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3. Microscope à force photonique

3.1. État de l’art sur le PhFM/AFM

L’AFM : Microscope à Force Atomique

La microscopie à force atomique est une technique d’imagerie de surface d’un échantillon. Découverte en 1986 par G. Binnig, F.C. Quate et Ch. Gerber [5], elle se base sur l’interaction entre la surface de l’échantillon et le bout de la pointe de la sonde. Les forces d’interactions entre les deux objets sont faibles (de l’ordre du nN) ce qui permet d’avoir une résolution latérale de 30 Å (10-10 m) et moins de 1 Å pour la résolution verticale.

Figure 3-1 : A gauche, schéma du principe de fonctionnement d’un AFM. La sonde balaye une surface, un laser focalisé sur le levier permet de reconstruire la topographie d’une surface en mesurant à l’aide d’un photo détecteur la déflexion du faisceau. A droite, c’est un photo MEB d’une pointe AFM avec un levier court. Ces pointes sont disponibles dans le commerce. L’image est issue d’un site commercial spécialisé dans la vente de pointe AFM (https://www.nanoandmore.fr/sonde-AFM-USC-F1.5-k0.6) et le schéma vient de la page web du groupe « nanoprobe » basé à l’université de Yale.

56 La pointe (protrusion + levier) est généralement fabriquée à partir de silicium, grâce à la gravure anisotrope du Si dans le KOH et avec la bonne orientation des plans cristallins du silicium il est possible de générer une pointe qui sera taillée au niveau atomique. Les images générées disposent d’une résolution sub-nanométrique.

Il existe trois options de fonctionnement pour les AFM (Voir description sur la Figure 3-2) :

 Le mode contact

Le mode intermittent ou dit « tapping »  Le mode sans contact

Figure 3-2 : Graphique de la force exercée sur un échantillon en fonction de la distance pointe-surface avec une illustration des trois modes de fonctionnement d’un AFM

Le mode contact où, comme son nom l’indique, la pointe est en contact avec la surface de l’échantillon permet de mesurer les forces pointe-échantillon avec une bonne précision. Le principe du balayage de surface est schématisé sur la Figure 3-1. Un laser est focalisé et réfléchi sur le dessus de la poutre, le faisceau est ensuite collecté sur un photo-détecteur. Lorsque le balayage est effectué chaque changement dans la topographie fera bouger le levier, ce mouvement sera visible par la déflexion du laser sur le détecteur. Il sera alors possible de reconstruire la topographie de la surface balayée en interprétant ces changements de signal du laser comme une variation de la topographie. En mode contact la distance pointe-échantillon reste inchangée et c’est le signal reçu par le photo-détecteur qui change.

Ces mesures permettent, par exemple, d’évaluer les forces intermoléculaires [6]. En liant la pointe de l’AFM à une bille d’agarose, à l’aide de biotine et d’avidine, il est possible de mesurer la force de détachement de paires moléculaires des polymères. En faisant une courbe d’approche-retrait avec la pointe de l’AFM sur une bille partiellement recouverte d’avidine on remarque la « marche » qui représente cette force. Le principe de la mesure est visible sur la Figure 3-3 (A) sur la courbe C. En

57 recouvrant partiellement la surface de la bille d’agarose d’agents bloquants la liaison pointe-bille ne se fait que pour un nombre limité de polymère. On a donc une mesure sur une molécule unique, la force de détachement d’une paire de polymère est de 160 pN pour la biotine. Le mode contact est utilisé pour l’étude des forces mises en jeu dans les interactions pointe-échantillon mais les images générées comportent souvent des artefacts dus à des problèmes d’accrochage de la pointe sur la surface. De plus, pour des échantillons fragiles le mode contact peut aussi abimer la surface.

C’est dans cette optique qu’il est préférable d’utiliser le mode dit « tapping ». Le levier est mis en vibration à sa fréquence de résonance avec une certaine amplitude, lorsque la pointe interagit avec une surface cette amplitude décroît (la fréquence de résonance change). Une boucle de retro-action rentre alors en jeu pour conserver l’amplitude initiale en faisant bouger la hauteur de la pointe. L’image est ainsi reconstruite en répertoriant ces changements de hauteur. Sur la Figure 3-3 (B) il y a une comparaison entre deux images d’AFM de la même surface. L’une est réalisée en mode contact (celle du dessus) et l’autre en mode tapping (celle du dessous). On voit bien que l’image obtenue en mode

tapping comporte beaucoup plus de détails et est mieux résolue. Ces deux images AFM ont été prises

par Q. Zhong et al [7]. Ce mode peut être aussi bien utilisé en phase liquide que dans l’air. C’est grâce à l’AFM en phase liquide qu’il est possible de sonder des échantillons biologiques [8]. En mode tapping, le milieu liquide permet d’avoir plus de pic de résonance et de ce fait permet d’obtenir des images d’objets biologiques.

Le dernier mode est le mode sans contact. Difficile à mettre en œuvre et difficile à interpréter, il peut avoir une résolution atomique. Comme dans le mode tapping le levier oscille à sa fréquence de résonance mais la pointe est positionnée juste au-dessus de la surface de l’échantillon ce qui permet d’avoir une cartographie du champ des forces présentes sur l’échantillon. On peut voir l’image obtenue par Sweetman et al [9] d’une molécule composée de plusieurs atomes d’hydrogène (photos de la Figure 3-3 (C)), on voit littéralement la disposition des atomes dans la molécule.

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Figure 3-3 : Images et photos tirées des articles pour illustrer les trois mode d’un AFM. (A) à gauche le principe de la fonctionnalisation de la pointe AFM et à droite 3 courbes d’approche-retrait avec pour A la courbe de référence, c’est-à-dire sans agent bloquant sur la bille d’agarose, B la bille est totalement recouverte d’agent bloquant et C celle-ci est partiellement recouverte c’est sur cette dernière qu’on peut voir la marche due au détachement de la paire moléculaire. L’illustration est issue de l’article de Florin et al [6]. (B) Images AFM d’une surface de fibre optique en silice contenant un revêtement de polymère résiduel, l’image du haut est obtenue en mode contact alors que celle du bas est obtenue en mode tapping. Les deux images sont issues de l’article de Q. Zhong et al [7]. (C) A gauche c’est un schéma d’une molécule d’un assemblage d’atome d’hydrogène (NTCDI : Diimide de naphtalène tétracarboxylique) et à droite une image AFM en mode sans contact de ce complexe. La taille de l’image est de 2x2 nm et elle est issue de l’article de Sweetman et al [9].

L’AFM s’impose comme la référence en terme d’imagerie à sonde locale. La résolution d’un tel dispositif n’est pas encore égalée. C’est un outil flexible qui permet de travailler avec quasiment tout type de matériaux et dans plusieurs environnements différents : air, liquide, ou dans le vide. La principale limitation réside dans l’obtention d’images sur des surfaces molles. En effet, il est possible de faire des balayages de surfaces molles mais un levier très souple est nécessaire ce qui détériore la résolution. Souvent les échantillons souples nécessitent des traitements impactant leur structure comme le besoin de fixer chimiquement (généralement au glutaraldéhyde) les objets biologiques comme par exemple les globules rouges [10]. La force exercée sur les échantillons souples par l’AFM, qui est généralement de l’ordre de 1 nN mais peut être plus faible (100 pN), les déforme ce qui se voit sur l’image finale. L’émergence d’une nouvelle technique de microscopie à sonde locale pourrait venir combler ce manque : c’est la microscopie à force photonique.

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Le PhFM : Microscope à Force Photonique

La microscopie à force photonique utilise le principe des pinces optiques, une particule est piégé dans le centre focal d’un faisceau laser. C’est avec cette particule piégée qu’on va obtenir la topographie de surface d’un échantillon. La lumière diffusée par la particule et celle non diffusée sont collectées par une lentille et projetées sur un appareil de détection qui permet de connaître la position de la bille dans les trois dimensions de l’espace dans le piège. Les premières études de cette technique d’imagerie datent de 1993 et sont menées par L. P. Ghislain et W. W. Webb [3]. Ils utilisent un dispositif de pinces optiques pour piéger une particule de verre pointue qui sert de sonde (ou pointe AFM) pour reconstruire une image. La reconstruction n’est possible que sur un plan 2D, la résolution dans l’axe optique n’étant pas connue.

Figure 3-4 : Dispositif utilisé par L.P. Ghislain et al. pour faire du balayage de surface avec des pinces

optiques (à gauche) et un graphique montrant les résultats d’un balayage (sur une seule ligne) d’une surface couverte de résine (à droite). La particule est en contact avec la surface et est bougée sur une ligne par une plateforme piézoélectrique. La trace du bas représente une ligne acquise loin de la surface.

La Figure 3-4 présente le dispositif utilisé et un des résultats obtenus lors d’un balayage d’une surface. On peut distinguer un pic qui est dû à une perturbation de la position de la particule dans le piège. Cette perturbation est générée par un élément physique de la surface qui pousse la particule hors de sa position d’équilibre. Tout ceci peut être interprété et permet de reconstruire une surface. Ces premiers résultats montrent la possibilité d’utiliser une particule à la géométrie particulière, piégée dans les pinces optiques, pour faire de la topographie de surface 2D (sans les dimensions sur l’axe optique z). D’après les auteurs, cet instrument permet de détecter des forces de l’ordre de 10-13 N (soit 0.1 pN) donc bien en dessous des leviers mécaniques disponibles dans la commerce pour des AFMs. Cette particularité ouvre la porte à la possibilité de faire de l’imagerie sur des surfaces biologiques telles que des cellules ou autres macromolécules.

Les premières images d’objets biologiques ont été obtenues par E. L. Florin et ses partenaires en 1997. Dans l’article [1], il montre une image d’un neurone obtenue par microscopie à force photonique (voir image de la Figure 3-5). Ici, l’image reconstituée est une topographie réelle d’un neurone. Le principe de la mesure est l’utilisation d’une bille piégée fluorescente qui sera balayée sur une surface sur laquelle des neurone et axone sont collés. La résolution latérale est donnée par la taille de la bille (200 nm dans l’article) et grâce à la fluorescence de la bille qui est activée par le laser utilisé (λ = 1064 nm)

60 il est possible d’avoir les dimensions dans l’axe optique et donc une topographie complète de la zone balayée (x, y et z).

Figure 3-5 : (a) et (b) Photo d’un neurone obtenue à l’aide d’un microscope optique, (c) image de la

topographie d’un neurone obtenue par la technique de microscopie à force photonique. Ces résultats sont ceux de Florin et al [1].

Plus récemment, Rohrbach et Friedrich [11] ont mis en place un système de microscopie à force photonique capable de reconstruire la topographie d’agglomérats de billes. Le système utilise une bille de polystyrène de 190 nm comme une sonde pour scanner les autres billes avec des diamètres qui varient de 280 à 500 nm. Le principe du balayage de surface et le résultat est donné sur la Figure 3-6

Figure 3-6 : Technique de microscopie à force photonique utilisée par Rohrbach et Friedrich [11]. Le schéma et les deux photos sont tirées de l'article. Nous voyons un agglomérat de billes sur la photo MEB (au centre) et l'image reconstruite de cet agglomérat par PhFM (à droite).

61 Cette technique de microscopie s’affirme de plus en plus dans le domaine de l’imagerie d’objets biologiques et s’affranchir des contraintes mécaniques d’un levier pourrait permettre l’acquisition d’images dans des zones difficiles d’accès (Pour un AFM conventionnel).

La taille du plus petit objet que l’on peut distinguer dépend donc de la taille de la particule piégée, plus la particule est petite plus la résolution sera élevée. Les pinces optiques permettent de piéger des particules de différentes géométries : billes, cylindres… Pour améliorer la résolution il serait alors judicieux d’utiliser une pointe, comme sur un AFM, pour augmenter la résolution. La fabrication de cylindres taillés en pointes ou alors de cônes permettra cela.

Pour rappel l’idée générale du projet est la mise au point d’un microscope à force photonique qui utilise des microparticules spécialement conçues pour l’application. Ces particules doivent avoir un corps cylindrique et une protrusion sur une extrémité qui mime une pointe AFM comme illustré sur la Figure 3-7. Dans la suite, je vais expliquer comment fabriquer ces pointes et comment elles ont été utilisées dans un dispositif de pinces optiques pour faire de l’imagerie de topographie de surface.

Figure 3-7 : illustration du concept de microscope à force photonique. Un cylindre taillé en pointe est piégé dans un faisceau laser et balaye une surface. L’objectif est de reconstruire la topographie en regardant le déplacement de l’objet par rapport à sa position d’équilibre dans le piège.