• Aucun résultat trouvé

Évolution des abondances de D. plantaginea en absence ou en présence de prédateurs

Effect of codling moth exclusion nets on the rosy apple aphid, Dysaphis plantaginea, and its control by natural enemies

B) Étude en conditions contrôlées sur des jeunes pommiers des potentialités régulatrices de Dysaphis plantaginea par deux

4.3. Évolution des abondances de D. plantaginea en absence ou en présence de prédateurs

En absence de prédateur, la colonie de pucerons peut pratiquement doubler ses effectifs en moins d’une semaine. En absence d’observations directes, il est toujours difficile

de prouver l’existence de phénomène d’interaction intra-guilde. Ainsi dans notre cas, les larves de syrphes ont pu mourir ou disparaître à cause d’une alimentation trop faible. Même si nous faisons l’hypothèse que les larves disparues ont été consommées par les forficules, nous ne pouvons affirmer que les larves n’étaient pas mortes avant (nous avons observé de la mortalité en absence de la forficule). Dans la suite de ce chapitre, nous parlerons donc d’interaction intra-guilde entre les syrphes et les forficules (ceci n’excluant pas une véritable prédation intra-guilde mais incluant d’autres types d’interactions indirectes via une compétition alimentaire par exemple). Lorsque les pucerons sont en faible densité, une interaction intraguilde peut survenir. Dans les deux répétitions de l’expérience, il y a eu une disparition de la larve de syrphe L1 en présence de la forficule, pour les faibles classes d’infestation. La diminution de la proie commune favorise alors la prédation intraguilde (Lucas, 2005), phénomène recensé par exemple entre des Coccinellidae et E.balteatus (Alhmedi, 2007, 2008). Cette interaction, dans trois quarts des cas, apparaît lorsque la larve de syrphe est au stade L1. Il n’y a qu’un cas, où le syrphe disparaît à un autre stade larvaire

(L2) en présence de la forficule. Ceci peut être expliqué par le fait que l’interaction intraguilde apparaît principalement lorsqu’un prédateur généraliste est en présence d’une prédateur-proie de petite taille. L’incidence de la mortalité est inversement corrélée à la taille de la proie, et cette prédation peut changer en fonction du stade de développement des protagonistes (Lucas et al., 1998; Rudolf et Armstrong, 2008). Selon son stade larvaire, le syrphe sera plus ou moins exposé à devenir une proie: au départ, il l’est beaucoup pour ensuite l’être de moins en moins (Lucas, 2005). Or la durée de développement d’un stade larvaire est fonction de la quantité de nourriture disponible (Rojo et al., 1996). Le faible effectif de pucerons augmente la durée pendant laquelle le syrphe est une proie potentielle en réponse à sa petite taille et à la ressource alimentaire alternative qu’il représente. Inversement, lorsque l’effectif des pucerons est élevé, il n’y a pas d’interaction intraguilde observée et dans ce cas, la forficule préfère consommer les pucerons.

Les deux espèces de prédateurs ont des mécanismes de défense efficaces. F.

auricularia est connue pour se défendre en déplaçant son abdomen équipé d'une pince

(Albouy et Caussanel, 1990). De même, bien que les œufs, L1 et L2 de E.balteatus soient très sensibles à la prédation (Hindayana et al., 2001), la larve L3 peut tuer les larves d'autres prédateurs tels que les mirides (Fréchette et al., 2006), coccinelles, chrysopes, cécidomyies (Hindayana et al., 2001) et hyménoptères parasitoïdes (Meyhöfer et Klug, 2002). Outre les pièces buccales bien développées, les larves de stade L3 sont plus mobiles et produisent un « slime » pour repousser d'autres prédateurs (Hindayana et al., 2001), et ce beaucoup plus que

les larves plus jeunes. Le « slime » est utilisé par les larves de syrphes comme un gel salivaire visqueux engluant les proies et sert donc de sécrétion défensive (Eisner, 1971).

Il est souvent avancé que cette prédation intraguilde est induite ou augmentée par les conditions de laboratoire. Il est possible que dans des conditions réelles, elle soit moins importante (Kindlmann et Houdkova, 2006). En effet, en laboratoire, les individus sont dans un espace réduit et clos ce qui augmente leur probabilité de rencontre, d’autant plus que la forficule est très mobile. De plus, la ressource (d’origine animale) proposée lors de cette expérience est unique. Les deux prédateurs n’ont jamais été retrouvés dans la même feuille, ce qui peut laisser supposer qu’il y existe un comportement d’évitement. Dans un verger, les deux prédateurs ont moins de chance de se rencontrer et, dans le cas de faibles effectifs de pucerons, la forficule peut alors se tourner vers d’autres proies.

Ainsi, si le syrphe est entièrement dépendant de la présence des pucerons, la forficule ne l’est pas. Un prédateur généraliste présente l’avantage de ne pas être dépendant d’une proie spécifique et en absence de celle-ci, il peut en consommer une autre et survivre. Dans notre cas les forficules ont pu soit manger des feuilles de pommier soit ont exprimé une plus grande capacité à jeûner. Un prédateur spécialisé présente lui l’avantage de ne pas être distrait par une proie alternative (Symondson et al., 2002), sa prédation sera ciblée, c’est pourquoi ce type de prédateur était jusqu’ici préférentiellement choisi dans le contrôle des ravageurs en lutte biologique. En contrepartie, la présence de cette proie est nécessaire à son arrivée et à son développement, et la disparition de sa proie implique sa mort ou sa migration. La présence d’un prédateur généraliste est donc plus facile à pérenniser.

Globalement, nous pouvons affirmer qu’en présence de prédateurs, la colonie de pucerons connaît un développement moindre et que l’association des deux prédateurs semble être plus efficace, même si cette différence est faible, que l’action d’un seul individu. Cependant, l’absence d’additivité de ces effets indique l’existence possible d’interactions pouvant être liées à une compétition pour la ressource.

Cette étude permet de démontrer que ces 2 prédateurs ont une potentialité régulatrice certaine et que la quantité de pucerons disponibles modifie les interactions qui peuvent survenir entre eux.

5. Conclusions

Nous avons observé le développement des colonies en absence et en présence d’un ou des deux prédateurs et selon différents niveaux d’infestation initiaux. Il est apparu que les prédateurs ont un effet beaucoup plus marqué sur la colonie, quand l’infestation initiale est faible. De plus, nous avons constaté qu’une faible densité de D. plantaginea peut conduire à des phénomènes d’interaction intraguilde. L’association des deux prédateurs semble être significativement plus efficace pour réguler D. plantaginea mais la différence est cependant très faible. L’absence d’additivité de ces effets indique que des interactions entre ces prédateurs (interactions qui pourraient être liées à une compétition pour la ressource) ont eu lieu. Les résultats obtenus dans cette expérimentation menée en laboratoire laisse augurer des possibilités de lâcher en conditions réelles (chapitre 5) pour tester cette technique dans des perspectives d’utilisation en lutte biologique.

Chapitre 4

Reproduction, structure et dynamique de populations

Documents relatifs