Figure 6 . Expérience de Snow (1937)
V. L’étude de la perception et de la transduction des strigolactones inspirée d’autres hormones
V. A. Identification de mutants insensibles aux strigolactones
L’approche « mutants » qui a permis de dévoiler la nature du signal inhibiteur de la ramification et quelques‐uns des gènes codant des enzymes de la voie de biosynthèse des strigolactones, a permis également de mettre en évidence des mutants incapables de percevoir ou de répondre aux strigolactones. Jusqu’à présent seulement 2 gènes ont été identifiés pour leur implication dans la perception des strigolactones MAX2/RMS4 et D14 (Beveridge and Kyozuka, 2010)(Figure 12).
MAX2 code pour une protéine à boite F (F‐Box Protein), (Stirnberg et al., 2002) une
famille de protéines qui compte plus de 700 membres chez Arabidopsis (Xu et al., 2009), ce qui suggère un mode de perception des strigolactones qui implique un complexe SCF et la voie de dégradation des protéines via le protéasome (Stirnberg et al., 2007). (Voir fonctionnement du complexe SCF dans le paragraphe V.C.). Le fait que le mutant max2 soit insensible au GR24 et que la protéine MAX2 appartienne à la même famille que TIR1, le récepteur de l’auxine, fait de cette protéine un très bon candidat pour être le récepteur des strigolactones mais aucune étude ne l’a encore prouvé.
L’autre gène impliqué dans la réponse aux strigolactones a été mis en évidence, avec l’identification chez le riz du mutant d14 (ou encore d88 ou htd2) (Arite et al., 2009; Gao et al., 2009; Liu et al., 2009). Le gène code un membre de la super famille des α/β hydrolases. Le mutant d14 présente un phénotype hyperbranché et est insensible aux strigolactones comme d3, ce qui place D14 en aval de la biosynthèse des strigolactones (Arite et al., 2009) . Deux hypothèses ont été proposées quant à la fonction de la protéine D14. La ressemblance entre D14 et GID1, récepteur des gibbérellines (Ueguchi‐Tanaka et al., 2005), appartenant toutes 2 à la superfamille des α/β hydrolases suggèrent que D14 pourrait lier les strigolactones et serait le récepteur de cette hormone. Cependant, D14 pourrait également activer les strigolactones en un composé biologiquement actif, de la même manière que SAPB2, une enzyme également de la super famille des α/β hydrolases et qui active l’acide salicylique en un signal actif (Kumar and Klessig, 2003; Forouhar et al., 2005).
D14 et MAX2 apparaissent donc être les meilleurs candidats pour être le récepteur des strigolactones.
74 Figure 35. Structure chimique de 2 karrikines actives en comparaison avec la strigolactone synthétique GR24. (Waters et al., 2012)
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V. B. MAX2 une protéine intégrant la perception de nombreux mécanismes/une
protéine à multiples fonctions.
V. B. 1. MAX2 est impliquée dans la sénescence foliaire et la photomorphogénèse
Le gène MAX2 a non seulement été caractérisé pour son implication dans la perception des strigolactones permettant le contrôle de la ramification des plantes (Stirnberg et al., 2007) mais des mutants max2 d’Arabidopsis ont également été identifiés dans 2 autres cribles génétiques indépendants : un crible de mutants de senescence foliaire (mutant ore9) (Woo et al., 2001) et un crible de réponse à la lumière rouge (Shen et al., 2007). Les mutants oresara9 (ore9) présentent une senescence foliaire plus tardive que le type sauvage, ce qui suggère qu’ORE9/MAX2 est impliqué dans le programme de senescence.
Un autre crible a permis d’identifier des mutants pps (pleiotropic photosignaling), hyposensibles à la lumière rouge et mutés dans le gène MAX2. MAX2 serait donc un régulateur positif de la photomorphogénèse des plantules d’Arabidopsis, et plus particulièrement de la déétiolation des plantules (Shen et al., 2007). Plus de précisions ont été apportées récemment sur l’implication de MAX2 dans l’allongement des hypocotyles : en effet MAX2 serait l’intégrateur de plusieurs signaux hormonaux. MAX2 régulerait la biosynthèse des gibbérellines et de l’acide abscissique et contrôlerait la germination des graines en réponse aux signaux lumineux et ceci indépendamment des strigolactones (Shen et al., 2012). La protéine MAX2 pourrait donc réguler divers paramètres physiologiques de la plante, ce qui suggère qu’il existe une diversité des cibles interagissant avec cette protéine à boîte F, expliquant les phénotypes pléiotropes des mutants max2.
V. B. 2. MAX2 est impliquée dans la perception des karrikines
Une autre étude montre que MAX2 n’est pas spécifique des strigolactones, et que MAX2 est également impliquée dans la perception des karrikines (Nelson et al., 2011). Les karrikines sont des molécules produites lors de feux de forêts et qui stimulent la germination des graines dormantes dans le sol. La production de fumées contenant ces composés permet ainsi de faire germer très rapidement les graines suite à un incendie et ainsi de renouveler le couvert végétal immédiatement (Flematti et al., 2004). Les karrikines sont une petite famille de molécules dont la karrikinolide KAR1 fait partie mais de nouveaux composés ont été identifiés, qui présentent une partie commune avec la structure des
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77 strigolactones puisqu’elles partagent en commun le cycle D (Figure 35). Ces molécules agissent à des concentrations de l’ordre de 1 nM. C’est, de nouveau, un crible indépendant des précédents visant à trouver des mutants insensibles aux karrikines qui a permis de montrer que MAX2 intervenait dans la perception de ces molécules. Ces mutants, présentant un phénotype hyperbranché et une élongation de l’hypocotyle par rapport au type sauvage, se sont avérés alléliques de max2 (Nelson et al., 2011).
V. C. La perception des hormones végétales faisant intervenir le protéasome
La compréhension du mode de perception des autres hormones végétales peut être utile à la compréhension du mode de perception des strigolactones et permet de proposer des mécanismes de perception hypothétiques. Ainsi les mécanismes de perception des gibbérellines, de l’auxine et du jasmonate impliquent chacun une protéine à boite F et un complexe SCF. Le mécanisme de perception des gibbérellines a la particularité de faire intervenir une protéine de la famille des alpha/beta hydrolase, tout comme les strigolactones.
V.C.1. Le modèle gibbérellique
Les gibbérellines sont les hormones responsables de la régulation de la taille des plantes mais de nombreuses autres fonctions ont été attribuées à cette famille d’hormones : germination des graines, maturation des fruits etc.…Les mécanismes de biosynthèse des gibbérellines sont très bien connus (Sun, 2008) et il en est de même pour le mécanisme de perception de cette hormone. En effet, différentes approches « mutants » successives ont permis de mettre en exergue différents acteurs de la signalisation gibbérellique : parmi les mutants nains insensibles aux GAs, les mutants récessifs permettent d’identifier les régulateurs positifs et les mutants dominant aident à identifier des régulateurs négatifs de la voie de signalisation des GAs (Hartweck, 2008).
GID1 le récepteur des gibbérellines.
Le récepteur des gibbérellines a été identifié par l’étude du mutant de riz gid1 insensible aux gibbérellines. Des expériences in vitro montrèrent que les gibbérellines étaient capables de se lier aux protéines GID1 de riz et d’Arabidopsis (Ueguchi‐Tanaka et al., 2005; Nakajima et al., 2006). Cette protéine appartenant à la superfamille des alpha/beta hydrolases a été caractérisée comme le récepteur soluble des GAs (les caractéristiques de cette protéine seront détaillées dans le chapitre II, étant donné que D14 appartient à cette famille d’enzymes).
78 Figure 36. Modèle d’action de la voie d’ubiquitination et dégradation des protéines via le complexe SCF. Le complexe SCF est composé des protéines CUL1, RBX1, ASK1, et F‐box et permet la polyubiquitination d'une protéine substrat cible. La protéine à boîte F sert de lien entre le complexe Culin et la protéine cible, qui est poly ubiquitinée et adressée au protéasome 26S (Somers and Fujiwara, 2009). Figure 37. Structure des protéines GID1, SLY1 et DELLA.
GID1 : Les domaines conservés HSL sont présentés en bleu. GID1 contient 2 des 3 résidus (en rouge) requis pour l’activité catalytique HSL. Pour GID1 le résidu H est remplacé par un V ou I.
SLY1: la spécificité du substrat est probablement due aux motifs GGF et LSL en C term, qui sont conservés chez SLY1 et GID2
DELLAs: DELLA et VHYNP, sont 2 domaines très conservés chez les protéines DELLAs, requis pour la liaison avec le récepteur GID1 et pour la dégradation induite par les gibbérellines. Poly S/T, les multiples résidus Ser/Thr residues; LHR, Leu heptad repeat; NLS, nuclear localization signal. Le domaine C‐terminal GRAS est le domaine fonctionnel de la protéine qui contient un site de liaison à la protéine SLY1 (Sun, 2008).
79 SLEEPY1/GID2 : protéine à boîte F
Les mutants sly1 et gid2, identifiés respectivement chez Arabidopsis et chez le riz sont insensibles aux gibbérellines et mutés dans les homologues d’un gène codant pour une protéine à boîte F. SLY/GID2 est un élément du complexe SCFSLY qui a pour fonction de cibler les protéines devant être dégradées par le protéasome en les marquant par une chaîne de poly‐ubiquitine. Cette ubiquitination se fait par l’action successive de l’enzyme E1 (Ubiquitin activating enzyme) qui lie une molécule d’ubiquitine et ainsi l’active. Cette molécule est ensuite transférée à l’enzyme E2 (Ubiquitin conjugating enzyme) et enfin la molécule d’ubiquitine est fixée de façon covalente à la protéine ciblée pour être dégradée par le complexe enzymatique E3 (Ubiquitin protein ligase). C’est l’action de cette dernière enzyme qui assure la spécificité de la cible. Le complexe SCF ou ubiquitine ligase E3 est composé de 4 sous unités : une unité CULLIN/Cdc53, une unité Skp1/ASK1, une unité RBX1/ROC/Hrt1 et la protéine à boîte F GID2, qui donne son nom au complexe : SCFGID (Somers and Fujiwara, 2009)(Figure 36 et 37).
Les répresseurs DELLA
Les protéines DELLA sont les régulateurs négatifs de la réponse aux gibbérellines. Les protéines DELLA appartiennent à la famille de protéines régulatrices de type GRAS. Les premiers mutants furent identifiés chez Arabidopsis : il s’agit des mutants rga et gai. Ces protéines possèdent donc un domaine GRAS en C terminal et un domaine DELLA en N terminal. Chez Arabidopsis, 5 gènes codent pour des protéines DELLA [RGA, GAI, RGA‐Like1 (RGL1), RGL2 and RGL3]. Chacune d’elles joue un rôle distinct dans la réponse aux gibbérellines et a donc une implication dans différents processus développementaux (Sun, 2008) (Figure 37).
Les GA induisent la dégradation des protéines DELLA par protéolyse.
La liaison des gibbérellines à GID1 induit un changement de forme de la protéine qui permet la liaison à la protéine DELLA. La liaison se fait entre la partie N‐terminale de GID1 et le domaine DELLA. Puis de façon encore inconnue, cet hétérodimère se lie à la protéine SLY/GID2 du complexe SCFSLY/GID2 ce qui entraîne la dégradation des protéines DELLA ubiquitinées, via le protéasome. Cette dégradation libère des facteurs de transcription comme les protéines PIF3 et PIF4 (Phytochrome Interacting Factor) ce qui active la transcription des gènes cibles. PIF4 et PIF3 sont des membres de la famille des protéines hélices‐boucles‐hélices qui ont un domaine de liaison à l’ADN (Sun, 2008)(Figure 38). La
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Figure 38. Schéma de la signalisation des gibbérellines
Lors d’une augmentation de la quantité de gibbérellines, l’hormone se lie au récepteur GID1 ce qui provoque la formation du complexe GID1–DELLA. Cette interaction provoque l’interaction entre le domaine C‐terminal de la protéine DELLA et le complexe SCFSLY1/GID2 conduisant à la dégradation de la protéine DELLA. Cette dégradation libère les protéines PIFs permettant leur liaison aux promoteurs des gènes de réponses aux gibbérellines (Santner and Estelle, 2009).
81 dégradation des protéines DELLA régule donc l’activité de ces facteurs de transcription. Les gibbérellines régulent l’abondance de ces facteurs de transcription et donc la réponse à la lumière.
V.C.2. Les modèles auxine et acide jasmonique
L’auxine est considérée comme la principale hormone végétale du fait de son implication dans de multiples processus physiologiques. Du fait de son importance, beaucoup de travaux ont été réalisés pour comprendre le mode de perception de cette hormone. La liaison de l’auxine directement à son récepteur TIR1, protéine à boîte F du complexe SCF, favorise l’interaction de TIR1 avec les protéines AUX/IAA (Dharmasiri et al., 2005; Kepinski and Leyser, 2005). Les protéines AUX/IAA sont alors ubiquitinées par le complexe SCF et deviennent les cibles du protéasome. Cette dégradation lève l’inhibition que ces protéines exerçaient sur les facteurs de transcription de type ARFs, induisant ainsi l’expression des gènes de réponse à l’auxine (Chapman and Estelle, 2009).
Le jasmonate est une hormone appartenant à la famille des oxylipines, impliquée dans les processus développementaux mais c’est également une molécule qui a un rôle important dans les réactions de défense des plantes. La voie de signalisation de l’acide jasmonique est très semblable à la voie auxinique. COI1 est une protéine à boîte F qui lie le jasmonate activé, c’est‐à‐dire l’isoleucine jasmonyl, comme TIR1 lie l’auxine. Cette liaison provoque la dégradation des protéines JAZ (JASMONATE ZIM‐domain), analogues fonctionnels des répresseurs AUX/IAA, ce qui lève l’inhibition exercée sur les facteurs de transcription MYC2 qui peuvent être considérés équivalents des protéines ARFs (Staswick, 2008).
V. D. Hypothèse sur le mécanisme de perception des SL.
Deux gènes ont donc été identifiés pour leur implication dans la perception des strigolactones : MAX2 et D14. Etant donné que ces gènes codent respectivement pour une protéine à boîte F et une alpha/beta hydrolase, dont on connait des homologues « proches » qui ont une fonction de récepteur d’une hormone végétale, on peut penser que ces deux protéines MAX2 et D14 pourraient être les protéines qui lient les strigolactones, en s’inspirant des modèles auxiniques et gibbérelliques.
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