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PARTIE II MÉTHODOLOGIE ET ÉTUDE DE CAS Introduction Introduction

Chapitre 8 Étude de cas : Byblos

Introduction

Les chapitres précédents ont orienté notre démarche méthodologique. À présent, nous entrons dans le cœur du travail où nous exposons l’étude de cas. Selon A. Mucchielli (2004), la pratique de l’étude de cas est effectuée en trois étapes : (1) le cadre général de l’étude de cas ; (2) la cueillette et la mise en forme des informations ; (3) l’analyse du cas.

1) Le cadre général concerne la position épistémologique de la recherche qualitative, aspect déjà traité en première partie.

2) La mise en forme de l’étude de cas est faite après avoir défini le point de vue à partir duquel on veut examiner la situation étudiée et structurer la présentation pour que le phénomène qui nous intéresse soit compréhensible. Deux niveaux de compréhension sont proposés par A. Mucchielli (2004). Le premier niveau consiste à décrire le cas et le deuxième comprend l’analyse et l’explication fournie pour saisir les liens unissant les évènements rapportés. La mise en forme du sujet consiste surtout à sélectionner les informations à retenir. « En somme, il s’agit de rapporter tous les éléments utiles, mais seulement ceux-là, et de rendre des choses compliquées compréhensibles. » (Mucchielli, 2004) Yin (1984), propose d’avoir recours à six sources d’informations : des documents, des archives, des entrevues, l’observation directe, l’observation participante et les observations physiques.

3) Pour l’analyse du cas, Yin (1984) écrit qu’il n’y a pas de méthode précise et que chaque chercheur devrait déterminer sa propre méthode d’analyse selon son objet d’étude. Il indique cependant deux manières d’analyse qui dépendent de l’approche du chercheur : la déductive ou inductive. La première technique correspond à comparer des phénomènes empiriques avec des phénomènes prédits. Et la deuxième technique développe l’induction d’un modèle théorique à partir des phénomènes récurrents observés dans la situation

étudiée. Cette dernière technique est celle qui nous intéresse dans le cas du présent travail.

Si on suit la structure d’une étude de cas selon Mucchielli, nous en sommes à la description de l’étude de cas : le site de Byblos, le pourquoi de ce choix, sa situation et son histoire et en particulier celle du théâtre romain, les transformations qu’il a subi et sa relation avec son environnement, ainsi que le patrimoine auquel il s’assimile et son contexte actuel. Chacun de ces points nous permet de comprendre ce lieu afin de mieux situer notre travail qui se poursuit par le désir d’identifier le patrimoine que nous cherchons à comprendre.

Nous commençons ainsi par donner un petit aperçu du site de Byblos. Il est évident que c’est une manière très succincte de présenter l’histoire d’un lieu qui remonte à 7000 ans. C’est opportun de montrer, ne serait-ce que d’une manière brève, la superposition des différentes couches de l’histoire et qui témoignent du passage d’une variété de civilisations. Celles-ci ont laissé des traces qui sont pour la plupart aujourd’hui des ruines telles des témoins du passé.

Nous allons tout particulièrement nous attarder sur le théâtre romain qui a subi une décomposition et un déménagement vers 1930. Nous avons donc noté les transformations du théâtre et observé son contexte actuel en nous attardant sur les « lieux associés » déterminés par les rues de la vieille ville avoisinante. Il est question de patrimoine à comprendre pour notre recherche et nous avions parcouru les notions de patrimoine dans un contexte général en première partie. Nous concluons ce chapitre et décrivons brièvement le sens du patrimoine dans un contexte libanais.

8.1 Le choix du site de Byblos

Dans la problématique, nous avons identifié, par une exploration des notions de patrimoine, certains aspects utiles à notre recherche. Ces aspects sont détaillés dans le tableau de la figure 58 (à la page 155), qui présente les aspects du patrimoine dans la problématique qui s’appliquent au choix méthodologique y correspondant. Nous avons souligné ainsi en première partie, par le parcours des différentes chartes et conventions concernant le patrimoine, l’importance de la compréhension du patrimoine et de sa

signification et nous avons constaté que le but de notre recherche n’est pas de définir le patrimoine mais d’en retenir quelques aspects.

Autre point mis en valeur est l’approche d’un lieu avec ses valeurs humaines à préserver, donc un site qui continue à être un lieu de vie. Le concept de « site culturel dynamique » caractérisé par des « lieux associés » est aussi un point qui a été soulevé, d’où la pertinence d’utiliser un site culturel dynamique pour illustrer notre recherche et pour son interprétation.

C’est précisément le cas du site de Byblos qui peut être qualifié de « site culturel dynamique » étant caractérisé par des « lieux associés ». Ainsi de Byblos, lieu habité jusqu’à aujourd’hui, Dunand (1973) écrit : « L’intérêt principal offert par Byblos à la curiosité du visiteur consiste dans la superposition, dans le même emplacement, de ruines s’étalant sur sept mille ans d’histoire. » Il devient donc propice de sélectionner ce site comme étude de cas. Nous tentons dans ce chapitre de présenter les valeurs historiques et patrimoniales de Byblos.

8.2 Sa situation

Cette section propose un recueil historique mettant en valeur l’origine du classement de Byblos comme site du patrimoine mondial de l’UNESCO. Nous nous intéressons à l’évolution de la situation de ce site en général et au théâtre romain en particulier. Nous verrons qu’il est nécessaire d’inscrire la réflexion dans le passage de l’histoire pour mieux comprendre le patrimoine de ce lieu.

8.2.1 Histoire de Byblos

Située au nord de Beyrouth, la ville de Byblos57 qui figure depuis 1984 sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO58, présente deux caractéristiques qui lui

57 Les fouilles archéologiques qui y ont été effectuées ont permis de situer ses origines vers la fin du VI ème millénaire avant l’ère chrétienne. Il convient cependant de noter que les mots « Byblos » et « Phénicie » n’ont jamais été employés par les anciens habitants de la ville. Les Grecs baptisèrent l’ancienne Gubla-Gebal (nom d’origine de l’ancienne ville) du nom de « Byblos » qui désignait dans leur langue le « papyrus » du fait du rôle important joué par cette ville dans le commerce de ce produit. (http://www.lebanon-tourism.gov.lb/historicsites.asp)

donnent l’avantage de bénéficier d’une ouverture sur la mer et jadis d’un centre de construction navale. Le port de Byblos était dès l’Antiquité un important centre commercial de la Méditerranée orientale. Aujourd’hui, Byblos jouit d’anciens quartiers animés de vie ainsi que d’un site archéologique où le travail d’exploration a dégagé l’une après l’autre des villes abandonnées révélant des civilisations disparues. (Jidejian, 2004)

Le rapport de l’UNESCO présente la ville ainsi : « On trouve à Byblos les ruines successives d'une des plus anciennes cités du Liban, habitée dès le néolithique et étroitement liée à la légende et à l'histoire du bassin méditerranéen pendant plusieurs millénaires. Byblos est directement associée à l'histoire de la diffusion de l'alphabet phénicien. » L’évaluation des organisations consultatives (ICOMOS) a soumis le rapport (N° 295)59 du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) qui présente les justifications suivantes pour recommander que le site de Byblos en 1983 fasse partie du patrimoine mondial :

« Les Phéniciens, qui considéraient déjà Gublu (la Gebal de la bible) comme une de leurs plus anciennes cités, ne se trompaient guère : le site de Byblos a été continuellement habité depuis l’époque néolithique. Le plus ancien établissement humain, datant de 7000 ans environ, paraît avoir été un village de pêcheur dont les nombreuses huttes monocellulaires ont été retrouvées.

Vers 3200 av.J.C., une nouvelle organisation de l’espace se dessine : le tertre se couvre de maisons aux murs de pierre, tandis que les jarres à inhumation où de nouveaux rites funéraires apparaissent dans la grande nécropole.

Vers 2800, Gebal se présente comme une ville fortement structurée : ceinte d’un rempart massif (dont la légende attribue la construction au Dieu El), elle comporte une rue principale et un lacis de ruelles adventices. La prospérité du port  d’où l’on exportait vers l’Égypte le bois de cèdre, matériau indispensable à la construction et aux chantiers navals, mais aussi l’huile de cèdre, utilisée pour la momification des corps  suscite de grandes constructions, comme celle du temple de Baalat-Gebal, la déesse de la ville, que plusieurs pharaons enrichirent de leurs offrandes. Cette ville, dont subsistent de nombreuses traces, est incendiée vers 2150 par des envahisseurs Amorites : une épaisse couche de cendre (50 cm localement) scelle les niveaux primitifs.

Deux siècles environ plus tard, la ville était reconstruite, avec de nouveaux temples (le temple aux obélisques, dédié vers 1900-1600 au dieu Réshef, est le plus connu de cette période) et le flux commercial avec l’Égypte

59 Extrait intégral du rapport de l’ICOMOS en 1983 http://whc.unesco.org/pg.cfm?cid=31&id_site=295)

reprenait toute son ampleur. Vers le milieu de l’âge de bronze, les trésors des neuf tombes royales de Byblos attestent le degré de perfection d’une civilisation qui rivalise avec celle de l’Égypte pharaonique. Sur le sarcophage du roi Ahiram (Musée National de Beyrouth), une inscription en caractères phéniciens s’adresse à d’éventuels pilleurs de tombes, et l’on a voulu voir dans cette malédiction la preuve de l’écriture, largement diffusée, n’était plus un monopole des scribes (figure 62)

Cité commerçante, Byblos sut s’accommoder des dominations successives : assyrienne, babylonienne, achéménide et grecque. Pendant la période romaine, ce rôle commercial déclina, mais la ville assuma encore une fonction culturelle éminente : dans ses temples, sans cesse reconstruits et embellis, se pressaient les foules de pèlerins qu’évoque au II ème siècle de notre ère, Lucien de Samosate.

La récession, amorcée lors de la période byzantine, se confirma avec l’occupation arabe, après 636. Le seul moment où la ville reprit quelque importance fut celui des Croisades. Sous l’impulsion des Génois, le commerce fit de Giblet un port de transit prospère. Ce renouveau, dont portent témoignage des remparts, l’énorme quadrilatère du château des Croisés, l’église Saint-Jean Baptiste et son baptistère, fut sans lendemain : Byblos décline lentement jusqu’au XIX ème siècle.

L’ICOMOS recommande l’inscription de Byblos sur la Liste du Patrimoine Mondial au titre des critères III, IV et VI.

- critère III : Byblos offre un témoignage exceptionnel sur les débuts de la civilisation phénicienne.

- critère IV : dès l’âge de bronze, Byblos donne l’un des premiers exemples d’organisation urbaine dans le monde méditerranéen.

- critère VI : Byblos est directement et matériellement associée à l’histoire de la diffusion de l’alphabet phénicien (dont l’humanité est toujours largement tributaire), avec les inscriptions d’Ahiram, de Yehimilk, d’Elibaal et de Shaphatbaal.

L’ICOMOS, compte-tenu de l’importance du site de Byblos, recommande la délimitation d’un large périmètre de protection, englobant, outre l’habitat antique, la ville médiévale à l’intérieur des remparts et les zones des nécropoles. » (ICOMOS, rapport N° 295)

Figure 62. Plaque représentant l’alphabet phénicien au musée de Byblos

8.2.2 Théâtre dynamique de Byblos

Le patrimoine que dégage ce site archéologique s’étend sur 7000 ans d'histoire. Les civilisations qui se sont succédées sur ce site y ont laissé des traces. La Phénicie, l’Égypte, la Perse, Rome ont marqué les ruines de la vieille ville. Des sols de cabanes monocellullaires, le temple de Baalat Gebal, les colonnades romaines, le château des Croisés y sont des témoins du passé. Vu la grande diversité des vestiges existant sur ce site et qui révèlent différents modes de vie, nous nous attardons sur le théâtre romain situé dans l’enceinte du site archéologique. Le choix du théâtre romain comme terrain d’observation vient de l’intérêt qu’il représente par son évolution et son lien avec l’environnement. Cet intérêt découle aussi à partir des thématiques relevées lors des enquêtes que nous exposons plus loin dans ce travail.