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Étude expérimentale de l’adhésion entre cadhérines

Des interactions plus subtiles entre surfaces

3.3. Les limites de l’approche du physicien : les interactions entre cadhérines Doctorante : Laetitia Cohen-Tannoudji

3.3.2. Étude expérimentale de l’adhésion entre cadhérines

Nous avons étudié l’adhésion induite par les cinq fragments de cadhérines et, plus précisément, à l’aide de la méthodologie présentée dans les paragraphes précédents, nous avons estimé la constante cinétique d’association entre ces cinq fragments. Dans ce cadre, nous avons cherché à réaliser une adhésion entre particules magnétiques due à la reconnaissance spécifique entre cadhérines et déclenchée par l’application d’un champ magnétique extérieur.

a) Greffage des cadhérines sur les particules magnétiques

Nous avons utilisé des E-cadhérines d’origine humaine, distribuées par Sigma Aldrich, qui sont sous forme de chimères. Il s’agit donc d’assemblages moléculaires à base de cadhérines. Seule la partie extracellulaire, composée des cinq fragments EC, est présente dans cet assemblage. Une chimère est composée de deux molécules de cadhérines (dimère cis), fixées par leur domaine EC5 à un même fragment Fc d’une immunogolobuline G (IgG) humaine (figure 3.14). En outre, ce fragment Fc est lié par son extrémité à une série d’histidines, appelée « tag histidine ». Cet assemblage présente ainsi deux fonctions : les dimères de cadhérines sont préformés et les cadhérines peuvent être facilement greffées et orientées sur des surfaces. Le greffage peut être réalisé suivant deux voies : via le fragment Fc ou via le tag histidine. Le fragment Fc peut être capturé de façon spécifique par une protéine anti-Fc, comme la protéine A. Le tag histidine peut chélater un ion métallique, comme le Nickel. Notons que les chimères de cadhérines utilisées ont un poids moléculaire d’environ 150 000 g.mol-1. Ce produit est fourni sous la forme d’une poudre, obtenue après lyophilisation de 1 mL d’une solution de chimères, avec notamment 2 mM de CaCl2.

Figure 3.14 : chimère de E-cadhérines utilisée (distribuée par Sigma Aldrich).

L’étape de fixation des cadhérines à la surface des particules est une étape critique, car l’adhésion entre particules va dépendre de la manière dont sont accrochées les cadhérines et de leur quantité. Nous avons choisi une capture des chimères de cadhérines via leur fragment Fc, car le greffage de protéines anti-Fc était relativement « simple » sur nos particules, contrairement à une capture via le tag histidine. Pour cela, des protéines A, reconnaissant spécifiquement les fragments Fc, ont été greffées auparavant sur les particules. De cette manière, nous avons pu contrôler la quantité de chimères de cadhérines accrochées par la quantité de protéines A greffées. D’autre part, nous avons assuré une bonne orientation des cadhérines à la surface des particules grâce à l’accrochage via le fragment Fc de la chimère. Les divers protocoles de greffage et de dosage du nombre de molécules greffées sont détaillés dans la thèse de Laetitia Cohen-Tannoudji [Cohen-Tannoudji 2006]. Notons qu’une étape de dialyse a été nécessaire pour, entre autres, se débarrasser des ions Calcium, car leur concentration est un des paramètres de contrôle de notre étude. Nous avons finalement obtenu

des particules recouvertes de cadhérines correctement orientées (figure 3.15). Cette configuration a été confirmée par plusieurs expériences de contrôle.

Figure 3.15 : accrochage des chimères de cadhérines à la surface des particules magnétiques.

b) Spécificité de l’adhésion

Pour étudier l’adhésion entre particules magnétiques, spécifique de l’interaction entre cadhérines, et déclenchée par le champ magnétique, de nombreuses précautions ont été prises. La reconnaissance entre cadhérines requiert des conditions physico-chimiques particulières, en termes d’état de surface des particules et de composition du milieu continu, qui peuvent perturber la stabilité colloïdale. Dans un premier temps, nous avons étudié la stabilité des particules recouvertes de cadhérines dans des conditions favorables à la reconnaissance, mais sans champ magnétique. Puis, dans un second temps, nous avons comparé l’adhésion déclenchée par le champ avec ou sans cadhérines, toutes choses égales par ailleurs. Les principaux paramètres physico-chimiques jouant sur la stabilité colloïdale sont : la force ionique totale de la solution, la présence d’ions divalents (Calcium) qui interagissent avec le polyélectrolyte à la surface des particules, le pH, et le taux de greffage de protéines, qui change l’état de surface des particules.

Pour s’assurer de la spécificité de l’adhésion observée, nous avons vérifié deux propriétés essentielles de l’interaction entre cadhérines. En effet, nous avons confirmé l’influence attendue de la concentration en Calcium et vérifié que l’adhésion était inhibée par des molécules (acide indole 3-acétique) se substituant au tryptophane. Par la suite, nous avons travaillé en milieu calcique, à une concentration en Calcium de 2 mM.

Enfin, nous avons montré que l’adhésion dépendait de la quantité de cadhérines adsorbées à la surface des particules. L’augmentation de l’adhésion avec le nombre de cadhérines présentes à la surface des particules, dans des conditions expérimentales identiques, nous a conforté dans l’idée que l’adhésion observée était bien spécifique de l’interaction entre cadhérines.

c) Caractérisation des particules recouvertes de cadhérines

Avant d’étudier les profils force-distance et la cinétique d’adhésion entre particules induite par la reconnaissance entre cadhérines, il est indispensable de caractériser ces particules. Il s’agit, d’une part, de vérifier que l’image proposée pour décrire l’état de surface des particules est, à peu de chose près, correcte. D’autre part, il est nécessaire d’évaluer la quantité de cadhérines capturées à la surface des particules, car l’état d’adhésion après une étape de champ magnétique dépend de cette quantité. Dans la suite, la connaissance de cette quantité sera nécessaire pour estimer une constante cinétique d’association entre cadhérines.

Par ailleurs, en répétant l’expérience d’adhésion pour les mêmes échantillons et de façon consécutive, nous avons vérifié que l’adhésion induite par les cadhérines était réversible. Une fois les liens réalisés, ils se défont, mais peuvent se former à nouveau, en quantité comparable, grâce à une nouvelle étape de champ magnétique. Cette observation suggère que les cadhérines ne se décrochent pas des particules pendant la durée de nos

expériences et qu’elles restent « actives ». Le temps de dissociation des fragments Fc sur la

protéine A ne semble donc pas être un facteur limitant ici. La capture des chimères de cadhérines par la protéine A est donc une voie d’accrochage efficace.

Par dosage en retour [Cohen-Tannoudji 2006], nous avons estimé que 70 chimères étaient capturées par particule, pour des particules incubées avec 100 chimères par particule et que 10 chimères étaient capturées pour une incubation avec 25 chimères par particule. Ainsi, nous avons montré que le nombre de cadhérines fixées à la surface des particules pouvait être contrôlé par l’étape d’incubation (table 3.1).

Quantité de protéines A apportées Quantité de protéines A greffées Quantité de chimères apportées Quantité de chimères capturées 850 PA/ particule 280 PA/ particule 100 / particule

25 / particule

70 / particule 10 / particule

Table 3.1 : quantités de chimères capturées pour différentes conditions.

Le dosage des chimères sur les particules a permis de s’assurer que les cadhérines étaient bien à la surface des particules. De plus, une étude du rôle de la protéine A a permis de vérifier l’orientation des cadhérines à la surface des particules. L’image proposée en figure 3.15 semble ainsi correcte pour décrire l’état de surface des particules recouvertes de cadhérines. Enfin, nous avons également montré que les cadhérines restaient accrochées sur les particules sur des temps plus longs que nos temps caractéristiques d’observation.