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Évaluation de l’importance du risque pris en téléphonant au volant par les conducteurs

Dans le document Téléphone et sécurité routière (Page 122-125)

Plusieurs auteurs se sont intéressés à la perception qu’ont les automobilistes du risque associé à l’usage du téléphone au volant. C’est ainsi que le fait de téléphoner au volant (avec un téléphone mains-libres ou non) a été comparé, dans le cadre de l’enquête européenne Sartre, à une série d’autres causes possibles d’accident de la route (Vanlaar et Yannis, 2006). Cette enquête visait à étudier les attitudes et les comportements déclarés des automobilistes européens envers le risque routier. Elle a été menée dans 23 pays européens de septembre 2002 à avril 2003. Au total, plus de 24 000 conducteurs ont été

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interrogés. Quinze situations de conduite liées à l’état du conducteur, à l’état du véhicule ou aux conditions de circulation étaient proposées aux personnes interrogées qui devaient estimer avec quelle fréquence chaque situation était la cause d’accidents. Les conducteurs ont jugé le fait de téléphoner au volant, que celui-ci soit tenu ou non à la main, comme un comportement présentant un risque d’accident faible tout en présentant une forte prévalence dans le cas du téléphone tenu à la main. Comparativement, le fait de conduire en ayant consommé de l’alcool ou des drogues et le fait de conduire avec une direction ou des freins défectueux, ou des pneus lisses ont été jugés comme présentant un risque d’accident élevé en ayant une prévalence forte pour la première série de situations et faible pour la seconde.

Le risque lié au téléphone au volant a également été comparé aux risques engendrés par différentes activités que les conducteurs peuvent être amenés à réaliser en conduisant.

En 2003, McEvoy et coll. (2006) ont mené une enquête par questionnaire sur la distraction des conducteurs auprès de 1 347 conducteurs australiens. Les personnes interrogées devaient estimer dans quelle mesure certains comporte- ments au volant augmentaient le risque d’accident (tableau 6.I).

Tableau 6.I: Perception par les conducteurs de l’augmentation du risque d’accident associé à différents comportements au volant (d’après McEvoy et coll., 2006) (N=1 347)

Prise de risque Nombre (N) Aucune Faible Modérée Élevée Extrême

Écrire et envoyer un SMS 1 314 0,3 (0,2) 1,8 (0,4) 9,7 (0,9) 33,7 (1,6) 54,5 (1,6)

Conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,8 g/l

1 296 0,9 (0,3) 3,6 (0,6) 13,4 (1,1) 34,0 (1,6) 48,1 (1,6)

Récupérer un objet sur le siège arrière de la voiture

1 339 0,5 (0,2) 4,2 (0,7) 17,4 (1,2) 42,4 (1,6) 35,5 (1,5)

Lire une carte routière 1 339 1,0 (0,4) 4,1 (0,6) 25,4 (1,4) 43,6 (1,6) 25,9 (1,4)

Utiliser un téléphone tenu à la main

1 326 1,5 (0,4) 7,0 (0,8) 21,6 (1,3) 38,2 (1,6) 31,7 (1,5)

Conduire à 80 km/h dans une zone limitée à 60 km/h

1 332 3,5 (0,6) 8,8 (0,9) 30,4 (1,5) 38,8 (1,6) 18,5 (1,2)

Conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,5 g/l

1 293 5,0 (0,7) 10,8 (1,0) 24,3 (1,4) 30,5 (1,5) 29,4 (1,5)

Être perdu dans ses pensées 1 337 5,3 (0,8) 20,3 (1,3) 38,1 (1,6) 27,2 (1,4) 9,1 (0,9)

Conduire sans s’arrêter pen- dant 2 heures

1 338 12,6 (1,0) 15,2 (1,1) 39,4 (1,6) 24,5 (1,4) 8,3 (0,9)

Observer le paysage 1 344 12,4 (1,1) 26,6 (1,4) 44,0 (1,6) 14,7 (1,1) 2,3 (0,5)

Utiliser un téléphone mains- libres

1 311 14,7 (1,2) 30,0 (1,5) 39,6 (1,6) 11,2 (1,0) 4,4 (0,7)

Parler à ses passagers 1 344 30,7 (1,5) 38,7 (1,6) 27,6 (1,5) 2,3 (0,5) 0,7 (0,3)

Les chiffres donnés correspondent au pourcentage par ligne pondéré, l’erreur standard est entre parenthèses.

Le fait d’écrire et d’envoyer un SMS, de conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,8 g/l, de récupérer un objet sur le siège arrière de la voiture, de lire une carte et d’utiliser un téléphone tenu à la main ont été jugés par plus de 70 % des conducteurs comme augmentant fortement le risque d’accidents. Les jeunes conducteurs (entre 18 et 30 ans) ont globalement évalué les situations de distraction comme moins risquées que les conducteurs plus âgés alors qu’ils déclaraient plus souvent être engagés dans des tâches secondaires en conduisant.

Ces résultats sont confirmés par l’enquête sur l’usage par les conducteurs des nouvelles technologies, menée au niveau de 9 pays (Australie, Autriche, Espagne, Finlande, France, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque et Royaume-Uni) par le projet Européen Interaction10. Au total, 7 677 per- sonnes ont répondu à cette enquête Internet. Une question de l’enquête concerne le niveau de dangerosité de 23 actions pouvant être réalisées pen- dant la conduite et pouvant distraire le conducteur de sa tâche de conduite (Britschgi et coll., 2010). Les situations de distraction étudiées étaient liées à l’usage du téléphone, à l’usage de technologies en lien avec le divertissement ou la conduite, à la présence de passagers, à l’environnement extérieur et au fait de lire/écrire et d’être perdu dans ses pensées (tableau 6.II).

Tableau 6.II:Sources de distraction étudiées par le projet européen Interaction

Usage du téléphone Usage de technologies à des fins de divertissement Composer un numéro de téléphone

Répondre à un appel téléphonique Parler au téléphone tenu à la main Parler au téléphone avec un kit mains-libres Écrire un SMS

Lire un SMS

Écouter la radio, un CD, une cassette ou tout autre support de musique

Écouter un livre audio

Manipuler les commandes de la radio ou du lecteur CD

Manipuler les commandes d’un lecteur de musique portable (iPod par exemple)

Usage de technologies en lien avec la conduite Présence de passagers Manipuler les commandes du véhicule (climatisation,

rétroviseurs)

Regarder l’affichage du GPS Manipuler les commandes du GPS

Manipuler les commandes du régulateur de vitesse, du limiteur de vitesse ou de l’avertisseur de dépasse- ment de vitesse

Parler avec des passagers Se disputer avec des passagers Interagir avec les enfants

Conduire pendant qu’un passager regarde un film à l’arrière

Environnement extérieur Autres distractions

Regarder un panneau publicitaire fixe

Regarder un panneau publicitaire déroulant ou un écran publicitaire passant des vidéos

Lire Écrire

Être perdu dans ses pensées

10. www.interaction-fp7.eu

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109 Perception du risque lié au téléphone au volant chez les conducteurs

Le fait d’écrire une note ou un SMS et le fait de lire une note ont été jugés comme des activités extrêmement dangereuses par environ 60 % des conduc- teurs, viennent ensuite le fait de lire un SMS (48 %), d’être perdu dans ses pensées (44 %) et de téléphoner avec un téléphone tenu à la main qu’il s’agisse de composer le numéro (43 %) ou de converser (38 %). Les conduc- teurs ont également identifié comme présentant un risque le fait de décrocher le téléphone (27 %), de regarder des panneaux publicitaires dynamiques (24 %), de se disputer avec ses passagers (22 %) de manipuler un lecteur de musique (19 %) ou un système de navigation (18 %), de regarder des pan- neaux publicitaires statiques (16 %) et d’interagir avec des enfants (15 %). Les autres actions ont été jugées par moins de 10 % des personnes interrogées comme extrêmement dangereuses. Ce sont donc les actions nécessitant un contrôle visuo-manuel long telles que l’écriture et la lecture d’une note ou un SMS, qui ont été identifiées comme les plus dangereuses par les personnes interrogées. Les actions entraînant une charge cognitive ou émotionnelle forte ont été également identifiées comme présentant un risque d’accidents, mais dans une moindre mesure.

De manière systématique, téléphoner avec un téléphone mains-libres est jugé comme une activité beaucoup moins risquée que le fait de manipuler le clavier du téléphone, de prendre la ligne et de converser avec un téléphone tenu à la main (Wogalter et Mayhorn, 2005 ; McEvoy et coll., 2006 ; Britschgi et coll., 2010). Le fait que téléphoner avec un système mains-libres ne soit pas interdit est certaine- ment à l’origine de cette sous-évaluation du risque.

Ainsi, si les distractions de type visuo-manuelle sont jugées comme les plus risquées, la distraction cognitive liée à la conversation téléphonique est sous-estimée. Ce constat est confirmé lorsque l’on interroge les conducteurs sur les différentes actions qu’ils peuvent réaliser avec leur téléphone portable. Écrire ou lire un SMS, composer un numéro, manipuler le clavier ou lire l’écran sont des actions jugées les plus risquées (Brusque et Alauzet, 2006 ; McEvoy et coll., 2006 ; Britschgi et coll., 2010).

Perception du risque en fonction de l’usage du téléphone

Dans le document Téléphone et sécurité routière (Page 122-125)

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