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Si l’on suppose que dès l’origine de la Galaxie, un mélange très efficace a eu lieu, alors, à une époque donnée correspond une seule composition chimique du gaz, et on ne devrait observer aucune autre dispersion que celle qui résulte des seules erreurs de mesure.

La même uniformité des rapports [M/Fe] pourrait être observée si toutes les SNII éjectaient les mêmes abondances relatives de tous les éléments, mais tous les calculs de supernovæ pré- disent que les éjecta dépendent fortement de la masse de la supernova. Par ailleurs, une telle hypothèse aurait pour conséquence que tous les rapports [M/Fe] seraient indépendants de [Fe/H]. On peut faire l’hypothèse que le mélange du gaz n’est pas efficace, mais que le rapport [Fe/H] dans la bulle de gaz enrichie est fonction de la masse de la supernova, comme le sont les rapports [M/Fe]. C’est l’hypothèse retenue par Umeda et Nomoto (2002) qui font dépendre le rapport [Fe/H] de l’énergie de l’explosion de la supernova, laquelle énergie dépend à son tour de la masse de l’étoile.

Dans cette partie nous allons donc nous intéresser à la dispersion des points autour de la droite moyenne qui représente la variation des rapports [M/Fe], en fonction de [Fe/H] (ou M est un élément compris entre le carbone et le zinc : figures 4.1 à 4.21). Le problème est de savoir si cette dispersion est le résultat des seules erreurs de mesure ou s’il faut ajouter une dispersion « cosmique » des abondances dans la matière galactique à l’époque où nos étoiles se sont formées.

Pour comparer la dispersion calculée autour de la droite de régression (voir table 4.4 page 57 )à la dispersion des erreurs il ne faut pas inclure dans l’erreur sur l’abondance les causes d’er- reurs systématiques qui ne font que décaler simplement l’ensemble des points vers le haut ou vers le bas. Ces erreurs n’ont aucune influence sur la dispersion autour de la droite moyenne.

Pour le calcul de la « réalité de la dispersion cosmique des points » il nous faut par consé- quent isoler la partie de l’erreur uniquement due aux erreurs aléatoires qui sont majoritaire- ment causées par :

- les erreurs de mesure des largeurs équivalentes (voir section 2.2 page 13) ; - les erreurs aléatoires sur la détermination de Teff.

4.4. Étude de la dispersion

d’une étoile à l’autre (sauf cas particulier, tel que l’oxygène qui n’est représenté que par une seule raie très faible). Nous avons estimé que l’erreur sur l’abondance entraînée par l’erreur sur la mesure des largeurs équivalentes peut être, en première approximation, estimée entre 0, 04 et 0, 06 dex. Pour le sodium dont l’abondance est déterminée par deux raies très fortes nous avons admis que σmes= 0, 10dex.

À cette erreur, il faut ajouter l’erreur aléatoire induite par l’incertitude sur la photométrie (en fait, l’erreur est sur Teff ) de l’étoile. C’est cette somme « σ mesures » qui est donnée en

colonne 6 de la table 4.4 page 57.

Dans les colonnes 3, 4 et 5 du tableau 4.4 page 57, on donne la dispersion de la droite de régression ( figures 4.8 à 4.21 page ci-contre) calculée sur l’ensemble de l’échantillon, puis dans les intervalles [−4, 1; −3.1] et [−3, 1; −2, 1]. Si l’on appelle σ0la dispersion cosmique, alors on a

la relation σ2

reg = σ2mesures+ σ02

Notons que pour les calculs de dispersion, nous avons systématiquement éliminé l’étoile très particulière CS 22949–037 (voir section 4.6 page 58).

Si au début de la vie de la Galaxie, la matière était homogène, comme le supposent en général les modèles d’évolution de la Galaxie, on s’attendrait à trouver une dispersion des points autour de la droite moyenne, au plus égale au « σ mesures » du tableau 4.4. Or, comme on peut le constater dans le tableau 4.4, la dispersion est plus grande que les erreurs de mesures pour la majorité des éléments que nous avons étudiés, au moins pour les métallicités inférieures à −3, 0.

On peut noter tout d’abord que la dispersion totale des éléments pairs est nettement infé- rieure à celles des éléments impairs ( 0, 11 dex en moyenne contre 0, 17). Cela s’explique par le fait que les éléments impairs étant sensibles à l’excès de neutron, leur abondance finale est sensible aux conditions qui règnent dans l’étoile au moment où ils sont produits. Une faible va- riations de ces condition va donc avoir comme conséquence de faire varier la quantité produite de ces éléments.

Dans presque tous les cas, on constate que la dispersion autour de la droite de régression augmente brusquement lorsque la métallicité devient plus faible que [Fe/H]≈ −3, 0.

Quelques exceptions sont toutefois intéressantes. Tout d’abord, trois éléments montrent une dispersion indépendante de la métallicité :

- le chrome pour lequel, la dispersion reste pratiquement constante avec la métallicité et est égale à ce qui est attendu des erreurs de mesures ;

- le magnésium dont la dispersion est également compatible avec les seules erreurs de mesures pour toutes les métallicités étudiées ;

- le titane, dont la dispersion autour de la droite de régression est constante, mais ne semble pas être seulement explicable par les erreurs de mesures. Notons que l’étoile ayant un rapport [Ti/Fe] négatif (voir figure 4.12 page 48) est CS22169–35, qui présente aussi de faibles valeurs de [Mg/Fe] et [Ca/Fe].

Pour deux éléments, la dispersion décroît même avec la métallicité :

- l’aluminium. Notons que dans la figure 4.14 page 50, une des causes de la dispersion dans l’intervalle −3, 1 <[Fe/H]< −2, 1 est la richesse en aluminium de l’étoile CS22873– 055 qui est aussi riche en sodium. Dans l’intervalle de métallicité [−4, 1; −3, 1], l’étoile CS 22949–037 présente une forte surabondance de l’aluminium par rapport au fer. Dans l’intervalle [−4, 1; −3, 1] l’étoiles CS 22949–037 (Depagne et al., 2002) présente une forte surabondance en aluminium. Elle n’a pas été prise en compte dans le calcul de la disper-

Chapitre 4. Abondances des éléments et dispersion cosmique

sion. Si on l’incluait, le σreg entre [−4, 1 et −3, 1] serait égal à 0, 21 et la dispersion serait

constante dans tout l’intervalle de métallicité ;

- le cobalt. La plus grande dispersion du rapport [Co/Fe] dans le domaine [−4, 1; −3, 1] s’explique par la position de CS22169–35 qui, pauvre en éléments α, s’avère être aussi pauvre en cobalt et par le fort rapport [Co/Fe] de BS17569-049 (voir figure 4.19 page 53). Cette étoile, dont la métallicité est −2, 92, ne présente pas d’autres anomalies dans notre étude. Par contre, comme nous le verrons dans un article à paraître, c’est une étoile riche en éléments lourds(Ba, Eu, etc.). Notons toutefois que les deux étoiles « riches en éléments lourds » CS31082–001 (Hill et al., 2002) et CS22892–052(Sneden et al., 2000) ne présentent aucune anomalie en cobalt.

Pour tous les autres éléments, la dispersion du rapport [M/Fe] croît lorsque la métallicité diminue.

Lorsque [Fe/H]> −3, 1, on constate que pour le silicium (figure 4.10 page 47), le calcium (figure 4.11 page 47), le scandium (figure 4.16 page 51), le manganèse (figure 4.18 page 52) et le zinc (figure 4.21 page 54), la dispersion observée n ’est pas significativement différente de la dispersion attendue du seul fait des erreurs de mesures .

À plus faible métallicité, la dispersion est nettement supérieure à ce que l’on peut attendre des seules erreurs de mesures. La rupture est particulièrement visible pour le manganèse, comme le montre la figure 4.18 page 52.

Pour le sodium (voir figure 4.13 page 49), la dispersion est très forte dans toute la gamme de métallicité et cela implique une dispersion « cosmique » importante. Ici encore, l’étoile CS 22949– 037 n’a pas été prise en compte dans le calcul de la dispersion. Si on l’incluait, la dispersion à faible métallicité augmenterait encore.

Les dispersions des rapports [K/Fe] et [Ni/Fe] croissent aussi quand les métallicités dé- croissent, mais elles semblent indiquer une légère dispersion cosmique, même lorsque la mé- tallicité est supérieure à −3, 1.

McWilliam et al. (1995b) avait noté que pour une métallicité de −2, 4, la pente de la droite représentant la variation de l’abondance de trois éléments du pic du fer (le cobalt, le chrome et le manganèse) présente un brusque changement. Il interprétait cette brusque variation de la manière suivante : tant que la métallicité d’une étoile est inférieure à −2, 4, son atmosphère reflète l’enrichissement du milieu par un très petit nombre de supernovæ voire une seule (Au- douze et Silk, 1995) . Par contre, pour des métallicités supérieure, l’enrichissement du milieu est la conséquence d’un plus grand nombre de supernovæ de différents types. Nous observons plutôt cette « rupture » (très visible dans la relation[Mn/Fe] en fonction de [Fe/H]) autour de −3, 0.

L’étude de la dispersion apporte des résultats surprenants. Par exemple, le rapport [Mg/Fe] observé est compatible avec une dispersion cosmique nulle, avec une valeur constante. Au vu des modèles de supernovæ existants, de tels résultats sembleraient indiquer l’existence, dès le début de l’évolution de la Galaxie, de mélanges efficaces, produisant des effets de moyenne sur un grand nombre de supernovæ : cet effet de moyenne stabiliserait la valeur du rapport et diminuerait la dispersion (Carretta et al., 2002).

Cependant, d’autres éléments présentent une dispersion notable. Par exemple, le manga- nèse présente une forte dispersion (déjà notée par Carretta et al. (2002). Ce fait semble exclure cet effet de moyenne. De plus, la dispersion augmente quand le métallicité diminue (voir fi-

4.4. Étude de la dispersion

Numéro Élément [Fe/H] [Fe/H] [Fe/H] Droite de régression

atomique −4, 1 −4, 1 −3, 1 a δa b δb

Z −2, 0 −3, 1 −2, 1

σreg σreg1 σreg2 σmes

11 Na 0,22 0.27 0.18 0.10 0,410 0,008 1,420 0,082 12 Mg 0,13 0.14 0.12 0.13 -0,008 0,003 0,246 0,026 13 Al 0,18 0.16 0.21 0.09 0.073 0.005 -0.651 0.053 14 Si 0,14 0.19 0.10 0.10 0.126 0.003 0.806 0.032 19 K 0,12 0.14 0.09 0.06 0.138 0.003 0.908 0.027 20 Ca 0,11 0.14 0.08 0.09 0.025 0.002 0.411 0.018 21 Sc 0,12 0.15 0.08 0.06 0.076 0.002 0.291 0.020 22 Ti 0,09 0.09 0.10 0.05 -0.008 0.001 0.198 0.014 24 Cr 0,05 0.05 0.05 0.05 0.136 0.0004 0.065 0.004 25 Mn – 0.23 – 0.06 0.567 0.021 1.423 0.245 25 Mn – – 0.07 0.06 -0.107 0.004 0.035 0.037 27 Co 0,15 0.13 0.16 0.07 -0.133 0.003 -0.111 0.033 28 Ni 0,12 0.14 0.11 0.07 -0.035 0.002 -0.126 0.022 30 Zn 0,10 0.13 0.08 0.06 -0.275 0.002 -0.568 0.018

TAB. 4.2 – Tableau récapitulatif des dispersions. Dans la première colonne sont présentés les

numéros atomiques des éléments de la deuxième colonne. Les colonnes trois, quatre et cinq présentent les dispersions des abondances pour trois intervalles de métallicités différents : tout d’abord en prenant tout notre échantillon, ensuite, en ne prenant que les étoiles dont la mé- tallicité est inférieurs à −3, 1 puis en ne prenant que celles dont la métallicité est supérieurs à −3, 1. Pour le manganèse, j’ai séparé les métallicité en deux groupes : celles inférieures à −3, 0, et celles supérieures à −3, 0. La cinquième colonne présente la dispersion telle qu’on peut l’estimer. Les quatre dernières colonnes présentent les paramètres des droites de régres- sion calculées pour les éléments.

Chapitre 4. Abondances des éléments et dispersion cosmique

gure 4.18 page 52, suggérant que l’effet de moyenne tend a disparaître aux faibles métallicités (Audouze et Silk, 1995). L’observation d’étoiles particulières comme CS22949–037 (Depagne et al., 2002; Aoki et al., 2002) va dans ce sens. Nous reviendrons plus loin sur ces indices contra- dictoires.