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État des lieux avant l’arrêté ministériel du 12 juillet 2017

Partie 3 : Enquêtes auprès des officines d’Isère de l’impact de l’arrêté ministériel du 12 juillet

3.4 Discussion

3.4.1 État des lieux avant l’arrêté ministériel du 12 juillet 2017

Les mesures d’information des professionnels de santé concernés ont été entreprises par les autorités de santé dès mars 2016, avec une lettre de mise en garde de l’ANSM, à destination

notamment des pharmaciens. Cette dernière les avertissait de l’usage détourné d’antitussifs opiacés et d’antihistaminiques H1 sédatifs par des adolescents et jeunes adultes dans le cadre du Purple drank, mais leur mettait également à disposition les principales conduites à tenir à

adopter face à ces cas (81,92). De plus, d’autres sources de documentation étaient à disposition

des équipes officinales avant cette date, telles les revues pharmaceutiques (91,92). Par exemple, l’ONP avait publié en avril 2015 un cahier de formation traitant, en partie, de l’usage récréatif du médicament avec une section consacrée au Purple drank. L’ONP appelait à la vigilance des pharmaciens et remémorait leur obligation de refus de dispensation lorsque « l’intérêt de la santé du patient […] paraît l’exiger » (1). Ainsi, les officinaux ne pouvaient pas ne pas être au courant de l’existence de cette nouvelle pratique chez les jeunes. Cependant, 12,5% des professionnels exerçant au sein des pharmacies iséroises, contactés au cours de ce travail de

thèse, n’avaient pas connaissance de ce phénomène de mode au moment où a été réalisé le

sondage. Et, parmi ceux étant documentés à ce sujet, 12,9% n’en avaient entendu parler qu’au moment de l’arrêté ministériel du 12 juillet 2017. Malgré les nombreuses alertes diffusées par le biais des autorités de santé, la majorité des officinaux isérois a été informée par les médias

grands publics. Plus préoccupant encore, une large part d’entre eux se plaignait de ne pas avoir

été prévenue avant ces derniers et aurait apprécié plus de détails quant à l’attitude à mettre en

place au comptoir afin de faire face à ces demandes suspectes. Dans le même ordre d’idée, selon

une étude menée en septembre et octobre 2016 auprès des officines d’Aquitaine et des étudiants

en pharmacie à l’université de Bordeaux, 46,2% des pharmaciens et 63,9% des étudiants

attendaient également d’être plus informés (215). C’est ainsi qu’un problème de

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Afin d’appréhender plus efficacement les retombées de l’arrêté ministériel du 12 juillet 2017, de nouveaux moyens d’atteindre le public cible devront être envisagés, telles des « piqûres de

rappel » plus fréquentes adressées aux pharmaciens, mais il conviendra également à ces derniers de se tenir davantage informés de l’actualité pharmaceutique. En effet, il paraît difficile de réagir à une situation sans en être préalablement documenté.

Le fait d’être confronté à des demandes suspectes en lien avec le Purple drank était fortement dépendant de la localisation de la pharmacie. En effet, celles situées à proximité d’un lycée, de même qu’en ville et en centre commercial, y faisaient plus fréquemment face. C’est pourquoi elles étaient plus documentées et paraissaient plus vigilantes, que celles en zones

rurale / périurbaine et touristique, lorsque se présentait un cas douteux typique. Ces derniers

provenaient très majoritairement de mineurs et jeunes adultes âgés de 30 ans ou moins,

souhaitant une ou des spécialités bien précises, le plus souvent de l’EUPHON® sirop, du

PHENERGAN® ou du NEO-CODION® (82,92). Lors de la 1ère enquête s’intéressant au mois

de juin 2017, le CODOLIPRANE® comprimé était également souvent demandé par ce même

profil de consommateurs (20% des cas). Dans le même ordre d’idée, selon une étude menée

entre décembre 2016 et janvier 2017 auprès des officines du sud-ouest de la France, les

molécules les plus détournées dans un cadre récréatif étaient la codéine seule et la

prométhazine, suivies des médicaments contenant du paracétamol en association à la codéine

(216). Ce qui vient confirmer l’apparition des nouveaux signaux en 2015, s’ancrant par la suite

dans les pratiques adolescentes, de l’utilisation de spécialités renfermant du paracétamol en association à la codéine, exposant ces jeunes à un risque supplémentaire d’hépatotoxicité (118). Des demandes augmentant le weekend et des stratégies d’achat menées en groupe d’amis

étaient aisément décelées par les officinaux (82), respectivement mentionnées par 9,7% et 6,5%

des répondeurs isérois concernés. Une partie d’entre eux avait également conscience du

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usages récréatifs (81,91). En effet, les requêtes n’étaient pas toutes facilement identifiables. Par

exemple, certains jeunes s’orientaient sur des spécialités plus originales moins sujettes à des

détournements, telles la POLARAMINE® comprimé (dexchlorphéniramine) ou encore le

VEGETOSERUM® sirop (éthylmorphine), afin de ne pas éveiller les soupçons. Cette

adaptation des adolescents succédait à la mise en place de conduite à tenir au sein des officines

iséroises, qui au mois de juin 2017, repéraient de nombreux cas en lien avec le Purple drank et

tentaient de limiter les dispensations.

Ainsi, les pharmacies ayant majoritairement entrepris des actions étaient celles les plus fréquemment confrontées à des demandes suspectes, c’est-à-dire celles localisées à proximité d’un lycée, ainsi qu’en ville et en centre commercial. Généralement, les membres de l’équipe

officinale avaient pour consigne de refuser la dispensation lorsqu’ils repéraient un cas douteux,

comme préconisé par les autorités de santé (1,81,91). En plus de protéger la santé du patient en

question, cette conduite à tenir avait pour impact de diminuer, avec le temps, la fréquence des

requêtes en lien avec le Purple drank au sein de l’officine. Ce qui était déjà identifié, lors de la

1ère enquête portant sur la période du 1er au 30 juin 2017, par 74,8% des participants concernés.

Cependant, seulement 43,4% des pharmacies iséroises sondées avaient mis en place une

conduite à tenir afin de faire face à ces demandes. Plus alertant encore, d’autres

recommandations étaient établies et communiquées par les autorités de santé, mais faiblement

mises en application au sein des officines. En effet, 22,5% proposaient une autre spécialité au

patient, refusée systématiquement par ce dernier. Seulement 2,7% déclaraient les cas suspects

repérés aux CEIP-A, confirmant une part élevée de sous-notification. Et uniquement 1,8%

orientaient le patient vers une structure spécialisée (1,81,91,92,202). C’est pourquoi, face à tant

de disparités parmi les réactions des professionnels de santé officinaux, l’adoption d’une

conduite à tenir harmonisée au sein de la totalité des pharmacies du territoire français, et pas

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primordiale afin de limiter cet effet de mode mettant en danger une population fragile.

Évidemment, sans action suffisante et adaptée, les patients revenaient. Ce qui s’est vérifié jusqu’à l’apparition de l’arrêté ministériel du 12 juillet 2017, inscrivant sur la liste des médicaments à PMO la codéine, le DXM, l’éthylmorphine et la noscapine.

3.4.2 Stratégies pour obtenir les principes actifs à PMO depuis