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CHAPITRE 1 ÉTAT DES CONNAISSANCES ET POSITIONNEMENT DE LA

1.2.3 Évaluation environnementale et économique combinée : application

La combinaison de l’évaluation environnementale et économique dans une optique cycle de vie s’avère pertinente puisqu’elle intègre deux des trois piliers du développement durable (Klöpffer et Ciroth, 2011). Plus particulièrement, l'évaluation environnementale et économique sur le cycle de vie permet de rehausser la pertinence et la complétude du processus de prise de décision et d’identifier clairement les relations entre les coûts encourus

et les impacts environnementaux évités, c’est-à-dire le niveau d’éco-efficience d’une décision de développement (Jolliet et al., 2010; Schmidt, 2003). Utilisée dans la phase de conception d'un produit ou service, une telle évaluation combinée permet de prévenir les impacts potentiels et le coût sur le cycle de vie qu'un système pourrait engendrer au cours de sa vie (Rebitzer, Hunkeler et Jolliet, 2003) (Figure 1.7).

Figure 1.7 Génération et prédétermination du coût et des impacts environnementaux potentiels sur le cycle de vie d'un produit ou d'un service

Tirée de Rebitzer, Hunkeler et Jolliet (2003)

Dans la littérature relative à l’évaluation de la performance de systèmes d’assainissement (collecte et/ou de traitement), quelques d’études ont combiné les évaluations environnementale et économique et certaines l'ont utilisé dans une optique de cycle de vie. Parmi les études portant sur des systèmes de traitement conventionnel, une étude a combiné l'AECV, comprenant deux indicateurs, à une évaluation économique basée sur le coût d’opération (Rodrigez-Garcia, 2011). D'autres études ciblant le système conventionnel ont combiné l'ACCV et l'AECV, dont l'AECV comportait trois indicateurs environnementaux ou moins (Munoz et al., 2008; Nogueira et al., 2007; Glick, 2013) ou encore quatre indicateurs et plus (Gagnon, 2012; Godin, Bouchard et Vanrolleghem, 2012; Larsen, Hansen et Boyer- Souchet, 2010). Pour ces dernières études, l’AECV a été réalisée en suivant les normes ISO 14040 (2006) et ISO 14044 (2006) et l’ACCV a appliqué les principes méthodologiques

ayant trait à l’ACCV environnementale telle que présentée précédemment. Une seule étude comparative des systèmes séparatif et conventionnel, divisée en une AECV et une ACCV environnementale a été recensée. Ainsi, l'AECV réalisée par Remy (2010) et l'ACCV environnementale accomplie par Oldenburg (2007), ont en commun l’unité fonctionnelle, les frontières du système, la configuration du système conventionnel et la configuration d'un SÉP-EN qui inclut un traitement des eaux grises avec un réacteur biologique séquentiel. Toutefois, les résultats de ces dernières n’ont pas fait l’objet d’une analyse intégrée autre qu’une conclusion générale attestant du potentiel des systèmes séparatifs (Peter-Frohlich et al., 2007).

AECV et ACCV comparatives de systèmes séparatifs et conventionnels 1.3

Depuis la fin des années 90, plusieurs AECV et ACCV comparant les systèmes d'assainissement séparatif (tous types confondus) et les systèmes conventionnels dans un contexte de pays industrialisés ont été recensées dans la littérature scientifique. De type prospectif, ces études ont comparé différentes configurations de systèmes d'assainissement séparatif et conventionnel implantés au sein de villes ou bâtiments hypothétiques dans des contextes européens. L'objectif de ces études consistait généralement à déterminer les principaux avantages et inconvénients respectifs des systèmes séparatifs et conventionnels en regard de plusieurs indicateurs environnementaux et, dans certains cas, de déterminer laquelle des deux approches est préférable. Bien que ces études comportent des différences méthodologiques rendant la comparaison des résultats en termes absolus non valides, celles- ci permettent de mieux cerner l’influence du choix des frontières des systèmes, de dégager certaines forces et faiblesses des systèmes séparatifs et conventionnels et de mettre en lumière les types de systèmes séparatifs ayant le plus de potentiel pour rivaliser avec le système conventionnel. Par souci d'efficacité, la revue entourant les AECV s'est limitée à celles qui ont utilisé un minimum de trois indicateurs d'impacts environnementaux (niveau intermédiaire ou dommage) ou encore celles qui, en plus de leurs résultats exhaustifs exprimés en flux d'inventaire, étaient pertinentes dans le cadre de la présente recherche.

1.3.1 AECV comparatives

Une AECV a comparé un système séparatif de l’urine et des eaux brunes avec un système conventionnel implanté au sein de deux municipalités suédoises (Tillman, Svingby et Lundström, 1998). Alors que le système conventionnel repose sur une station d'épuration composée de traitement mécanique, biologique et chimique, le système séparatif consiste à gérer indépendamment les trois fractions d'eaux usées : l'urine est stockée avant son recyclage agricole, les eaux brunes sont envoyées dans un digesteur anaérobie, avec les résidus alimentaires et les eaux grises sont traitées dans un filtre à sable. L'urine récupéré et le digestat sont épandus sur les terres agricoles. En élargissant les frontières aux fonctions secondaires des systèmes d'assainissement (production de fertilisants, biogaz et chaleur), le système séparatif peut obtenir des impacts environnementaux plus faibles que le système conventionnel au sein de la municipalité de 900 habitants, alors que les conclusions étaient plus difficiles à tirer pour la municipalité de 12 000 habitants. Dans ce dernier cas, la récupération de la chaleur des eaux usées ainsi que le niveau élevé de dénitrification, rendu possible par la taille suffisante de la station d'épuration, procurent un avantage au système conventionnel sur le plan énergétique.

De façon similaire, une AECV a comparé des systèmes séparatif et conventionnel implantés au sein de deux municipalités de taille différente (200 et 2700 personnes) (Lundin, Bengtsson et Molander, 2000). Pour la municipalité de 200 personnes, un système séparatif fondé sur une séparation à la source des eaux noires et d'un traitement par compostage liquide avec les résidus alimentaires nécessite plus de ressources matérielles et d'électricité que le système conventionnel dans la phase de construction et d'opération des systèmes. Toutefois, en considérant la substitution de fertilisants synthétiques obtenus par le recyclage agricole des eaux noires (expansion des frontières), le système séparatif des eaux noires obtient un meilleur bilan que le système conventionnel en ce qui a trait aux émissions de dioxyde de carbone et à la consommation de ressources fossiles et de phosphate minéral brut. Pour la municipalité de 2700 personnes, un système séparatif de l'urine, alors que le reste des eaux usées est traité par voie conventionnelle, obtient des performances supérieures au système conventionnel relativement à ces trois indicateurs, notamment grâce à l'expansion des

frontières. De plus, l’étude a montré que des économies d’échelle, en termes d’impacts environnementaux, sont attendues lors de la construction et l’opération d'une station de traitement de plus grande envergure.

Une première étude réalisée par Tidåker et al. (2006) avait pour objectif de comparer un système fondé sur la séparation à la source des eaux noires afin que celles-ci soient traitées par digestion anaérobie (avec les résidus alimentaires) avant leur recyclage agricole avec un système conventionnel où uniquement les boues de la station d'épuration sont recyclées sur les terres agricoles. Les deux systèmes ont été dimensionnés pour desservir une population de 8830 personnes-équivalentes. Au plan énergétique, le système séparatif des eaux noires consomme davantage de carburant fossile, mais moins d'électricité que le système conventionnel. En ce qui concerne l'eutrophisation aquatique et les changements climatiques, la performance du système séparatif est supérieure au système conventionnel, mais celle-ci est inférieure en ce qui a trait à l'acidification. Une seconde étude a porté sur les conséquences environnementales liées à la substitution de fertilisants synthétiques utilisés en agriculture par l'urine humaine (Tidåker, Mattsson et Jonsson, 2007). Avec l'unité fonctionnelle définie comme la récolte d'un kilogramme de blé d'hiver, l'étude a comparé un scénario de fertilisation conventionnel (production et transport des fertilisants, préparation du sol, épandage des fertilisants et récolte de la culture) avec un scénario où l'urine est séparée à la source, stockée pendant six mois et épandue sur les terres agricoles en remplacement de fertilisants synthétiques. Les résultats indiquent que le scénario de séparation à la source de l'urine consomme moins d'énergie primaire, engendre moins d'eutrophisation aquatique, émet moins de gaz à effet de serre, mais contribue davantage à l'acidification que le scénario de fertilisation conventionnel. De ces deux dernières études, il a été démontré que les avantages du système séparatif reposent sur un stockage étanche (eaux noires ou urine) qui limite les émissions atmosphériques d'ammoniac.

Une analyse des flux de matière réalisée par Hellstrom et al. (2008), considérée ici dans la catégorie AECV à cause de son inventaire exhaustif de la phase d'opération des systèmes, a comparé un système conventionnel comprenant le recyclage agricole des boues et l'incinération des matières organiques avec un système conventionnel visant le recyclage des

nutriments (boues et matières organiques) et deux types de systèmes séparatifs. Le premier système séparatif consiste en une séparation de l'urine, des eaux brunes et des eaux grises, alors que le second sépare uniquement les eaux noires et les eaux grises. Dans les deux cas, les eaux brunes et les eaux noires sont traitées dans un digesteur anaérobie et les eaux grises dans une station de traitement conventionnel. Le système séparatif des eaux noires comprend également un filtre à sable et un procédé d'osmose inverse qui sont dédiées à traiter et concentrer les nutriments contenus dans le digestat afin de réduire la masse à transporter pour l'épandage en agriculture. Les résultats montrent que le système conventionnel visant le recyclage des nutriments obtient le score d'impacts le plus faible relativement au potentiel d'eutrophisation, mais consomme le plus d'exergie. Le système conventionnel et le système séparatif des eaux noires affichent respectivement les scores d'impacts les moins élevés aux indicateurs acidification et changements climatiques.

Une étude accomplie par Benetto et al. (2009) a comparé un système conventionnel avec un système séparatif de l'urine et des eaux brunes pour un bâtiment situé en zone rurale dans lequel travaillent 40 personnes. Le système séparatif comprend des réservoirs de stockage pour l'urine séparée à la source et une étape de filtration et de compostage pour les eaux brunes avant leur recyclage agricole. L'étude conclut que le système séparatif engendre un score d'impacts plus grand pour les indicateurs Changements climatiques, Santé humaine et Ressources, mais un score plus faible pour la Qualité des écosystèmes. Le score d'impacts du système séparatif à ce dernier indicateur est nettement inférieur à celui obtenu par le système conventionnel en raison de la quantité plus faible de métaux, notamment l'aluminium provenant du coagulant, épandus sur les terres agricoles. L'étude rappelle également que l'écotoxicité terrestre des métaux est largement surestimée avec les modèles actuels. De plus, la distance de transport de l'urine et des eaux brunes compostées vers les terres agricoles ainsi que la méthode d'allocation des sous-produits (nutriments) sont considérées comme deux paramètres déterminant significativement la performance de ce système séparatif.

Une AECV exhaustive comparant 12 systèmes d'assainissement comprenant trois variantes de systèmes conventionnels et neuf variantes de systèmes d'assainissement séparatif a été réalisée par Remy (2010) sur la base des résultats obtenus lors du projet démonstratif

européen SCST (Peter-Frohlich et al., 2007). Les variantes de systèmes conventionnels se distinguent principalement entre celle visant un épandage agricole des boues et celles qui incluent leur incinération. Les variantes de systèmes séparatifs peuvent être classées en trois groupes selon la fraction d'eaux usées séparée et son traitement : 1) eaux noires traitées par digestion anaérobie, 2) urine (stockage) et eaux brunes traitées par digestion anaérobie, et 3) urine (stockage) et eaux brunes traitées par compostage. Incluses dans les frontières de l'étude, les matières organiques sont traitées conjointement aux eaux noires ou eaux brunes. Dans les trois groupes, les eaux grises peuvent être traitées dans un réacteur biologique séquentielle (RBS), un marais épurateur ou un réacteur biologique membranaire (RBM).

Présentant les scores d'impacts obtenus pour huit catégories (niveau intermédiaire -

midpoint), l'étude de Remy (2010) conclut qu'il n'est pas possible de déterminer quelle

approche d'assainissement ou quel type de systèmes séparatifs serait préférable aux systèmes conventionnels, puisqu'aucun système comparé n'obtient de scores d'impacts inférieurs aux autres à toutes les catégories d'impacts. Le système conventionnel recyclant les boues sur les terres agricoles affiche une performance supérieure au système conventionnel dont les boues sont incinérées relativement à la consommation d'énergie primaire et aux changements climatiques, mais subit quelques reculs au niveau de l'acidification et des impacts reliés à la toxicité humaine et l'écotoxicité. Les variantes de systèmes séparatifs des eaux noires et celles séparant l'urine et les eaux brunes montrent des bénéfices à tous les indicateurs en comparaison avec les systèmes conventionnels, sauf à l'acidification, et, pour les variantes ayant un marais épurateur pour traiter les eaux grises, un recul au niveau de l'eutrophisation. Toutefois, les variantes du système séparatif qui incluent un marais épurateur impliquent des scores d'impacts inférieurs à ceux obtenus par les variantes traitant les eaux grises avec un RBS ou un MBR au niveau de la consommation énergétique et des changements climatiques. Dans une étude subséquente, Remy et Jekel (2012) ont montré que l'inclusion des matières organiques dans les frontières de l'étude constituait un avantage au niveau énergétique pour les systèmes séparatifs incluant la digestion anaérobie des eaux noires ou eaux brunes. Cet avantage est attribuable à la production énergétique plus grande liée à l'ajout de matières organiques dans le digesteur anaérobie (biogaz) des systèmes séparatifs par rapport aux

systèmes conventionnels qui traitent les résidus alimentaires par compostage, un procédé qui consomme de l'énergie au lieu dans produire. Finalement, l'étude de Remy (2010) souligne que les variantes de systèmes séparatifs procurent un score d'impacts nettement moindre pour les catégories reliées à la toxicité humaine et l'écotoxicité par rapport aux systèmes conventionnels en raison d'une réduction des émissions de métaux sur les terres agricoles. Cette réduction s'explique par le fait que la fraction solide résultant du traitement des eaux grises (les solides restent fixés au marais épurateur ou sont incinérés), dans laquelle se trouvent la majeure partie des métaux des eaux usées, n'est pas épandue sur les terres agricoles.