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Etat de l’art

2.3 Évolution de la sous-traitance

Si la sous-traitance existait avant les années 80, c’est à partir de ces années-là que cette pratique s’est généralisée [Tin+07]. Cette sous-traitance prend plusieurs formes. La pre-mière, la sous-traitance de type «capacité» a pour vocation à répondre occasionnellement à une pointe de commandes, à un incident technique, ou encore, à préserver une capacité de production du donneur d’ordres, en faisant sous-traiter une partie de sa production [INS18a]. Lorsque le donneur d’ordre ne souhaite pas, ou ne possède pas les connaissances ni les machines pour répondre à son besoin spécifique, il a la possibilité de faire appel à une entreprise spécialisée dans le domaine désiré. Ce type de démarche est dénommée

«sous-traitance de spécialité » [INS18b]. Une troisième forme de sous-traitance dite de

«substitution » «est motivée par le différentiel de prix entre le donneur d’ordre et le sous-traitant, qui ne résulte pas ici d’un différentiel de coût de production ou d’un défaut de compétences en tant que telles, mais d’un contournement des conditions d’emploi qui pré-valent dans l’entreprise donneur d’ordres.» [Tin+07]. Dans le principe, ce dernier type de sous-traitance ne semble pas être exclusif des deux premières formes.

Suite au choc pétrolier de l’année 1974, les entreprises ont cherché à se restructurer, à se recentrer sur leur cœur de métier, par l’externalisation d’une partie de leurs activités, pour réduire leurs coûts de production nécessaire à la compétitivité de l’entreprise et à la rentabilisation des capitaux qui y sont investis. J. Garnier ([Gar13]) définit l’externalisation comme consistant en «l’abandon d’une activité ou d’une opération jusque-là effectuée au sein de la grande entreprise et, concomitamment, dans le recours à cette activité, sous une forme marchande contractualisée, auprès d’une entreprise spécialisée extérieure».

À la fin des années 80, le nombre de sous-traitants était devenu prohibitif. Leur co-ordination, par le donneur d’ordres, posait des difficultés, de par leur nombre, de par la diversité technique des éléments et des interactions entre ces mêmes éléments [Joe09]. C’est la raison pour laquelle, le donneur d’ordres a cherché à réduire ce nombre, en confiant des ensembles de plus en plus complexes, pouvant être dénommés modules, à de la sous-traitance de spécialité [Joe09]. De facto, avec ces délégations, le métier du donneur d’ordre change. Son métier initial : d’architecte, de concepteur, de réalisateur et d’assembleur, évolue vers l’architecture et l’intégration (cf figure 2.2).

Figure 2.2 – Évolution du modèle organisationnel entre Airbus et ses sous-traitants (source Airbus 2012) [Exe15]

Du fait de cette externalisation, les connaissances technologiques nécessaires à la réali-sation des modules se déplacent chez les sous-traitants. Le donneur d’ordres est amené à ne plus maîtriser cette complexité technique. Or, si ce même donneur d’ordre désire être toujours compétitif sur son marché, il se doit d’innover sur des technologies pouvant être intégrées dans les modules sous-traités. L’insertion de nouvelles technologies (ex : élec-tronique de puissance, composites, motorisation des trains d’atterrissage) peut modifier de manière substantielle les interfaces entre les différents modules et altérer les interdé-pendances entre les différents systémiers [Joe09]. Cette connaissance lui est absolument nécessaire si le donneur d’ordres veut continuer à maîtriser les conditions de sa production, et conserver son attractivité commerciale.

L’une des manières de définir le périmètre des modules, de définir les interfaces et les interrelations entre ces modules est d’intégrer les partenaires, au sein d’un « plateau de co-développement », dès la phase de conception amont du produit [Joe09] [Exe15].

Cette approche permet au donneur d’ordres de s’assurer que l’architecture du produit est optimale, que les technologies concurrentielles sont bien intégrées dans les modules, et que les interactions entre les modules sont bien définies.

Dans une vision plus large que le « plateau de co-développement » qui laisse le senti-ment d’une référence à un lieu particulier, il semble intéressant d’utiliser, en lieu et place, le terme d’« entreprise étendue ». Ce dernier terme suppose la mise en place d’une structure juridique et fonctionnelle, entre les différents partenaires, pour le temps de la réalisation d’un projet commun. Cette structure d’« entreprise étendue » a vocation à favoriser les échanges entre les partenaires, dans le respect d’une protection de la propriété intellec-tuelle librement définie et consentie, entre le donneur d’ordre et les partenaires, et entre les partenaires eux-mêmes. Or, [Cha12] décrit les relations des donneurs d’ordre vis-à-vis des sous-traitants comme : « le pillage du savoir-faire des PME est devenu un sport national ».

Dans ce contexte, le problème de la protection des droits intellectuels est un sujet émi-nemment important pour qui cherche à protéger et faire valoir ses droits de sous-traitants.

Elle l’est encore plus, avec l’arrivée de la financiarisation de la sous-traitance. C’est-à-dire, lorsque le donneur d’ordres demande aux sous-traitants systémiers de participer à la mise en œuvre d’un nouveau produit, d’un nouveau programme, avec tous les aléas commer-ciaux, dont le systémier n’est pas maître. Dans ce cas, la protection intellectuelle devient cruciale si celui-ci veut pouvoir espérer un retour sur investissement, en vendant au don-neur d’ordres, comme aux concurrents du dondon-neur d’ordres, des équipements issus de sa propre recherche. [MGC19] propose une approche de protection IP, basée modèles, bien adaptés aux différents partenaires qui œuvre au sein de l’entreprise étendue, lors de la phase de conception amont du produit. Cette approche peut restreindre la visualisation d’éléments de modèles, aux seules catégories des personnes autorisées, et surtout elle per-met de marquer les éléments des modèles pour signifier le propriétaire. Ce point sur la propriété intellectuelle n’est pas plus développé dans cette thèse, autre que sous la forme de l’utilisation d’un intergiciel de type FMI 2.0. Ce standard FMI 2.0 spécifie, en autre, l’API3 pour les échanges de données, sans nécessité de dévoiler le code source à l’origine de cet exécutable.

Cette notion d’« entreprise étendue » ne concerne pas uniquement une structure de type hiérarchique : donneur d’ordres à sous-traitant. Elle est bien plus riche, en ce sens où elle prend en compte des structures plus diverses, plus horizontales. Le concept d’entreprise étendue est abordé dans la section 2.5.

3. Application Programming Interface