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Cas d’étude choisi : modules bifaces intégrés sur une façade verticale de bâtiment

Chapitre 1 : Etat de l’art sur les modules photovoltaïques bifaces

1.3. Performance des applications utilisant des modules bifaces

1.3.3. Cas d’étude choisi : modules bifaces intégrés sur une façade verticale de bâtiment

1.3.3.1. Description de l’application

A notre connaissance, l’idée d’utiliser des modules bifaces sur des façades de bâtiment blanches est mentionnée pour la première fois en 2003 par Hezel [82]. Cependant elle a dû être imaginée bien avant à en voir la configuration D en Figure 1.15 simulée par Krenzinger dans les années 1980 [77]. En pratique, l’idée a été réalisée par Sanyo sur la façade d’un des bâtiments de l’entreprise où les zones sans fenêtres (entre les étages) sont couvertes de modules bifaces décalés de la façade [93].

On parle couramment des applications PV liées au bâtiment comme faisant partie de la catégorie BIPV. En réalité les applications réellement intégrées au bâtiment sont très rares : 1% en Europe, contre 89% d’applications PV ajoutées au bâtiment (« Building Add-on PhotoVoltaics », BAPV) et 10% d’applications montées au sol (champs PV). L’objectif des applications BIPV est d’obtenir des enveloppes de bâtiment multifonctionnelles intégrant l’isolation thermique, la production électrique, l’étanchéité, l’isolation acoustique, l’ombrage, l’éclairage naturel et l’aspect esthétique. Contrairement aux applications PV montées au sol ou sur toiture plate, les modules PV sont souvent installés suivant les contraintes du bâtiment, ne maximisant donc pas forcément la production électrique annuelle. Une façade verticale orientée sud sous nos latitudes (46°) capte environ 75% de l’énergie solaire reçue par une surface orientée sud à l’angle optimal, chiffre qui décroît jusqu’à environ 60% si la façade est à l’est ou à l’ouest [6]. Pour des latitudes plus faibles, à Hong-Kong par exemple (22°), une façade ne capte plus que 60% du maximum au sud et 45% à l’est ou à l’ouest [94]. Une autre différence entre les applications standards et BIPV concerne la température de fonctionnement des modules qui est plus élevée dans le cas du BIPV. Dans des cas extrêmes où l’application BIPV n’est pas ventilée et pour une température ambiante maximum de 40 °C, des mesures montrent des températures de fonctionnement plus faibles pour une application standard de 15 °C en moyenne et de 30 °C au maximum [95].

Brito a récemment actualisé le rôle des façades dans les bâtiments à énergie nulle (qui génèrent annuellement autant d’énergie qu’ils en consomment) [96]. Bien qu’orientées de manière non optimale, les façades constituent de larges surfaces disponibles pour la production d’électricité avec une empreinte au sol nulle. La diminution des coûts des modules joue en faveur de l’installation de modules dans des conditions moins optimales. De plus, l’utilisation des façades d’orientations différentes peut avoir une meilleure adéquation avec la consommation électrique (meilleure production en hiver, ainsi qu’en début et fin de journée lorsque le soleil est bas sous nos latitudes par exemple). Les designs classiques de façades PV doivent intégrer des moyens d’évacuer la chaleur (ventilation naturelle ou forcée

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typiquement, ou avec des ailettes métalliques derrière le module par exemple [97]). Sur ce point, l’intégration dite en double peau (pose d’une façade PV semi-transparente décalée par rapport à la façade du bâtiment) est avantageuse : elle combine la réduction de la température de fonctionnement des modules, l’isolation thermique de la paroi, et la valorisation de la chaleur produite par les modules pour la rénovation énergétique de bâtiments anciens. La Figure 1.20 montre une façade PV classique, une façade en double peau et la photographie du bâtiment Sanyo qui utilise des modules PV bifaces en façade verticale. Notons que ces photographies représentent des cas où l’utilisation de la façade est avantageuse car les toitures sont petites et les façades ne souffrent pas d’ombrages des bâtiments voisins.

Figure 1.20 – De gauche à droite, photographies d’une façade PV classique pour l’utilisation de grandes surfaces à empreinte au sol nulle, d’une façade double peau pour la rénovation énergétique de bâtiments anciens, et de la façade PV biface du bâtiment Sanyo (reproductions issues respectivement de [98], [99] et [93]).

L’application traitée dans notre étude consiste à utiliser des modules bifaces verticaux décalés de la paroi dans les zones du bâtiment où il n’y a pas de fenêtre (intégrés en double peau ou à l’air libre). La Figure 1.21 montre les avantages d’une telle application dans le cas de la double peau :

 une irradiance incidente sur le module biface plus élevée que pour un module monoface grâce au rayonnement réfléchi sur les parois du bâtiment (très diffusantes idéalement),

 un comportement thermique du module avantageux car ventilé naturellement ou de manière forcée,

 des avantages saisonniers pour un azimut proche du sud à nos latitudes : protection solaire qui limite la pénétration du rayonnement direct dans le bâtiment en été et inversement en hiver. Dans le cas de modules à l’air libre, il n’y a pas d’aspect rénovation énergétique de la paroi (en dehors de la production électrique), l’infrastructure mise en place pour décaler les modules bifaces de la paroi pourrait donc être un frein économique comparé à des modules monofaces contre la paroi. Dans les deux

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cas, on peut concevoir en observant la Figure 1.21 que l’éclairement en face arrière des modules risque d’être non-uniforme, et donc de limiter leur performance.

Figure 1.21 – Triple avantage de l’intégration de modules bifaces sur une façade verticale (exemple d’une double peau avec vitre entre les modules) : irradiance additionnelle sur la face arrière à gauche, ventilation du module au milieu et avantages saisonniers à droite.

1.3.3.2. Simulation des performances électriques annuelles de systèmes BIPV

Tout comme pour la simulation des performances bifaces, il n’existe pas d’outil complet de simulation pour le BIPV intégrant l’aspect thermique, l’aspect électrique et l’aspect optique. Ces trois aspects sont nécessaires puisque les modules intégrés à l’enveloppe du bâtiment n’ont pas les mêmes dynamiques de refroidissement que les modules non intégrés et l’environnement du module est plus susceptible de générer des ombrages et des non-uniformités d’éclairement liées aux albédos des bâtiments environnants. Notre étude ne concernera pas les aspects thermiques du bâtiment dans la mesure où notre configuration est bien ventilée naturellement, ces aspects ne seront donc pas développés dans cet état de l’art.

Concernant les aspects électrique et optique, un modèle basé sur du tracé de rayons a été développé par Kovach pour étudier les performances de systèmes BIPV dans des conditions d’ombrage [100]. L’utilisation d’une technique de tracé de rayons permet de prendre en compte l’ombrage du rayonnement diffus (en plus de celui du direct déjà pris en compte dans les programmes courants type PVsyst®), ainsi

que les réflexions multiples entre les surfaces environnantes. Pour la partie optique, le logiciel Radiance®

[72] est utilisé avec un modèle de ciel isotrope (voir D* dans l’équation (1.17)) et sans tenir compte du spectre. Pour la partie électrique, un modèle à deux diodes (plus précis que le modèle à une diode de la section 1.2.1.1) est utilisé en prenant en compte les caractéristiques en tension inverse des cellules

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(courants de fuite jusqu’à la rupture de jonction). L’auteur étudie des cas particuliers comme une façade verticale PV orientée sud en Allemagne avec un rebord faisant de l’ombrage au-dessus ou à l’est des modules par exemple, pour une topologie de centrale ayant trois branches parallèles de modules en série. Il montre dans ce cas-là que les pertes annuelles sont diminuées si l’ombrage ne touche qu’une chaîne de modules en série plutôt que s’il est réparti sur les trois chaînes en parallèle. Il met en avant le compromis à trouver entre résolution spatiale/temporelle de l’irradiance et temps de calcul du programme.

Plus récemment Sprenger a développé une méthodologie similaire en y ajoutant des modèles allant des propriétés optiques internes des modules (réponse angulaire, piégeage de la lumière) jusqu’à la réponse électrique de l’onduleur au niveau système en considérant l'anisotropie du ciel, l’influence du spectre, et même l’environnement thermique du module [101], [44]. Il utilise lui aussi le programme Radiance®

avec la spécificité qu’il sépare le tracé de rayon dépendant de la géométrie de l’application et de la zone du ciel considérée, de l’évolution temporelle de la radiance de chaque zone du ciel. Cela permet de réduire le temps de calcul du programme et ainsi pouvoir simuler avec une résolution temporelle plus fine (en dessous de l’heure). La réponse spectrale des cellules est considérée et la distribution spectrale incidente est supposée invariante suivant les conditions météorologiques ainsi que suivant les propriétés spectrales des réflecteurs environnants. Notons que les non-uniformités d’irradiance à l’échelle de la cellule ne sont pas prises en compte et que la dispersion des caractéristiques en tension inverse des cellules est moyennée. L’auteur montre par exemple l’influence d’un mur orienté est de réflectance 0,65 sur une façade PV juxtaposée orientée sud. En considérant seulement l’ombrage du mur (réflectance nulle), la perte d’énergie électrique sur une belle journée est de -33,7% par rapport au cas sans mur. La perte est réduite à -13,7% en considérant l’ombrage du mur ainsi que sa réflectance.

Devant un tel constat de l’influence de l’albédo des surfaces environnantes, certains auteurs envisagent d’associer des outils de simulation PV à des logiciels de dessin assisté par ordinateur (« Computer Aided Design », CAD) de façon à prendre en compte des environnements optiques complexes dans le voisinage de la cellule ou du module PV. Reich [102] montre ainsi que les techniques de tracé de rayon implémentées dans ces logiciels sont suffisamment précises pour cet objectif en étudiant le cas d’applications PV intégrées dans des produits en intérieur (« Product Integrated PhotoVoltaics », PIPV). Les performances d’une application PIPV sont encore plus complexes à simuler que celles d’une application BIPV (complexité de la lumière en intérieur, design du produit et modes d’utilisation variés). L’inconvénient des techniques de tracé de rayon étant le temps de calcul, spécialement pour des environnements optiques complexes, Veldhuis [103] propose d’utiliser une technique alternative utilisée dans les logiciels de réalité virtuelle appelée la rastérisation. Ce type de technique permet d’étudier l’énergie lumineuse incidente sur une application PIPV en mouvement (PV intégré sur un moyen de transport par exemple) selon différents scénarios. Cependant l’inconvénient de cette méthode réside dans la prise en compte limitée des réflectances et transmittances des objets.

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Toutes ces méthodes de simulation peuvent être utiles dans le cas des modules bifaces dont les performances dépendent fortement de l’environnement optique des modules. Nous utiliserons donc nous aussi dans cette étude un logiciel de tracé de rayon pour extrapoler nos résultats expérimentaux. En effet, ce type d’approche permet de prendre en compte les paramètres opto-géométriques détaillés de l’application à savoir les ombres portées (comme dans les premiers modèles des années 1980 présentés en section 1.3.2.1), l’architecture optique des modules (comme montré par Sprenger [101]), ou encore les propriétés optiques des surfaces environnantes (pouvoir diffusant par exemple).