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sur la spéciation en phase organique

3. Étude de la spéciation par FTIR

La première technique d’étude de la spéciation du ruthénium en phase organique est la spectroscopie infrarouge qui permet, comme décrit dans le chapitre 2, d’obtenir des informations sur les ligands présents autour du ruthénium par analyse des bandes de vibration qui sont autant d’empreintes caractéristiques des groupements chimiques. Les spectres infrarouges sont uniquement enregistrés pour les phases organiques à cause de la sensibilité à l’acide du cristal de l’ATR, mais également à cause du signal prépondérant des molécules d’eau en phase aqueuse, qui masque les bandes de vibration d’intérêt.

Chapitre 3 : Influence de la concentration en HNO3 et en ions nitrates

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3.1. Identification des principaux signaux FTIR

La Figure 47 présente les spectres infrarouges, enregistrés entre 700 et 2000 cm-1, de phases

organiques chargées avec des concentrations croissantes de ruthénium (de 0 à 0,060 M pour la concentration finale en phase organique) à partir de solutions aqueuses à 4 M en HNO3.

Les bandes à 1648, 1305, 920, 770 et 690 cm-1 sont attribuées à l’acide nitrique extrait par le

TBP, sous forme de solvates HNO3.TBP.40a Ces bandes correspondent respectivement aux vibrations

d’élongation νas(O=N=O) asymétrique et νs(O=N=O) symétrique, d’élongation ν(N-OH), et aux vibrations

de déformations ω(O=N=O) hors et ρ(O=N=O) dans le plan. Ces bandes sont caractéristiques des ions nitrates liés à l’hydrogène et sont facilement distinguables des bandes des nitrates liés à un cation métallique.40a, 60 L’intensité élevée de ces bandes prouve la présence en quantités importantes des

solvates HNO3.TBP en phase organique.

Les vibrations d’élongation νas(O=N=O) à 1530 cm-1 et νs(O=N=O) à 1265 cm-1 et la vibration

d’élongation ν(N-O) à 960 cm-1 sont généralement attribuées aux ligands nitrates43, 45, 60-61. L’intensité

de ces 3 bandes de vibration augmente avec la concentration en ruthénium en phase organique. Ainsi ces bandes de vibrations peuvent être associées aux nitrates NO3 coordonnés au ruthénium.

Figure 47 – Spectres FTIR des phases organiques TBP/TPH 30% comprenant des concentrations croissantes en ruthénium (0 – 0,005 – 0,027 and 0,060 M respectivement de haut en bas). Extraction

réalisée à partir de solutions dans l’acide nitrique 4 M.

Les bandes de vibrations identifiées à 1464, 1381, 1235, 1153, 1126, 908 et 733 cm-1 sont

associées au TBP.62 La vibration d’élongation du groupement phosphoryle ν(P=O) est particulièrement

intéressante car celle-ci est généralement située entre 1300 et 1200 cm-1, et peut être déplacée aux

alentours de 1180 cm-1 dans le cas d’une liaison directe entre la fonction P=O du TBP et un cation

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composé cristallin (synthétisé lors de travaux précédents36) comprenant une molécule de TBP dans la

première sphère de coordination du ruthénium, présente une bande de vibration du phosphoryle à 1183 cm-1. L’absence de cette bande sur les spectres enregistrés même pour les phases organiques les plus

chargées en ruthénium (pq:r;hi ·ptuv ≈ 0,6) , est une indication de l’absence de liaison covalente entre le ruthénium et le TBP, et donc l’absence de TBP en première sphère du ruthénium.

Les bandes de vibration de cette fonction ν(P=O) sont finalement observées à 1280, 1265 et 1210 cm-1. Selon Ferraro40a, 60 et Schultz,62 ces trois bandes sont respectivement associées à la vibration

d’élongation ν(P=O) lorsque le TBP est libre, lié à de l’eau ou encore lié à de l’acide nitrique (pour les solvates HNO3.TBP cités précédemment). La seconde bande de vibration ν(P=O) à 1265 cm-1, est

superposée avec la vibration d’élongation symétrique νs(O=N=O) des ligands nitrates liés au ruthénium

et donc l’interprétation des variations du spectre infrarouge dans cette zone est difficile. Une augmentation de l’intensité de cette bande de vibration ν(P=O) à 1235 cm-1 avec la concentration en

Ru dans la phase organique pourrait conforter l’hypothèse d’une liaison entre les molécules d’eau (liées au Ru), et les molécules de TBP. Mais l’intensité de la bande de vibration νs(O=N=O) est également

liée à l’augmentation du nombre de ligands nitrates liés au ruthénium. Les deux effets ne peuvent donc pas être directement décorrélés même si l’hypothèse d’une liaison hydrogène entre les molécules d’eau liées au ruthénium et le TBP permettrait d’expliquer l’extraction des complexes de ruthénium par le TBP.

Finalement la bande de vibration aux alentours de 1900 cm-1 est attribuée la vibration d’élongation

du ligand nitrosyle ν(NO) que nous utiliserons par la suite pour identifier la nature du ligand en position

trans du nitrosyle.

3.2. Influence de la concentration en acide nitrique dans la

solution initiale

Les spectres infrarouges des phases organiques chargées avec des concentrations croissantes de ruthénium (de 0 à 0,083 M pour la concentration finale en phase organique) à partir de solutions aqueuses à 1 M en HNO3 ont également été enregistrés entre 600 et 2000 cm-1. Ils sont présentés sur

la Figure 48.

Des bandes identiques à celles observées pour une concentration en acide nitrique initiale plus élevée, sont présentes. Cependant des variations dans l’intensité relative et la position de certaines bandes sont visibles, et nous indiquent des différences de spéciation dans les deux systèmes.

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Figure 48 – Spectres FTIR des phases organiques TBP/TPH 30% comprenant des concentrations croissantes en ruthénium (0 – 0,010 – 0,052 and 0,083 M respectivement de haut en bas). Extraction

réalisée à partir de solutions dans l’acide nitrique 1 M.

Les premières bandes dont l’intensité diminue avec la concentration en HNO3 dans la phase

aqueuse initiale, sont logiquement celles associées aux solvates HNO3.TBP à 1648, 1305, 1210, 920,

770 et 690 cm-1. Pour plus de clarté, une comparaison entre les systèmes à 1 M et à 4 M en acide

nitrique est présentée sur la Figure 49. La concentration en HNO3 en phase organique est de l’ordre de

0,82 M pour cHNO3aq = 4 M et 0,22 M pour cHNO3aq = 1 M (Tableau 20), ce qui permet d’expliquer les

différences d’intensité pour les signaux associés aux solvates HNO3.TBP. L’augmentation de l’intensité

de la bande de vibration à 1648 cm-1 avec la concentration en acide nitrique extrait en phase organique

nous permet d’affirmer que cette bande est principalement associée à la bande d’élongation asymétrique νas(NO2) au sein de l’acide nitrique et non à la bande de déformation des molécules d’eau.

Afin de s’assurer de l’absence de cette bande de déformation, des spectres FTIR du solvant TBP/TPH 30% contacté avec de l’eau et avec de l’acide en absence de ruthénium ont été enregistrés et sont présentés en Annexe 8.

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Figure 49 – Spectres FTIR des phases organiques TBP/TPH 30% après extractions du ruthénium de solutions dans HNO3 à 4 M (en rouge) avec CRuorga = 0,060 M et à partir de solutions dans HNO3 à 1 M (en

bleu) avec CRu

orga = 0,083 M.

Par ailleurs, les bandes de vibration associées aux ligands nitrates liés au ruthénium à 1530, 1265 et 960 cm-1 sont plus intenses pour cHNO3aq 4 M que pour cHNO3aq 1 M. Il est possible de modéliser ces

bandes de vibration en infrarouge par des pseudo-fonctions de Voigt63 qui sont des combinaisons

linéaires de fonctions gaussiennes et lorentziennes. Les spectres ainsi reproduits sont présentés en Annexe 9. Cette méthode permet de calculer l’aire des bandes de vibration d’élongation asymétriques νas(NO2) des nitrates à 1530 cm-1 (Figure 50) pour HNO3 1 et 4 M en fonction de la concentration en

ruthénium, et de comparer le nombre de ligands nitrates liés dans les deux systèmes d’extraction. Dans les deux cas, on obtient une fonction linéaire, ce qui signifie que l’aire des bandes de vibration est directement proportionnelle à la concentration en Ru. L’absence de données sur des composés de référence dont le nombre de ligands nitrates est connu restreint l’interprétation à une évolution relative du nombre de ligands NO3 car il n’est pas possible de normaliser les aires des bandes de vibration. On

remarque néanmoins que la pente de la droite obtenue à 4 M est plus importante que celle de la droite à 1 M. Ce qui permet d’affirmer que, dans les phases organiques équilibrées avec des solutions aqueuses à 4 M en HNO3, les complexes de ruthénium contiennent plus de ligands nitrates que les

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Figure 50 – Aires des bandes de vibration νas(NO2) des nitrates coordonnés au ruthénium (1530 cm-1) en

fonction de la concentration en Ru dans la phase organique, pour des extractions à partir de solutions à 4 M (en rouge) et 1 M (en bleu) en HNO3.

L’analyse de la position de la bande de vibration d’élongation du ligand nitrosyle ν(NO) peut nous renseigner sur la nature du ligand en position trans comme évoqué au chapitre 2 avec l’étude des composés de référence. Pour les phases organiques équilibrées avec des solutions aqueuses à 4 M en HNO3, la bande d’élongation ν(NO) est fine et est observée à 1930 cm-1. Tandis que pour les phases

organiques équilibrées avec des solutions aqueuses à 1 M en HNO3, cette bande est beaucoup plus

large et est déplacée vers les plus basses fréquences, entre 1910 et 1850 cm-1. Ainsi la position de la

bande ν(NO) à de faibles nombres d’onde pour HNO3 1 M, nous indique que le ligand en position axiale

a un fort potentiel électrodonneur, et dans le cas des solutions de ruthénium dans l’acide nitrique, un ligand hydroxyde est le ligand le plus probable pour occuper cette position axiale. Quant aux phases organiques équilibrées avec HNO3 4 M, la bande de vibration ν(NO) observée à 1900 cm-1, nous indique

que le ligand majeur en position axiale est un groupement moins électrodonneur, et donc probablement une molécule d’eau (la bande de vibration ν(NO) est observée à 1932 cm-1 pour le composé de