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4 LES TRADUCTIONS

4.2 ÉVALUATION QUALITATIVE DES TEXTES

4.2.1 Évaluation fondée sur les textes-cibles

Un des facteurs décisifs dans la qualité d’une traduction est la cohérence intratextuelle, que Katharina Reiss et Hans Vermeer définissent comme « la nécessité pour l’information produite par le traducteur […] de pouvoir être interprétée de façon cohérente compte tenu de la situation du récepteur final » (supra, point 2.2.1). Les traductions étudiées obéissent en tous points à cet impératif, à l’exception de la note de bas de page du discours Notre Dieu va de l’avant. Le traducteur donne la précision suivante concernant le titre de ce discours :

Ce titre (Our God Is Marching On!, littéralement : « Notre Dieu poursuit sa route ») évoque instantanément chez tout Américain un hymne chargé de connotations historiques et sentimentales : John Brown’s Body. C’est en effet le chant écrit à la mémoire de John Brown qui fut exécuté à la veille de la guerre de Sécession pour avoir voulu partir en campagne tout seul et libérer prématurément les esclaves ; le refrain en est : « John Brown’s body lies mouldering in the grave / But his soul goes marching on » (Le corps de John Brown pourrit dans la tombe / mais son âme va toujours de l’avant). (N.d.T.) (King, 2008 : 156)

Selon nous, cette note de bas de page devrait être reformulée, car il n’est pas sûr que tous les lecteurs comprennent que « Notre Dieu va de l’avant » est en fait la traduction de « Our God Is Marching On! ». Nous formulerions donc cette note de bas de page comme ceci : « Le titre original de ce discours (Our God Is Marching On!, littéralement : « Notre Dieu poursuit sa route ») évoque instantanément chez tout Américain […] ».

Pour autant que nous puissions en juger, les traductions étudiées remplissent bien les fonctions informative et incitative que leur a assignées la maison d’édition. Il n’en reste pas moins que le traducteur n’a pas explicité certains concepts propres aux États-Unis, comme

« interposition » et « nullification ». Or, Christiane Nord considère que :

The translator has to consider whether the TT receiver might lack information. Whenever such a lack interferes with text comprehension, it should be compensated for by some additional piece of information given in the TT text or in the TT environment. (Nord, 2005 : 51)

Il aurait été utile de définir les deux concepts susmentionnés dans la perspective d’ « introduire à la vision » de Martin Luther King et d’ « encourager à suivre [son] chemin ».

Les traductions étudiées contiennent un grand nombre de phrases débutant par une conjonction de coordination, dont voici quelques exemples :

Discours Exemple

Notre Dieu va de l’avant (§ 6, p. 93)15

Mais le monde entier sait aujourd’hui que nous sommes ici et que nous nous adressons aux forces de l’État de l’Alabama […]

Un temps pour rompre le silence (§ 3, p. 97)

Et l’esprit humain ne s’attaque pas sans grande difficulté à toute l’apathie du conformisme qu’il trouve en lui-même comme dans le monde extérieur.

Et maintenant, où allons-nous ? (§ 21, p. 124)

Car par la violence vous pouvez mettre à mort un meurtrier, vous ne pouvez tuer le meurtre.

La traduction de textes à dominante incitative devant privilégier la langue-cible selon Katharina Reiss, il convient de se demander si ce genre de construction est conforme aux règles de la grammaire française. Les grammairiens Maurice Grevisse et André Goosse font valoir que

des esprits logiciens considèrent comme une faute le fait de mettre une conjonction de coordination après un point. L’usage, notamment celui de Léautaud, ne tient aucun compte de cette interdiction, même après un alinéa16.

Ils nuancent néanmoins leurs propos par l’observation suivante, tirée d’un ouvrage de ce même Léautaud : « Mais au commencement d’une phrase, grande faute. […] Pas de phrases commençant par Et, à moins de certains cas, par exemple la reproduction de conversations. » (Ibid.). Ainsi, selon Léautaud, le traducteur n’aurait pas dû faire débuter de phrases par « mais » ou « et ».

Les traductions objets de la présente étude ne s’adressant pas qu’à des Français, le traducteur aurait par ailleurs dû s’abstenir d’employer une terminologie propre à la France, ce qu’il n’a pas toujours fait, comme on peut le voir dans les exemples suivants :

Discours Exemple Correction proposée

Notre Dieu va de l’avant (§ 4, p. 92)

[…] je pourrais reprendre la phrase qu’a prononcée notre sœur Pollard, une femme noire de soixante-dix ans […]

[…] je pourrais reprendre la phrase qu’a prononcée notre sœur Pollard, une femme noire de 70 ans […]

Je vois la Terre Promise (§ 5, p. 129)

J’irais même là où vivait celui dont je porte le nom, et je verrais Martin Luther clouer ses quatre-vingt-quinze thèses sur la porte de l’église de Wittenberg.

J’irais même là où vivait celui dont je porte le nom, et je verrais Martin Luther clouer ses 95 thèses sur la porte de l’église de Wittenberg.

Si les traductions qu’a réalisées Marc Saporta sont dans l’ensemble de bonne qualité, elles ne sont néanmoins pas exemptes d’erreurs, aussi insignifiantes qu’elles puissent paraître. Nous en avons essentiellement relevé sept types : erreurs de ponctuation, fautes d’orthographe, fautes

15 Les numéros de paragraphes et de pages renvoient aux discours reproduits en annexe.

16 GREVISSE, Maurice, Le bon usage, De Boeck, Bruxelles, 2008, p. 1393.

de grammaire, erreurs de collocation, tours pléonastiques, absence de concordance des temps et tournures maladroites. Nous donnons ci-dessous des exemples de chacun des types d’erreurs et présentons une proposition de correction.

Erreurs de ponctuation

Marc Saporta semble quelque peu allergique à la ponctuation, notamment aux virgules, dont il manque un certain nombre dans les traductions étudiées, en particulier après les compléments circonstanciels, avant les conjonctions de coordination, ainsi qu’au début et à la fin des propositions relatives. Il utilise en outre un signe de ponctuation incorrect dans certaines phrases.

Discours Exemple Correction proposée

Je fais un rêve (§ 25, p. 86)

Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans des montagnes de désespoir, un caillou d’espérance.

Avec une telle foi, nous serons capables de distinguer, dans des montagnes de désespoir, un caillou d’espérance.

Notre Dieu va de l’avant (§ 27, p. 96)

Notre objectif ne doit jamais être d’infliger une défaite ou une

humiliation à l’homme blanc mais de mériter son amitié et sa

compréhension.

Notre objectif ne doit jamais être d’infliger une défaite ou une

humiliation à l’homme blanc, mais de mériter son amitié et sa maintenant, où allons-nous ? » qui constitue le sujet de notre réunion, […]

Pour répondre à la question « Et maintenant, où allons-nous ? », qui constitue le sujet de notre réunion, […] nous devons choisir en ce moment crucial de l’histoire de l’humanité.

Le choix dépend de nous et, bien que nous eussions préféré autre chose, nous devons choisir en ce moment crucial de l’histoire de l’humanité.

Fautes d’orthographe

Les fautes d’orthographe concernent pour l’essentiel des mots que Marc Saporta fait débuter par une majuscule, alors qu’ils commencent par une minuscule.

Discours Exemple Correction proposée

Je fais un rêve (§ 2, p. 83)

Je suis heureux de participer avec vous aujourd’hui à ce rassemblement qui restera dans l’Histoire comme la plus grande manifestation que notre pays ait connue en faveur de la liberté.

Je suis heureux de participer avec vous aujourd’hui à ce rassemblement qui restera dans l’histoire17 comme la plus grande manifestation que notre pays ait connue en faveur de la liberté.

Discours d’acceptation

Je ne tenterai pas de faire passer le Nord-Vietnam ou le Front national de Libération pour des parangons de vertus […]

Je ne tenterai pas de faire passer le Nord-Vietnam ou le Front national de Libération pour des parangons de vertu […]

17 « Ne prend pas de majuscule » (COLIN, Jean-Paul, Dictionnaire des difficultés du français, Le Robert, Paris, 2002, p. 285).

Je vois la Terre Promise (§ 4, p. 129)

[…] je m’enfuirais mentalement d’Égypte, par ou plutôt à travers la mer Rouge, au-delà du désert, vers la Terre Promise.

[…] je m’enfuirais mentalement d’Égypte, par ou plutôt à travers la mer Rouge, au-delà du désert, vers la Terre promise.

Fautes de grammaire

Il s’agit dans la plupart des cas d’erreurs de préposition et d’omissions de préposition ou de déterminant.

Discours Exemple Correction proposée

Discours d’acceptation du prix Nobel de la Paix (§ 17, p. 90)

J’accepte aujourd’hui ce prix avec une foi immuable en l’Amérique et une foi hardie dans l’avenir de l’humanité.

J’accepte aujourd’hui ce prix avec une foi immuable en l’Amérique et une foi hardie en l’avenir de l’humanité.

Notre Dieu va de l’avant (§ 33, p. 96)

Sois prompte, mon âme, pour Lui répondre.

[…] alors que j’étais en train d’en finir avec mes silences et mes propres trahisons afin d’exprimer les

tourments de mon cœur et demander un abandon radical […]

[…] alors que j’étais en train d’en finir avec mes silences et mes propres trahisons afin d’exprimer les tourments de mon cœur et de demander un abandon radical […]

Un temps pour rompre le silence (§ 6, p. 98)

[…] pourquoi je crois que le chemin qui part de l’église baptiste de Dexter Avenue – l’église de Montgomery, en Alabama, où j’ai entamé mon ministère […]

[…] pourquoi je crois que le chemin qui part de l’église baptiste de la Dexter Avenue – l’église de de l’injustice doit être mené par une armée biraciale.

L’assaut que nous avons lancé ensemble pour emporter les remparts de l’injustice doit être mené par une armée biraciale.

Si l’on relâche des assassins notoires après les avoir arrêtés, cela ne nous découragera pas.

Un temps pour rompre le silence (§ 8, p. 98)

Bien que l’un et l’autre puissent avoir lieu de suspecter la bonne foi des États-Unis […]

Bien que l’un et l’autre puissent avoir lieu de mettre en doute la bonne foi des États-Unis […]

Je vois la Terre Promise (§ 34, p. 138)

Si j’avais éternué, je ne me serais pas trouvé là en 1963, quand les Noirs de Birmingham, dans l’Alabama, ont soulevé la conscience de la nation […]

Si j’avais éternué, je ne me serais pas trouvé là en 1963, quand les Noirs de Birmingham, dans l’Alabama, ont réveillé la conscience de la nation […]

Tours pléonastiques qui nous couvre aujourd’hui de son ombre symbolique […]

Notre Dieu va de l’avant (§ 2, p. 92)

Chers et fidèles amis, cher Ralph Albernathy, mes éminents compatriotes américains […]

Chers et fidèles amis, cher Ralph Albernathy, mes éminents compatriotes […]

Un temps pour rompre le silence (§ 6, p. 98)

[…] pourquoi je crois que le chemin qui part de l’église baptiste de Dexter Avenue – l’église de Montgomery, en Alabama, où j’ai entamé mon ministère – mène manifestement au sanctuaire où je me trouve ici même ce soir.

[…] pourquoi je crois que le chemin qui part de l’église baptiste de [la]

Dexter Avenue – l’église de Montgomery, en Alabama, où j’ai entamé mon ministère – mène manifestement au sanctuaire où je me trouve ce soir.

Et maintenant, où allons-nous ? (§ 22, p. 124)

[…] car chaque fois que je vois cela, je sais que leur expression et leur personnalité en sont affectées et je me dis à moi-même […]

[…] car chaque fois que je vois cela, je sais que leur expression et leur personnalité en sont affectées et je me dis […] de la vérité se poseront sur l’époque merveilleuse où nous vivons, tous sauront, et les enfants apprendront que notre pays est plus beau, sa population meilleure, sa civilisation plus noble parce que ces humbles enfants du Bon Dieu avaient accepté de souffrir […]

[…] quand les projecteurs éblouissants de la vérité se poseront sur l’époque merveilleuse où nous vivons, tous sauront, et les enfants apprendront[,]

que notre pays est plus beau, sa population meilleure, sa civilisation plus noble parce que ces humbles enfants du Bon Dieu ont accepté de souffrir […]

Notre Dieu va de l’avant (§ 10, p. 93)

L’affrontement du Bien et du Mal, dans les limites étroites de la petite ville de Selma, a poussé le pouvoir à modifier le cours de la vie de toute la nation. Un président né dans le Sud avait la sensibilité voulue pour percevoir la volonté du pays […]

L’affrontement du Bien et du Mal, dans les limites étroites de la petite ville de Selma, a poussé le pouvoir à modifier le cours de la vie de toute la nation. Un président né dans le Sud a eu la sensibilité voulue pour percevoir la volonté du pays […]

Un temps pour rompre le silence (§ 20, p. 102)

[…] et nous avons été victimes, une fois encore, de la mortelle arrogance occidentale qui a empoisonné depuis si longtemps l’atmosphère

internationale.

[…] et nous avons été victimes, une fois encore, de la mortelle arrogance occidentale qui empoisonne depuis si d’éveiller le sentiment d’appartenir à la grande famille des hommes chez un peuple à qui l’on a enseigné depuis des siècles qu’il n’était rien.

Ce n’est pas une tâche aisée que d’éveiller le sentiment d’appartenir à la grande famille des hommes chez un peuple à qui l’on enseigne depuis des siècles qu’il n’est rien. est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots

« interposition » et « nullification », un jour, justement en Alabama, les petits garçons et les petites filles noirs, les petits garçons et les petites filles blancs, […]

[…] même en Alabama[,] où le racisme est vicieux, où le gouverneur a la bouche pleine des mots

« interposition » et « nullification », un jour, justement en Alabama, les petits garçons et les petites filles noirs, les petits garçons et les petites filles de race blanche, […]

Notre Dieu va de l’avant (§ 23, p. 95)

Pour nous tous, aujourd’hui, le sort de la bataille est entre nos mains.

Pour nous tous, aujourd’hui, l’issue de la bataille est entre nos mains.

Et maintenant, où allons-nous ? (§ 25, p. 125)

Quand je dis de remettre en question toute la société, cela signifie, en définitive, qu’il faut voir le problème du racisme, le problème de

l’exploitation économique et le problème de la guerre comme liés ensemble.

Quand je dis de remettre en question toute la société, cela signifie, en définitive, qu’il faut voir le problème du racisme, le problème de

l’exploitation économique et le problème de la guerre comme liés les uns aux autres.

Je vois la Terre Promise (§ 6, p. 130)

[…] et verrais un homme se colleter avec les problèmes que pose la banqueroute de son pays et crier que nous n’avons rien à craindre que la crainte.

[…] et verrais un homme se colleter avec les problèmes que pose la banqueroute de son pays et crier que seule la peur doit nous faire peur.

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