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Évaluation des déformations scoliotiques lors de l’examen radiologique et clinique

CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.2 Scoliose idiopathique

2.2.2 Évaluation des déformations scoliotiques lors de l’examen radiologique et clinique

2.2.2.1 Évaluation radiologique

L’évaluation radiologique vise à confirmer la présence d’une scoliose idiopathique et contribue à évaluer le risque évolutif de la déformation du rachis (Khouri et al., 2004). Les courbures se mesurent communément selon l'angle de Cobb calculé d'après la radiographie postéro antérieure (PA) pour chaque courbure apparente du plan coronal. Il indique l’inclinaison relative des plateaux des vertèbres limites (Stokes, Aronson, Ronchetti, Labelle, & Dansereau, 1993). Plus précisément, il se mesure à la jonction des droites perpendiculaires aux prolongements du plateau supérieur de la vertèbre limite supérieure et du plateau inférieur de la vertèbre limite inférieure (Figure 2.8). Les vertèbres limites sont les vertèbres les plus inclinées par rapport à l'horizontale, délimitant ainsi la concavité de la courbure. L'erreur de mesure reconnue de l'angle de Cobb inter et intra observateur est de 5° (Morrissy, Goldsmith, Hall, Kehl, & Cowie, 1990). Ce même calcul est aussi utilisé pour caractériser les courbures physiologiques du plan sagittal (cyphose thoracique et lordose lombaire). La prise en charge médicale de la scoliose est généralement basée sur la mesure de l’angle de Cobb. En fait, une déformation du rachis est diagnostiquée comme scoliose lorsque la courbure est d'au moins 10º (Trobisch et al., 2010). La scoliose est dite légère de 10 à 25°, modérée de 25 à 45° et sévère à compter de 45º.

Angle de Cobb radiographique Angle de Ferguson Angle de Cobb analytique

Figure 2.8: Mesures de l'angle de Cobb radiographique, de l’angle de Ferguson et de l’angle de Cobb analytique (Image libre de droits, adaptée de https://commons.wikimedia.org/

w/index.php?curid=349313)

L'angle de Ferguson est une méthode alternative de calcul de la sévérité des courbures, définit par l’angle formé de l’intersection entre deux droites passant par le centre des vertèbres limites supérieure et inférieure et se croisant à la vertèbre apicale (Figure 2.8). La relation entre les deux angles s’obtient en multipliant par 1.35 l’angle de Ferguson pour obtenir l’angle de Cobb (Stokes et al., 1993). Il peut être mesuré sur les topographies de surface à partir des marqueurs anatomiques cutanés lorsqu’il n’est pas possible de prendre des radiographies.

Avec les représentations géométriques informatisées de la colonne, de nouvelles façons de calculer l’angle de Cobb sont apparues. L’angle de Cobb analytique se définit par le croisement des perpendiculaires aux tangentes des points d’inflexion de la spline passant par les centroïdes des vertèbres (Figure 2.8). Il est considéré comme analogue à l’angle de Cobb radiographique (Delorme, Labelle, Aubin, De Guise, & Dansereau, 1999).

Bien qu’on reconnaisse la simplification d’une mesure bidimensionnelle (2D) pour définir une déformation 3D (Stokes, 1994), la mesure standard étalon pour la scoliose reste l’angle de Cobb sur une radiographie du plan frontal (PA ou AP).

Pour tenir compte de la tridimensionnalité de la scoliose, le plan de déformation maximale (PDM) est défini comme étant le plan vertical passant par les vertèbres limites et la vertèbre apicale, où la déformation est la plus prononcée (Sangole et al., 2009; Stokes, 1994). Ce plan existe pour les courbures des trois segments vertébraux (cervical, thoracique, lombaire), et est représenté par un angle depuis le plan sagittal. Ainsi, pour un rachis sans scoliose, le PDM est de

0˚ car les courbures physiologiques sont toutes situées dans le plan sagittal. Les PDM des trois segments vertébraux se visualisent par une projection en vue transverse nommée représentation daVinci obtenue par reconstruction 3D issue des radiographies coronale et sagittale. En combinant les indices de l'angle de Cobb, de la cyphose, de la lordose, de la rotation axiale et de l'orientation du plan de déformation maximale, la caractérisation 3D des scolioses s'en trouve raffinée (Sangole et al., 2009).

Finalement, les radiographies servent aussi à mesurer la rotation des vertèbres, la cunéiformisation des corps vertébraux en vue coronale et l’état des disques intervertébraux. L'âge osseux est déterminé sur les radiographies généralement selon le critère de Risser qui décrit l’ossification des crêtes iliaques. Sur la radiographie du bassin, l’indice augmente de zéro à cinq plus l’ossification progresse et annonce ainsi l’approche de la fin de la croissance osseuse (Khouri et al., 2004). L’ossification des os du carpe est une méthode complémentaire pour établir l’âge osseux.

2.2.2.2 Évaluation clinique

L’examen clinique complémente l’évaluation radiologique. La discussion avec le patient et ses parents permet d’établir la présence d’antécédents familiaux, de douleur, et l’impact de la scoliose sur le vécu psychologique et social de l’enfant ou de l’adolescent. L’évaluation du patient s’initie par l’observation visuelle de la posture du tronc en position debout statique des vues antérieure, latérale et postérieure pour documenter les asymétries posturales. Le dépistage de la scoliose se fait par l’observation des signes cliniques tels la protubérance d’une omoplate, l’inégalité de hauteur des épaules ou l’asymétrie des crêtes iliaques. Le dépistage est objectivé par la mesure de la gibbosité (≥ 5º au scoliomètre) (Coelho, Bonagamba, & Oliveira, 2013) et la mesure du déjettement du tronc (Grunstein et al., 2013). La gibbosité est mesurée par le test d’Adams. Alors que le sujet effectue une flexion avant pour aller toucher ses orteils avec le bout de ses doigts, le scoliomètre centré sur la colonne à la dénivellation maximale fournit en degré la rotation des vertèbres. En vue PA le déjettement est la déviation latérale de la vertèbre T1 par rapport à la ligne verticale centrale sacrée (LVCS) et elle s’évalue en millimètres (mm) avec le fil à plomb, une simple corde munie d’un poids tenue verticalement à partir de C7 dans le dos. En vue latérale le fil à plomb facilite l’examen visuel des courbes sagittales.

L’évaluation de la flexibilité du rachis informe sur le potentiel de réductibilité de la courbure pour un traitement par corset ou par chirurgie (Moulin, 2014). Plusieurs techniques existent, dont le test d’inflexion latérale maximale volontaire et le test de suspension. Lors du test d'inflexion (side-bending test), les radiographies PA sont prises en inflexion latérale gauche et droite (Cheh et al., 2007). Pour le second test, la radiographie est acquise en suspension, où le patient est suspendu verticalement vers le haut sous les bras ou par la tête par un harnais (harnais de Sayre) et est soulevé au 2/3 de sa masse corporelle, ce qui permet d’exercer une force de traction axiale sur la colonne. Ainsi suspendu, on peut observer si la colonne est rigide ou flexible (Lamarre et al., 2009).

Le risque évolutif de la déformation est relié à la maturité squelettique et la maturité pubertaire, qui sont suivis de près. En plus de l’âge osseux par le critère de Risser, on observe également l’évolution des caractères sexuels externes et la courbe de croissance. Chez les filles la ménarche est surveillée puisqu’elle annonce la fin de la puberté et environ un an ou deux de croissance à venir (Trobisch et al., 2010).

2.2.2.3 Traitements

De toutes les scolioses diagnostiquées (2-3 % de la population générale), l’incidence de traitement est d’environ 0.26 % (Montgomery & Willner, 1997). La méthode de traitement prescrite dépend de la sévérité de la déformation. L'observation à intervalle régulier est préconisée pour les scolioses légères (10˚ – 25˚) et le corset est généralement prescrit aux scolioses modérées (25˚ - 45˚). Pour les courbures légères à modérées, les exercices spécifiques à la scoliose de physiothérapie (ESSP) se présentent comme une alternative ou un complément au traitement régulier. L’observation, l’orthèse et les ESSP sont dits traitements conservateurs. Si la déformation est sévère (> 45˚), un traitement chirurgical est envisagé pour redresser la colonne (Scoliosis Research Society, 2017). Au-delà du seuil chiffré de l’angle de Cobb, la prise en charge est individualisée, et doit considérer le risque de progression de la courbure, la maturité squelettique et sexuelle et l’âge du patient (Negrini, Stefano et al., 2012).

2.2.3 Biomécanique de progression

Le principe mécanique de modulation de croissance de Hueter-Volkmann contribue à la progression de la scoliose idiopathique (Machida, 1999; Stokes, Spence, Aronsson, & Kilmer,

1996). De par la déformation présente dans le rachis, il se crée une asymétrie de compression des plaques de croissance situées de part et d'autre des corps vertébraux. Cette asymétrie de chargement, maximale aux zones apicales, compresse davantage la plaque de croissance dans la concavité de la courbure alors que la région convexe se trouve déchargée ou sous-chargée par rapport au chargement dans un rachis normal (Figure 2.9). La pression accrue du côté concave ralentit la croissance par rapport à la convexité, entraînant progressivement une cunéiformisation des vertèbres. Il en résulte un cycle perpétuel d'asymétrie de chargement et donc d'accentuation de la progression de la courbure. L’effet de cunéiformisation se propage également au disque intervertébral (Xiong, Sevastik, Hedlund, & Sevastik, 1994).

Figure 2.9 : Cercle vicieux d’asymétrie de croissance des vertèbres décrit par Hueter-Volkmann (© S. D. Étudiante, 2017)