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États chats de Schrödinger

II.6 Quelques états intéressants

II.6.5 États chats de Schrödinger

Un état chat de Schrödinger se définie comme une superposition avec probabilités égales de deux états cohérents avec des amplitudes amplitudes complexes α1 et α2 différentes [Haroche and Raimond, 2006] :

cati = √1 N  eiφ1|α1i + eiφ2|α2i  , (II.178)

avec N une constante de normalisation qui prend en compte le chevauchement des deux états cohérents |α1i et |α2i. Si | α1− α2 | 1 (comme nous le supposons dans la suite),

alors le chevauchement est négligeable et l’état chat s’exprime plus simplement par |ψcati ≈ 1 √ 2  eiφ1|α1i + eiφ2|α2i  . (II.179)

La cohérence entre les deux états cohérents permet de distinguer l’état chat d’un mé- lange statistique. Elle est mise en évidence dans l’expression de l’opérateur densité associé à l’état chat :

ˆ ρcat≈ 1 2  |α1i hα1| + |α2i hα2| + ei(φ1−φ2) 1i hα2| + ei(φ2−φ1)|α2i hα1|  . (II.180) En effet, les termes non-diagonaux de cet opérateur densité décrivent la cohérence. Nous allons regarder plus particulièrement les états chats dont les amplitudes des états cohérents ont même module. Considérons notamment deux superpositions d’états cohé- rents dont les phases diffèrent de π. Ces superpositions sont appelées états chats "pair" et "impair" :

ψcat± = p|αi ± |−αi 2(1 ± e−2|α|2

La cohérence de ces états chats est visible au travers de leurs distributions du nombre de photons : p(±)cat(n) = | hn|αi | 2 2 [1 ± (−1) n]2. (II.182)

Les états ψ+cat et

ψcat− se développent, respectivement, seulement autour des états de Fock pairs et ceux impairs. Ainsi, dans la base de Fock, les états chats pair et impair s’écrivent : ψcat+ = 2 p 2(1 + e−2|α|2 )e −|α|2/2 ∞ X n=0 α2n p(2n)!|2ni , (II.183) et ψcat− = 2 p 2(1 − e−2|α|2 )e −|α|2/2 ∞ X n=0 α2n+1 p(2n + 1)!|2n + 1i . (II.184) Ces variations dans la distribution du nombre de photons sont absentes dans les mé- langes statistiques de |αi et |−αi, qui contiennent tous les nombres de photons possibles. Ce sont donc les "franges sombres" dans la distribution du nombre de photons qui in- diquent la cohérence des états chats.

De plus, les états chats pair et impair sont états propres de l’opérateur parité du nombre de photons P, de valeurs propres +1 et −1, respectivement :

P ψ±cat = ± ψ±cat , (II.185) avec P = expiπˆa†aˆ  . (II.186)

Toujours en considérant α = ν + iµ√

2 , avec ν et µ réels, la fonction de Wigner des états

ψ±cat peut s’exprimer à partir des fonctions de Wigner des deux états cohérents formant les états chats et de l’état du vide, selon :

Wψ± cat(x, p) = 1 2(1 ± e−2|α|2 )W|αihα|(x, p) + W|−αih−α|(x, p) ± W|0ih0|(x, p)2 cos(2(xµ − νp)) . (II.187)

Nous avons représenté sur Fig.(II.8) les fonctions de Wigner des états chats pairs et impairs avec des amplitudes α différentes. Nous remarquons que lorsque l’amplitude des états chats est assez grande, nous distinguons bien les deux gaussiennes dues aux deux premiers termes d’Éq.(II.187) (que nous appellerons les "yeux" du chat dans le chapitre V), et des franges d’interférence au niveau de l’origine (que nous appellerons "moustaches" du chat), qui correspondent à la dernière partie d’Éq.(II.187), c’est-à-dire à la fonction de Wigner de l’état du vide modulé par un cosinus. La seule différence entre les fonctions de Wigner d’états chats pair et impair réside au niveau des franges d’interférence à l’origine, dont les phases sont simplement décalées d’un facteur de π. Pour des états chats dont les amplitudes sont faibles (α ≈ 1), la distinction entre les différents termes de la fonction de Wigner n’est plus évidente. D’ailleurs, lorsque | α |→ 0, la fonction de Wigner d’un état chat pair tend vers celle de l’état du vide et la fonction de Wigner d’un état chat impair tend vers celle d’un état à un photon.

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Figure II.8 – Représentations de la fonction de Wigner (II.187) d’états chats de Schrödinger impairs (à gauche) et pairs (à droite), avec des amplitudes α = 5 (en haut) et α = 1 (en bas).

de la supériorité quantique

Le fait qu’un système quantique puisse effectuer un calcul fut souligné en premier lieu par Paul Benioff et Richard Feynman (indépendamment l’un de l’autre) au début des années 1980 [Benioff, 1980]. D’une certaine manière, c’était une question qui allait proba- blement finir par apparaître naturellement toute seule, en considérant l’envie incessante de miniaturiser l’électronique. Au bout d’un moment, nous finirons par approcher d’un régime où la mécanique quantique sera indispensable pour décrire le fonctionnement des dispositifs informatiques. Puis, l’idée d’ordinateur quantique a vu le jour. De plus, les ordinateurs quantiques devraient être plus efficaces dans l’exécution de certains cal- culs que n’importe quelle machine classique. Malheureusement, les défis technologiques associés à la construction d’un ordinateur quantique à grande échelle n’ont pas encore permis la vérification expérimentale d’une telle attente. Récemment, le Boson Sampling (échantillonnage de bosons) est apparu comme un problème suspecté être insoluble sur n’importe quel ordinateur classique à une échelle suffisamment grande, mais qui peut être implémenté efficacement avec un système d’optique quantique linéaire. Nous avons seulement dit "suspecté", parce que la preuve de complexité fournie par Scott Aaronson et Alex Arkhipov dans [Aaronson and Arkhipov, 2014] repose sur certaines conjectures en informatique qui sont généralement considérées comme vraies, mais qui n’ont tou- jours pas été prouvées (nous présenterons ces conjectures dans la suite de ce chapitre). Par conséquent, le Boson Sampling peut offrir un défi réalisable expérimentalement à la thèse étendue de Church-Turing1. Cette remarquable possibilité a motivé en grande partie l’intérêt pour le Boson Sampling, au moins dans le contexte de la théorie de la complexité.

III.1 Théorie de la complexité

Nous nous intéressons ici à quelques notions de théorie de la complexité informatique afin de se faire une idée des arguments qui font du Boson Sampling un candidat idéal pour une démonstration de principe de la supériorité quantique.

La théorie de la complexité est un domaine des mathématiques, et plus précisément de l’informatique théorique, qui étudie formellement la quantité de ressources (temps, espace mémoire, etc.) minimale nécessaire à un algorithme pour résoudre un problème algorithmique. Il s’agit donc de déterminer la difficulté intrinsèque d’un problème, ba- sée sur cette quantité de ressources nécessaire, afin de pouvoir organiser des classes de complexité, et enfin de trouver des relations entre ces classes. Cette définition de la

1. La thèse étendue de Church-Turing affirme qu’une machine de Turing peut simuler efficacement tout système physiquement réalisable. La définition d’une machine de Turing est exposée dans ce qui suit.

III.1 Théorie de la complexité 49

complexité doit être universelle, c’est-à-dire indépendante du matériel utilisé, pour être significative. C’est pourquoi la notion de modèle de calcul est utilisée lors de démons- tration de complexité. De plus, le modèle de calcul le plus utilisé, bien qu’il ne soit pas le seul, est la machine de Turing.

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