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4. Application de la stratégie pour diminuer les risques d’interactions

5.3 Études sur deux composés Roche et leur activité comme

Dans ce travail de thèse, on a étudié le métabolisme de deux molécules Roche, des inhibiteurs des récepteurs A2a de l’adénosine, qui présentent un cycle furane non substitué dans leur

structure chimique.

En considération des observations suivantes :

les principales responsables du métabolisme du furane sont les cytochromes P450 et ce cycle est une des sous-structures les plus souvent indiquées comme responsables de l’inhibition suicide ;

le fait qu’un composé provoque l’inhibition dépendante du temps (TDI) sur une isoforme de cytochrome P450 ne prouve pas que ce composé est effectivement un inhibiteur suicide, car la dépendance du temps est seulement une des caractéristiques typiques des inhibiteurs suicides.

C’est pourquoi nous avons effectué une série d’expériences pour démontrer que les deux composés Roche sont des inhibiteurs suicides des cytochromes P450.

Les premiers tests de fluorescence sur l’inhibition de cinq isoformes des cytochromes P450 montrent que les deux composés ont une activité comme inhibiteurs dépendants du temps uniquement sur le CYP3A4, et un des deux molécules (RO0674274) est aussi un inhibiteur réversible et de puissance modérée (IC50 = 2.60 µM) de cette isoforme. Les expériences

ultérieures effectuées avec les deux composés sur le CYP3A4, montrent qu’ils sont bien des inhibiteurs suicides de cette isoforme, car ils satisfont les réquisits fondamentaux des inhibiteurs suicides (« mechanism-based » inhibitors) (Silvermann, 1995) :

✩ l’inhibition du CYP3A4 dépend du temps, et les valeurs des constantes de la réaction

d’inactivation montrent que les deux composés ont une efficacité d’inhibition modérée ;

✩ l’inhibition dépend de la présence du système régénérateur de NADPH dans le mélange

d’incubation ;

✩ la présence de GSH (un agent piégeant, qui contient un atome de soufre nucléophile)

dans le mélange d’incubation n’évite pas l’inhibition suicide du CYP3A4 ;

✩ la présence d’un inhibiteur et substrat avec une bonne affinité pour le CYP3A4, le

kétoconazole, protège cette isoforme de cytochrome P450 de l’inhibition suicide ;

✩ on observe la formation d’une liaison stable (non réversible après nombreux rinçages

en fonction du temps ; la quantité de métabolites liés au CYP3A4 est mesurée par comptage de la radioactivité liée (composés marqués avec le 14C) ;

✩ la stœchiométrie de liaison entre CYP3A4 et les métabolites des inhibiteurs, quand

l’activité enzymatique est complètement inactivée, est environ de 1 : 1, en présence d’un agent piégeant (GSH) dans le mélange d’incubation ;

✩ la structure des métabolites (caractérisés par analyse LC-MS/MS) confirme que la

métabolisation de ces composés peut se faire par oxydation enzymatique du furane, qui peut conduire à la formation des intermédiaires réactifs, responsables de l’inactivation du CYP3A4. En présence de GSH, des résultats préliminaires montrent qu’un adduit du GSH sur le noyau furane est piégé pour chaque dérivé.

La plupart des molécules qui contiennent un cycle furane sont hépatotoxiques chez les animaux de laboratoire et chez l’homme. Le furane lui-même a une toxicité hépatique et est mutagène chez le rat (Sirica, 1996). La toxicité des furanes et leurs dérivées est une conséquence de l’activation métabolique catalysée par les cytochromes P450 (Peterson, 2000). La principale voie de biotransformation du furane comprend la scission de l’hétérocycle en dérivé dicarbonylique α,β-insaturé (Ravindranath, 1984 ; Parmar, 1993 ; Chen, 1995 ; Baer, 2005 ; Peterson, 2005). Ce métabolite est très réactif et il est capable d’attaquer l’ADN et les protéines et de former une liaison covalente, avec conséquente toxicité aigue ou cancérogenèse. L’ouverture oxydative du cycle du furane et la liaison irréversible aux protéines des dérivés γ-cétoenales résultantes, ont été démontrées par des études métaboliques sur plusieurs molécules qui contiennent un furane. Par exemple, des études sur le composé L-739,010 – un inhibiteur de la 5-lipoxygénase – et sur le composé L-754,394 – un médicament anti-HIV – ont démontrée la formation d’adduits covalents, en suite à l’incubation de ces molécules avec microsomes humains, en présence de NADPH (Zhang, 1996 ; Sahali-Sahly, 1996).

Des autres produits possibles de la métabolisation du cycle furane, reportés dans la littérature, sont les dérivés de l’acide γ-cétobutyrique. Les produits du métabolisme du methoxsalen (8- methoxy-psoralen) (Kolis, 1979), qui est un inhibiteur suicide des cytochromes P450 (CYP2A6 du foie humain – Kœnigs, 1997), sont des dérivés de l’acide γ-cétobutyrique. Un autre exemple de molécule ayant un cycle furane et dont le métabolite principal est un γ-cétobutyrique instable, est le furfenorex (Inoue, 1986) ; le métabolisme de ce composé a été étudié in vivo chez le rat et in vitro, par incubation avec les microsomes de foie de rat.

Discussion

Le mécanisme proposé pour la biotransformation du cycle furane dans un métabolite ouvert, est illustré en figure 5.1. Les métabolites résultants de cette biotransformation peuvent être soit des acides γ-cétocarboxyliques (voie A), soit des α,β-dicarbonyles insaturés (voie B).

Dans les deux cas, la réaction catalytique est initiée par formation du 2,3-époxyde du furane ; cet époxyde se réarrange directement en hydroxyfurane, qui existe principalement sous forme de la tautomère lactone. L’hydrolyse de la lactone produit l’acide γ-cétocarboxylique (figure 5.1 ; voie A) (Kolis, 1979). Alternativement, l’ouverture de l’époxyde du furane peut conduire à la formation d’un γ-cétoenal (figure 5.1 ; voie B) (Khojasteh-Bakht, 1999).

Les études de métabolisation et d’identification des produits des deux composés Roche analysés dans cette thèse, donnent des résultats similaires à ceux reportés dans la littérature et peuvent amener à des conclusions analogues. En fait, parmi les produits du métabolisme des deux composés ayant un cycle furane, on retrouve des produits dont le poids moléculaire [M + H2O2]

correspond soit à des 4,5-dihydro-4,5-dihydroxy-furanes soit à des dérivées substituées de l’acide γ-cétobutyrique isomères (figures 4.14 et 4.20 – Section 4.3). En présence de GSH, on piége des adduits de masse [M + O + GSH – 2·H2O] analogues aux adduits décrits dans la

littérature (figure 5.2) (Dalvie, 2002 ; Peterson, 2005).

La structure exacte et certaine de ces intermédiaires réactifs n’a pas été déterminée par analyse RMN, à cause de problèmes expérimentaux. Pourtant, l’analyse effectuée pas LC-MS/MS offre des résultats qui permettent de formuler des hypothèses sur la structure des métabolites réactifs et sur le mécanisme de la réaction d’inhibition suicide.

Les composés Roche analysés dans cette thèse ont la capacité de provoquer l’inhibition suicide du CYP3A4 et on a des évidences expérimentales pour soutenir que un des produits principaux de leur métabolisation par le CYP3A4 même, est probablement un dérivé de l’acide γ- cétobutyrique. De même, en présence de glutathion des adduits pyrroliques dérivant du cycle furane sont formés.

Donc on pourrait déduire que les composés Roche sont biotransformés dans des intérmediaires réactifs en suivant une voie métabolique similaire à celle décrite en littérature pour les cycles furanes (Kolis, 1979 ; Khojasteh-Bakht, 1999 ; Dalvie, 2002 ; Peterson, 2005).

Figure 5.1 : Schéma générale des voies métaboliques du furane via formation d’un époxyde par action des

cytochromes P450. La voie A conduit à la formation d’un acide γ-cétobutirique ; la voie B a comme produit final une γ-cétoenale (Schéma adapté de Dalvie, 2002).

Figure 5.2 : Schéma du métabolisme du cycle furane en cis-2-butene-1,4-dial, ce produit réagit avec le GSH

pour former des mono- et bis- adduits au glutathion (Peterson, 2005).

O O O O O SG O OH GS N SG N H O N H O SH O O H O OH N N H O N H O SH O O H O OH SG N S NH O O O H N H O OH O N NH O O O H N H O OH O S P450 GSH

+

GSH Intramolecular reaction

bis-GSH reaction products

mono-GSH reaction products

O O O O O H H O OH O O O O H H O O H O O OH P450 A B + + H2O

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