CRU qui est mise à profit compte tenu de

l’insuffisance des points au sol. La période d’étude est partitionnée en trois sous périodes,

conformément aux différentes tendances décrites dans les résultats précédents. La

première sous-période s’étend sur la période 1951-1970, la seconde va de 1971 à 1990 et

la troisième de 1991 à 2002.

II. Structures spatio-temporelles des précipitations du Cameroun 97

Pour chaque période, on effectue une CAH (critère de distance de Ward) sur ce

signal moyen annuel et la variabilité interannuelle préalablement désaisonnalisé comme

précédemment.

Figure III-14: CAH automatique des pluies au Cameroun : (a, b) dendrogramme et champ spatial

de la CAH entre 1951 et 1970 ; (c, d) : entre 1971 et 1990 ; (e, f) : entre 1991 et 2002. Les figurés

à l’intérieur des cartes représentent les points d’observations du CRU (grille régulières de 0.5°x

0.5°).

Il est toutefois à noter que sur le plan spatial, les limites climatiques établies par

une classification ne peuvent être d’une netteté absolue car il existe toujours une zone de

transition où les influences climatiques se chevauchent et varient dans le temps. Les

partitions sont quasi-équivalentes à celles de la figure III-10, traduisant que l’ensemble

des classes obéissent à une tendance régionale unique, chacune d’elles n’étant par

conséquent qu’une représentation de cette tendance déformée à la fois par de possibles

anomalies locales et/ou par d’éventuelles erreurs d’observation.

En effet, les champs spatiaux représentatifs des différentes sous-périodes (Fig.

III-14b, d, f) montrent une classification cohérente de la répartition des pluies au Cameroun

où sont bien matérialisés les domaines soudano-sahélien et soudanien au nord du 8

e

parallèle (figurés en ’x’ et en ’o’, respectivement) et le domaine tropical humide,

représentatif du climat des régions montagneuses de l’ouest et de l’Adamaoua (figuré en

’+’). Le climat équatorial est représenté au sud du 4

e

parallèle (figuré en’’), ainsi que les

climats côtiers situés sur les bordures littorales (figuré en’’).

La comparaison des classifications des deux premières sous périodes (1951-1970

et 1971-1990) montre un décalage méridien de la classe côtière vers le continent (sud de

6°N), alors que les grilles des autres classes restent quasi-stables (Fig. III-14 b et d). Ce

phénomène peut être associé au changement thermique saisonnier de l’Atlantique tropical

entre les deux hémisphères au début des années 70s, celui-ci ayant entrainé une anomalie

de la ZCIT, et donc de faibles gradients méridiens. Ils s’en sont suivi, de forts gradients

zonaux, caractérisés par une recrudescence des précipitations dans la bande équatoriale

(Fontaine et al, 1999) au cours de la décennie 70s, et une situation contraire dans les

hautes latitudes.

Au cours de la sous période 1991-2002, l’on observe une situation inverse,

c’est-à-dire un glissement méridien des classes du sud vers le nord du pays : le domaine

soudanien s’étend jusqu’au 11°N alors que seul le nord de 12°N demeure dans le domaine

sahélien. Par contre, la zone couverte par le domaine côtier a retrouvé sa position des

années 1951-1970.

Il faut noter que ce décalage méridien des classes est en faveur d’une

humidification (L’hôte, 1998 ; L’hôte et al, 2003 ; Ali ans Lebel, 2009) de la région

septentrionale du Cameroun qui retrouve quasiment un régime soudanien au cours de cette

période. En effet, la latitude minimale de classe soudano-sahélienne (figurés en ‘x’) est

située pendant la sous-période 1951-1970 autour du 9

e

parallèle. Cette limite semble

stable entre la période 1971-1990, mais se retrouve au-dessus du 11

e

parallèle pendant la

période 1991-2002. Toutefois, ce décalage sud/nord ne concerne par la classe côtière qui

elle, se caractérise par une variation sur le plan méridien. À ce sujet, Suchel (1972) fait

remarquer que la variabilité spatiale des pluies dans la région côtière est en relation avec

les pluies paroxysmales provoquées par la mousson, essentiellement entre juin et

II. Structures spatio-temporelles des précipitations du Cameroun 99

xi x

σ

septembre, qui s’imbrique subtilement avec la multiplicité des sites et des expositions

imposée par le relief.

Ainsi, les résultats de variabilité spatiale des différentes classes de la CAH

confirment ceux du programme ICCARE (2000) qui ont montré que la répartition spatiale

des précipitations en Afrique de l’Ouest non sahélienne avait subi des modifications en

phase avec les différentes tendances auxquelles elle apparaissait liée (Paturel et al, 1998).

Il ressort pour le Cameroun que c’est essentiellement la classe du domaine

soudano-sahélien qui a subi un décalage méridien important et ce, au cours de la dernière décennie

(Ozer et al, 2003).

b) Définition d’indices régionaux

Les CAH1 et CAH2 ont montré le caractère complémentaire des deux sources de

données dans la régionalisation des régions pluviométriques du Cameroun : la CAH1 (à

partir des données du CRU) a essentiellement permis de circonscrire les limites de chaque

domaine pluviométrique, que la faible couverture des données ponctuelles appréhende

difficilement. Afin de s’affranchir d’analyses redondantes, la définition des indices

pluviométrique se base uniquement sur la classification de la CAH2 (Fig. III-11) mais,

nous restons conscients des limites que celle-ci comporte. C’est le cas par exemple, du

regroupement des stations située au nord de 8°N en une seule classe (Fig. III-11-c ;

classe5) alors qu’une telle globalisation masque bien des particularités, comme le

témoigne la CAH1 (Fig. III-10-c ; classe2 et 5).

Les indices pluviométriques sont définis pour chaque classe comme des anomalies

centrées réduites (ou standardisées), qui témoignent d’un excédent ou d’un déficit

pluviométrique pour l’année considérée, par rapport à la période de référence 1951-2002.

Pour chaque année (i), l’indice pluviométrique est calculé suivant la formule de Lamb

(1982) suivante :

xi = moyenne pluviométrique (des stations) de chaque classe pour

l’année i ;

x = moyenne pluviométrique (des stations) de chaque classe sur la

période 1951-2002 ;

σ

= écart-type de la période 1951-2002.

Il ressort dans l’ensemble que les anomalies pluviométriques fluctuent entre -2.5 et

2 (Fig. III-15).

En dehors de la classe équatoriale, tous les domaines pluviométriques du

Cameroun présentent quasiment les mêmes tendances tout au long de la période :

c’est-à-dire, d’une part, essentiellement des anomalies positives en début de période et d’autre

part des anomalies négatives après l’année 1970, et de manière plus marquée (> -2) au

début de la décennie 1980 (Fig. III-15). Toutefois, ces tendances moyennes — qui sont

d’ailleurs quasi généralisées sur l’ensemble de l’Afrique tropicale — présentent

néanmoins quelques nuances : (i) il n’est pas rare de compter quelques années

excédentaires au cours de la deuxième moitié de la décennie 1970, et ce essentiellement

en domaine unimodal ; (ii) si le domaine soudano-sahélien est marquée essentiellement

par des anomalies négatives dans la période post-1980, l’on y compte cependant six

années excédentaires (bien que de faibles amplitudes) après 1994 (Fig. III-15-e). C’est

donc dire que, contrairement aux autres domaines pluviométriques, cette région a connu

une décennie 1990 plus humide, même si les chiffres restent inférieurs à ceux des années

1950 et 1960.

Le domaine équatorial (Fig. III-15-a) présente des anomalies atypiques, à l’image

de la distribution interannuelle des précipitations, c’est-à-dire une succession d’anomalies

positives et négatives au cours de la décennie 50s, les décennies 60s et 70s essentiellement

excédentaire (~1,5), le début des années 80s très excédentaire (>2), et le reste de la

période particulièrement déficitaire (-1,5).

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C’est suivant cette définition d’indices pluviométriques que s’appuieront les

prochaines analyses de cette thèse.

SYNTHESE PARTIELLE

Le but de la régionalisation était de segmenter le territoire camerounais en régions

homogènes du point de vue de la pluviométrie, suivant les rythmes annuels et

interannuels. L’objectif n’était pas de reprendre les travaux précédents sur le Cameroun

qui sont d’ailleurs particulièrement documentés, car prenant en compte des facteurs

géographiques et d’autres paramètres plus localisées de la climatologie (Suchel, 1987 ;

Santiago, 1998 ; Tchiadeu, 2000). Il était en effet question de décrire la variabilité

annuelle et interannuelle des précipitations sur une période plus récente, en discriminant

les particularités pluviométriques de chaque région. De ce point de vue, il est important de

rappeler que la notion d’unicité d’ensemble invoquée par cette régionalisation est en

réalité susceptible de masquer des diversités locales au sein d’un même domaine

pluviométrique. Ainsi convient-il d’utiliser les indices régionaux avec prudence, bien que

ceux-ci permettent d’appréhender les particularités pluviométriques des domaines

climatiques sous influences océaniques, par opposition aux climats continentaux ou

abrités de l’est et du nord du pays. Les résultats permettent de retenir plusieurs points :

i) à l’échelle annuelle, les critères de différenciation des classes (ou des stations)

pluviométriques sont essentiellement :

a. l’intensité des cumuls mensuels qui induit de ce fait, la notion de longueur de

la saison des pluies : celle-ci diminue essentiellement du sud vers le nord et des régions

côtières vers celles plus continentalisées (en considérant un seuil de différenciation d’au

moins 50 mm entre mois humides et mois secs) ;

b. l’allure du profil pluviométrique (saisonnalité): le facteur principal de

différenciation des régimes pluviométriques camerounais réside dans les caractéristiques

de la période juillet-août (petite saison des pluies) qui permettent de distinguer les régimes

unimodaux et bimodaux. Cette saison est également considérée par Suchel (1987), comme

le facteur d’unité fondamentale du plateau sud-camerounais. Mais seul le domaine

équatorial stricto sensu semble plus concerné par cette récession pluviométrique,

puisqu’elle n’affecte, à proprement parler, les stations de la zone subéquatoriale qu’au

mois de juillet. L’étude des cartes de radiosondages et synoptiques a permis d’apporter

des éléments explicatifs à cette situation : en effet, entre les mois de juillet et août,

l’hémisphère sud étant plus déficitaire en énergie (du fait de l’inclinaison de la Terre dans

l’hémisphère nord), la ZCIT migre vers le nord via les basses pressions des massifs

sahariens et impose la saison sèche dans les régions équatoriales. Pendant ce temps, le

plateau sud-camerounais n’enregistre plus que des pluies fines et de la bruine puisque

d’une part la zone de turbulence à l’origine des précipitations orageuses s’est déportée

vers le nord et d’autre part en raison des remontées d’eaux froides (upwellings côtiers) qui

contribuent à stabiliser les basses couches de l’atmosphère. L’on comprend donc pourquoi

les stations du domaine subéquatorial plus continentalisées ne sont affectées que

partiellement par cette récession pluviométrique.

c. les caractéristiques pluviométriques de la période mars-juin contribuent,

quant à elles, à différencier d’une part les régimes unimodaux situés au sud du 9

e

parallèle

(domaines tropical humide et côtier) et le régime soudano-sahélien d’autre part. En effet,

dans les deux premiers domaines, la partie ascendante de la courbe présente une allure

étalée en raison des moindres apports pluviométriques entre mois consécutifs (moins de

100 mm). On y distingue, suivant les années (non présenté ici), la présence d’un ou de

deux paliers (entre mars-avril et avril-mai), avant l’apparition brusque du pic au mois

d’août. Cette particularité contraste avec le profil unimodal plus strict (profil en cône) du

domaine soudano-sahélien. D’après Suchel (1987), cette particularité saisonnière serait en

relation avec l’irruption de la mousson dès le creusement des dépressions sahariennes, qui

vient se surimposer au régime zonal classique.

ii) à l’échelle interannuelle, les moyennes mobiles présentent, suivant les domaines

pluviométriques, une tendance à la baisse aux cours des années 1970 et 1980. C’est

précisément au cours de cette dernière période que le phénomène se généralise sur

l’ensemble du pays. Toutefois, les stations du domaine équatorial semblent faiblement

affectées par les sècheresses du début des années 1980 : l’on signale des anomalies de très

faibles amplitudes (< -1) entre 1980 et 1983, alors que les années 1984 et 1985 se

distinguent par des anomalies positives marquées. De même, en domaine

soudano-sahélien, la période post-1990 ne peut pas être considérée comme parfaitement déficitaire

en raison d’un nombre important d’anomalies positives. Toutefois, si leurs amplitudes

restent en dessous de celles des années 1950 et 1960, elles contrastent fortement avec le

déficit des années 1980. Cette reprise pluviométrique post-1990 en domaine

soudano-sahélien est marquée par un décalage des isohyètes vers le nord, en raison de la position

plus septentrionale de la ZCIT.

Il ressort également que l’interprétation de la variabilité interannuelle nécessite une

certaine prudence puisque les différents tests ont permis de conclure que les tendances

décrites par les moyennes mobiles s’inscrivent plus dans la variabilité interannuelle des

pluies (fluctuation normale) que ne décrivent des ruptures. C’est le cas, par exemple, de la

tendance déficitaire marquée au début des années 1980 en domaine unimodal.

La question qui nous préoccupe suite à ces résultats est celle de savoir : quels sont

les mécanismes d’échelles saisonnières qui impriment la variabilité interannuelle

observée ainsi que les différentes tendances ? C’est à essayer de répondre à cette

question que seront consacrées les prochaines sections.

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