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État de l’art : les cavités salines et la transition énergétique

3.2.1

Quelques dates et ordres de grandeur

Le stockage souterrain présente de nombreux avantages par rapport au stockage en surface, notamment en matière d’encombrement et de sécurité. La capacité de stockage y est très importante, pour un encombrement de surface limité. Il permet de plus d’at- teindre des pressions de stockage élevées, et de stocker des produits dangereux, en toute sécurité et à moindre coût. La première utilisation de cavités salines pour le stockage de

gaz naturel est souvent attribué à Marysville, dans le Michigan en 1961 (Allen, 1972), mais d’autres activités similaires ont été relevées à la même période, à Hutchinson, dans le Kansas, et Tees, en Angleterre (Thoms and Gehle, 2000).

Aujourd’hui dans le monde, il existe une centaine de sites de stockage en cavités salines localisés pour la plupart en Europe et en Amérique du Nord, pour un total d’environ 600 cavités, chaque site comprenant entre une seule et quelques dizaines de cavités. Leur profondeur varie de quelques centaines à quelques milliers de mètres. Le volume moyen d’une cavité est de 300 000 m3; leur formes et taille sont variées, dépen- dant par exemple de la géologie, si le sel est en dôme ou en couche, selon l’épaisseur de sel disponible et sa qualité.

Les mesures in situ sont primordiales pour étudier le comportement du sel, en particulier à long terme. Contrairement à d’autres types d’ouvrages souterrains, l’ob- servation directe des parois des cavités salines est impossible. Deux types de mesures peuvent être réalisées : des mesures en tête, et des mesures à distance, dans la cavité. En tête du puits, on peut mesurer la température, et notamment celle des fluides soutirés. Si la cavité est fermée, on peut mesurer la pression en tête, et si elle est ouverte on peut mesurer le volume de fluide injecté ou soutiré. Dans la cavité elle-même, des mesures sonar ou laser sont effectuées pour évaluer la géométrie de la cavité et en particulier son volume. Des mesures de pression et de température sont également effectuées au sein de la cavité. Traditionnellement ces mesures sont réalisées périodiquement, au même titre que l’imagerie des parois. De nouvelles technologies sont développées pour réaliser ces mesures en continu, par exemple des capteurs de pression et de température suspendus au milieu de la cavité (Klafki et al., 2003; Heath and Benefield, 2010). Même si leur interprétation est compliquée et donc à ce jour limitée, les données mesurées dans des cavités depuis plusieurs dizaines d’années apportent des informations sur des échelles de temps jamais accessibles au laboratoire.

3.2.2

Anciennes et nouvelles utilisations des cavités salines

La majorité des cavités de stockage lessivées dans le sel sont utilisées aujourd’hui pour le gaz naturel, pour un stockage de type saisonnier. En effet, si la production de gaz naturel est relativement stable au cours de l’année, la consommation quant à elle varie largement avec les saisons. Le surplus de gaz produit quand la demande est faible, en été, est donc stocké dans les cavités, pour être ensuite déstocké en hiver, quand la demande excède la production. Ce stockage saisonnier est illustré par la Figure 3.1.

On cherche aujourd’hui à utiliser les cavités salines pour le stockage d’autres formes d’énergie, en particulier dans le contexte de la transition énergétique et du dévelop- pement des énergies renouvelables (Loi n◦ 2015-992, 2015; Alazard-Toux et al., 2013, 2016). En effet, avec les énergies renouvelables, la question du stockage devient pri- mordiale, car elles sont par nature intermittentes et imprévisibles. Par exemple, les énergies solaires et éoliennes sont tributaires des horaires, des saisons, ou des phéno- mènes climatiques. Toute cette énergie doit être transformée en énergie électrique mais naturellement, les pics de production ne correspondent pas aux pics de consommation, donc l’électricité doit être stockée.

86 Chapitre 3. Application à l’échelle d’une cavité

UN APPROVISIONNEMENT RELATIVEMENT

DIVERSIFIÉ TOUJOURS DOMINÉ PAR LA NORVÈGE

ET DES CONTRATS DE COURT TERME ENCORE

ATTRACTIFS

La Norvège renforce de nouveau sa place de principal fournisseur

de gaz naturel de la France, avec 42,2 % du total des entrées

brutes et des quantités en hausse par rapport à 2014 (+ 8,8 %).

La Russie reste le deuxième fournisseur devant les Pays-Bas,

mais les volumes importés en provenance de ces deux pays

diminuent respectivement de 6,5 % et 1,8 %. Avec 9,4 % des

entrées brutes, le GNL algérien est la quatrième source

d’approvisionnement de la France, en repli de 2,3 % sur un an,

tandis que le GNL qatari poursuit sa baisse entamée en 2012 et

ne représente plus que 1,1 % des entrées brutes en 2015. Les

achats de gaz naturel sur les marchés du Nord-Ouest de l’Europe,

pour lesquels le lieu de production du gaz n’est pas connu

avec précision, représentent 22,5 % des entrées brutes, contre

25,7 % en 2014.

La part des contrats de court terme (moins de deux ans)

dans les approvisionnements avait chuté à 14,4 % en 2013, avant

d’atteindre 21,9 % en 2014. Elle est en légère diminution en

2015, à 20,9 %, en raison de la reprise des importations sur

contrats de moyen terme. Les prix sur les marchés de gros du

gaz du nord-ouest de l’Europe

1

avaient baissé plus fortement

que les prix des approvisionnements réalisés via des contrats

de long terme en 2014, entraînant ainsi un plus grand recours

aux approvisionnements sur les marchés du gaz. Durant l’année

2015, l’écart entre les prix des contrats de long terme et les prix

sur les marchés du gaz se réduit progressivement en raison de

la croissance de l’indexation de ces contrats sur les marchés du

gaz.

Champ : France métropolitaine.

Source : SOeS, enquête mensuelle auprès des gestionnaires d’infrastructures gazières

Importations de gaz naturel selon le pays de provenance

depuis 1973

En TWh PCS

1 NBP (Royaume-Uni), NCG et Gaspool (Allemagne), Zeebrugge Beach et ZTP

(Belgique), TTF (Pays-Bas), PEG Nord (France).

0 100 200 300 400 500 600 1973 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 Autres et indéterminés Qatar

Nigeria (yc swaps) Algérie

Pays-Bas Russie Norvège

DES STOCKS AU PROFIL SAISONNIER TRÈS MARQUÉ,

MAIS GLOBALEMENT EN BAISSE EN 2015

Comme, d’une part, la consommation de gaz est trois fois plus

importante pendant la période de chauffage et que, d’autre part,

les quantités importées sont limitées à la fois par la disponibilité

du GNL sur le marché et par les débits des gazoducs, l’ajustement

des ressources aux emplois est assuré en modulant les réserves

souterraines. Ainsi, en janvier 2015, les importations ont couvert

seulement 52 % de la consommation et les réserves souterraines

ont fourni le complément. À l’inverse, en août 2015, moins de la

moitié (40 %) des importations nettes

2

ont été consommées, ce

qui a permis de stocker le solde (60 %).

Champ : France métropolitaine.

Source : SOeS, enquête mensuelle auprès des gestionnaires d’infrastructures gazières

Ajustement mensuel des ressources en gaz naturel

aux emplois depuis janvier 2013

En TWh PCS

2 Importations nettes des exportations. - 40 - 20 0 20 40 60 80

janv-13 mars-13 mai-13 juil-13 sept-13 nov-13 janv-14 mars-14 mai-14 juil-14 sept-14 nov-14 janv-15 mars-15 mai-15 juil-15 sept-15 nov-15 janv-16 mars-16 mai-16 juil-16 sept-16 nov-16

Soutirages des stocks Importations nettes Consommation totale (hors pertes)

L’année 2015 s’est soldée par un soutirage net de 5,6 TWh.

Avec le recul des importations brutes et la hausse de la demande

du fait de températures légèrement moins douces, le niveau des

stocks utiles en 2015 est ainsi inférieur à celui de 2014 pendant

les douze mois de l’année. À la fin 2015, ce niveau est inférieur

de 6,4 % à celui de fin 2014. D’avril à octobre 2015, période de

remplissage, les réserves souterraines augmentent globalement

de 95,1 TWh, contre 91,1 TWh en 2014. En revanche, lors des

périodes de soutirage (janvier à mars, novembre et décembre),

les réserves diminuent nettement, de 100,8 TWh en 2015, contre

75,6 TWh en 2014.

Champ : France métropolitaine.

Source : SOeS, enquête mensuelle auprès des gestionnaires d’infrastructures gazières

Niveau des stocks utiles en fin de mois depuis janvier

2013

En TWh PCS 20 40 60 80 100 120 140

janvier février mars avril mai juin juillet août

septembre octobrenovembredécembre

2013 2014 2015 2016

Figure 3.1 – Principe du stockage saisonnier (Mombel, 2017).

contraintes imposées par les énergies renouvelables. On développe deux exemples de techniques de stockage d’énergie, le stockage d’air comprimé et le "Power to Gas", qui nécessitent le stockage de grandes quantités de gaz mobilisables rapidement, et donc pour lesquelles les cavités salines apparaissent très prometteuses, car elles peuvent fournir des débits élevés, de manière réversible et à moindre coût.

Le stockage d’air comprimé, abrégé CAES (Compressed Air Energy Storage), utilise l’énergie pour compresser de l’air, qui est ensuite réutilisé pour produire de l’électricité, avec un rendement de l’ordre de 50 %. Entre ces deux étapes, l’air comprimé est stocké en grande quantité dans des cavités salines. Le principe de fonctionnement du CAES est illustré par la Figure 3.2. Cette technique est déjà en fonctionnement depuis de nombreuses années sur les sites de McIntosh (USA) (Mehta, 1987) et d’Huntorf (Allemagne) (Crotogino et al., 2001). Actuellement, le principe du CAES fait l’objet de nouvelles recherches et développement, par exemple avec le CAES adiabatique (AA- CAES) permettant d’augmenter le rendement théorique jusqu’à 70 % (Bannach and Klafki, 2012; Gulagi et al., 2016; Sciacovelli et al., 2017; Réveillère and Londe, 2017).

Une autre technique de stockage d’énergie est le PtG (Power to Gas), basée sur l’électrolyse de l’eau1. Le dihydrogène résultant est soit stocké directement, soit mé- langé à du gaz naturel pour être utilisé comme gaz de ville (Taljan et al., 2008; Ozarslan, 2012; Le Duigou et al., 2017; Michalski et al., 2017). Dans les deux cas, une large capa- cité de stockage de gaz est nécessaire. Plusieurs sites de stockage d’hydrogène en cavités salines sont opérationnels, comme celui de Kiel en Allemagne depuis les années 1970, celui de Teeside en Angleterre depuis les années 1980, et ceux de Clemmons Dome

Figure 3.2 – Principe de fonctionnement du CAES (image Storelectric Ltd).

et Moss Bluff, au Texas, depuis les années 1980 et 2000, respectivement (Djizanne, 2014). Au lieu de stocker directement le dihydrogène, il peut être utilisé dans une ré- action de méthanation avec du CO22(Schiebahn et al., 2015; Götz et al., 2016). Cette technique est notamment utilisée dans le processus EMO (Electrolyse-Méthanation- Oxycombustion), développée dans le cadre du projet FluidStory (Projet FluidStory, 2017). Dans ce processus, l’électrolyse et la méthanation sont associées à une oxy- combustion, ce qui permet de travailler en boucle fermée. Le dihydrogène résultant de l’électrolyse est utilisé dans l’oxycombustion du méthane produit par méthanation. Le dioxide de carbone produit lors de l’oxycombustion est utilisé dans la méthanation avec le dihydrogène produit par électrolyse. Ce processus est illustré dans la Figure 3.3. Les cavités salines apparaissent comme une bonne solution pour stocker les produits in- termédiaires du processus EMO, qui représentent de gros volumes de gaz mobilisables rapidement.

Ces nouvelles utilisations des cavités salines posent des nouvelles questions quant à leurs conditions d’exploitation et donc leur dimensionnement. Premièrement, les vi- tesses de cyclage sont beaucoup plus élevées. Au lieu du classique cyclage saisonnier, les cycles d’injection/soutirage peuvent ne durer qu’une semaine ou une journée, et sont tributaires de la production énergétique incontrôlable et de la demande des consomma- teurs. Ces variations brutales de pression imposent à la cavité des nouvelles gammes de sollicitations mécaniques et surtout thermiques, qu’il convient d’étudier. Notons toute- fois que dans le cas du CAES, le fonctionnement optimal est atteint en limitant l’écart

Figure 3.3 – Principe de fonctionnement du processus EMO (image FluidStory).

entre les pressions minimale et maximale au cours d’un cycle, ce qui est possible si la cavité utilisée a une grande capacité et que la quantité de gaz soutirée ne donne pas lieu à une grosse variation de pression. Ce fonctionnement avec des faibles variations de pression est peu contraignant pour la cavité.

Deuxièmement, les nouvelles utilisations des cavités salines nécessitent le stockage de nouveaux fluides. Au lieu du traditionnel gaz naturel, on stocke de l’air comprimé, du dihydrogène, du dioxyde de carbone etc, qui ont potentiellement des comportements thermodynamiques différents. En particulier, le stockage du dihydrogène présente un risque de fuite plus élevé que celui des autres gaz en raison de sa faible viscosité dy- namique et de son coefficient de diffusion très élevé en raison de la petite taille de ses molécules.

L’évolution des utilisations des cavités salines et donc des sollicitations auxquelles elles sont soumises invite à remettre en question les méthodologies de dimensionnement utilisées depuis de nombreuses années. Dans la suite, on présente de nouveaux critères de dimensionnement, permettant une analyse plus précise et plus cohérente des phéno- mènes de dilatance et de traction, et répondre au mieux aux nouvelles problématiques de la transition énergétique.

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