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Établissement matrimonial et migration inter-paroissiale

Le phénomène migratoire poussant un individu à quitter sa paroisse rurale d’origine pour tenter de se construire un avenir au sein d’un espace urbain qu’il espère plein de promesses bénéficie depuis déjà longtemps d’une connaissance assez bien établie grâce à l’étude des deux sources matrimoniales que sont l’acte paroissial et le contrat notarié. Nettement moins développé se trouve être le savoir dont nous pouvons disposer concernant la place occupée par la migration intra-urbaine dans le quotidien des populations d’Ancien Régime, particulièrement dans celui des plus fragiles de ses représentants. Cet état de fait tient sans doute à un désintérêt de la part de la communauté historienne relativement à cette question, désintérêt peut-être également porté ou accentué par les difficultés, voire les impossibilités méthodologiques, qu’engendre une recherche d’un tel type.

Travaillant sur le voisinage lyonnais dans les années précédant la Révolution française, Marc Vacher se voit contraint, pour appréhender l’existence et l’importance de la migration intra-urbaine, de mobiliser une source archivistique qui illustre bien ces difficultés. La « stabilité et mobilité des voisins »67 est étudiée au travers de l’archive judiciaire et, plus précisément, de 157 dépositions de témoins évoquant, chacune d’entre elles, une durée d’occupation plus ou moins longue d’un logement. Le biais adopté est pour le moins singulier et l’auteur assume d’ailleurs sans détour les interrogations qu’une telle option méthodologique

66 Les distances parcourues sont prises au plus court à travers le réseau routier actuel. Elles sont calculées grâce

au site internet <http://www.viamichelin.fr/>, par ailleurs très utile pour retrouver une ancienne paroisse et la placer sur la carte.

67 M. V

ACHER, Voisins…, op. cit., <http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2002/vacher_m#p=0&a=top>, première partie. La société des voisins, chapitre 2. « Habiter la ville », C. Stabilité et mobilité des voisins, p. 93-

109. La pagination utilisée reprend celle attribuée au document après son téléchargement sous format Adobe Reader.

92 | F o l i o ne peut manquer de susciter68. Malgré la reconnaissance de leurs limites, l’auteur affirme que « les documents qui fournissent les renseignements les meilleurs restent les archives judiciaires de la Sénéchaussée criminelle »69. Une telle conviction nous paraissant peu satisfaisante, tentons d’emprunter des chemins de traverse avec l’espoir d’un aboutissement fructueux et pertinent.

L’abord d’une mobilité intra-urbaine suppose la connaissance et la considération de deux données. Quand la première est le nom d’un chef de foyer quelconque, la seconde se trouve être celle d’un lieu géographique plus ou moins précis associé à ce dit nom. À partir de chacun de ces renseignements, la recherche peut suivre deux axes différents, selon que l’une ou l’autre donnée soit considérée comme sa base. Une priorité conférée à une mobilisation du patronyme ouvre sur le principe de la reconstitution familiale, via la source des registres paroissiaux de sacrements. Parmi tous les éléments d’information qu’une telle approche peut apporter à la connaissance de la cellule familiale d’Ancien Régime figure celui de sa mobilité inter-paroissiale. Cette considération ne préjuge évidemment pas de l’ensemble des déménagements réalisés par un chef de foyer, question sur laquelle nous nous attardons plus avant, mais elle permet de tenter une mise en lumière des changements plus ou moins importants de milieu géographique et de donner l’occasion d’avancer les éventuelles causes de ceux-là.

L’essentiel des données recueillies porte sur la période la plus encline à produire des actes paroissiaux, soit les quinze à vingt années au commencement desquelles la femme prend mari et au terme desquelles elle devient inféconde. Passée cette période, la localisation régulière du foyer considéré devient plus lâche jusqu’au décès de son chef ou de sa conjointe, même si la disparition plus ou moins tardive d’un enfant du couple, le mariage de ce dernier ou celui de son père en secondes ou subséquentes noces permettent de ne pas totalement rester à l’écart des choix résidentiels des individus observés. Le recours à des sources complémentaires, d’ordre essentiellement fiscal, autorise en partie à pallier les insuffisances générées par l’utilisation du seul registre sacramental.

68 Les interrogations en question sont notamment celles relatives à la faiblesse quantitative de l’échantillon et au

caractère incertain de sa représentativité (M. VACHER, Voisins…, op. cit., p. 95). Il s’ajoute à cela le fait que

l’objet de la réflexion est d’« évaluer, non pas la durée réelle d’occupation d’un appartement mais le degré de stabilité des locataires et des ménages lyonnais », retirant ainsi à l’étude menée un degré supplémentaire de précision (idem, p. 94). Une dernière limite relative à la méthodologie adoptée est que la source mobilisée ne permet que très aléatoirement de connaître la destination des individus mentionnant leur déménagement, toujours unique et ne permettant donc pas de bénéficier d’une perception chronologiquement étendue du phénomène migratoire (id., p. 109).

93 | F o l i o 2.1. Union et résidences paroissiales

2.1.1. Mobilité familiale et intégration urbaine

La ville est une formidable génératrice d’unions matrimoniales. Les cas d’espèce mis en lumière par les 33 foyers étudiés illustrent parfaitement cette tendance lourde. Rares sont les conjoints de notre corpus qui débutent leurs vies conjugales en étant domiciliés en dehors de l’une des 12 paroisses de Nantes. Seuls trois couples sont déjà unis par les liens sacrés du mariage lors de leurs intégrations à l’espace urbain nantais. Le 20 novembre 1725, Pierre Daviau épouse Marie Nicou dans l’église de la paroisse Saint-Donatien, limitrophe de celle Saint-Clément70. Tous les deux sont originaires de l’île de Noirmoutier. Marie est présentée comme résidente de la paroisse Saint-Donatien depuis plusieurs années, quand la situation de Pierre nous reste inconnue71. Après cette union, le suivi du couple se révèle délicat. Nous ne le retrouvons que cinq ans plus tard, à l’autre bout de la ville et à l’occasion du baptême de leur fille. Née le 6 septembre 1730, Jeanne décède le 14 du même mois72. Les deux époux sont alors domiciliés paroisse Saint-Nicolas, rue de la Nation. Leur apparition suivante dans les registres paroissiaux est aussi la dernière. Le 8 mars 1734, Pierre Daviau, désormais veuf, épouse Louise Girard en secondes noces73. Passé cet évènement, le foyer échappe à notre attention.

Second couple marié hors de Nantes, celui constitué d’Élie Rondeau et de Jeanne Gaudin s’unit paroisse Saint-Symphorien de Couëron le 22 février 171874

. Leurs deux premiers enfants y naissent en 1719 et 172275, auparavant qu’une migration paroisse Sainte- Croix de Nantes voit Jeanne mettre au monde quatre autres enfants entre 1726 et 173476.

Troisième et dernier exemple, le foyer formé par Pierre-Jacques Courtois et Julienne Briel apparaît sur la scène nantaise le 27 février 1728, à travers le décès de Julienne à l’hôtel- Dieu77. Âgée de 50 ans, elle est identifiée comme originaire du Pertre, une paroisse située à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Rennes. Lorsque son veuf se remarie le 6 avril suivant, l’acte paroissial signale une origine de la paroisse Toussaint de Rennes et une

70 ADLA

[web], Nantes, 1722, Saint-Donatien, v. 36, p. gauche, 25 novembre.

71

L’acte paroissial évoque la publication d’un ban dans la paroisse de Saint-Philbert, dépendant de l’évêché de Luçon. Il s’agit sans doute de l’actuelle commune de Saint-Philbert-de-Bouaine, située à une trentaine de kilomètres au sud de Nantes et possible étape du futur marié sur la route le conduisant de Noirmoutier à Nantes.

72 ADLA

[web], Nantes, 1730, Saint-Nicolas, v. 32, p. droite, 7 septembre et v. 34, p. gauche, 14 septembre.

73 ADLA

[web], Nantes, 1734, Saint-Saturnin, v. 7, p. droite, 8 mars.

74

ADLA[web], Couëron, 1718, Saint-Symphorien, v. 5, p. droite, 22 février.

75 ADLA

[web], Couëron, 1719 et 1722, Saint-Symphorien, v. 5 et 11, p. droite et gauche, 3 mars et 19 mai.

76 ADLA

[web], Nantes, 1726, 1728, 1729 et 1734, Sainte-Croix, v. 4, 35, 48 et 65, p. droite (3) et gauche, 1er mars, 13 septembre, 28 décembre et 3 janvier.

77 ADLA

94 | F o l i o domiciliation depuis quatre ans dans celle Saint-Léonard78. Bien que ne disposant ni de la date ni du lieu des premières noces de Pierre-Jacques Courtois, les informations précédemment évoquées permettent d’avancer, sans prendre trop de risques, qu’elles durent être célébrées avant son arrivée à Nantes, peut-être même à Rennes. Singulier, le parcours de ces trois couples paraît néanmoins pouvoir se comprendre.

La qualité de mendiant par laquelle Pierre-Jacques Courtois est désigné lors de la naissance du premier enfant issu de son second mariage semble expliquer sa venue à Nantes comme la recherche d’un avenir meilleur dans une ville paraissant pouvoir offrir un éventail d’opportunités plus large que ne semble être en mesure de le faire une cité plus petite et moins dynamique telle que Rennes l’est à l’époque. Les déplacements des deux premiers couples s’analysent davantage par la proximité de Nantes que les paroisses de mariage partagent. Bien que n’étant pas une des 12 paroisses officielles de la ville, celle Saint-Donatien en est un véritable prolongement et le passage de l’une à l’autre s’apparente davantage à un simple déménagement qu’à une véritable migration ou un changement d’aire géographique. Saint- Symphorien de Couëron est plus éloignée, une quinzaine de kilomètres, toutefois le déplacement reste limité et peut s’expliquer, tant par l’implantation géographique de cette paroisse que par la profession exercée par le chef du foyer considéré. Tout comme Nantes, Couëron est au bord de la Loire et Pierre Rondeau, en tant que batelier, vit du travail qu’elle peut lui fournir en tant qu’avant-port de la capitale du diocèse. Il est fort possible que ses déplacements l’amènent régulièrement jusqu’à Nantes et que la perspective d’un surcroît d’activité procuré par son port, à l’époque en plein développement, le pousse rapidement à y installer son épouse et le survivant de ses deux premiers enfants. Au-delà de la spécificité de ces trois trajectoires, la norme veut que la migration soit celle d’individus célibataires, attendant leurs implantations dans la ville pour y construire chacun une vie familiale. Quel que soit l’endroit de sa célébration, le mariage présuppose généralement l’établissement professionnel de l’époux et géographique du ménage et, par conséquent, entraîne une limitation pour ce dernier à changer radicalement d’environnement79.

2.1.2. Durée de résidence paroissiale et union matrimoniale

Conditionnée par les préceptes de la législation royale, la tenue du registre paroissial par le recteur de paroisse ou son vicaire n’en reste pas moins soumise à l’appréciation toute

78 ADLA

[web], Nantes, 1728, Saint-Léonard, v. 5, p. gauche, 6 avril.

79 Un travail réalisé sur l’ensemble des baptêmes d’enfants célébrés dans l’église paroissiale Saint-Léonard en

1760 confirme, quoique de manière sensiblement moins prégnante, l’impression révélée par notre corpus. Sur les 62 enfants légitimes baptisés cette année-là, au moins 51 sont issus de couples mariés à Nantes (82,26 %).

95 | F o l i o personnelle de celui qui s’en trouve chargé. L’accent est souvent mis sur l’imprécision ou l’insuffisance rédactionnelle des actes sacramentaux, notamment en ce qui concerne les grosses de registres originaux. Toutefois, il arrive que le scripteur précise des informations qu’aucun texte de loi ne l’enjoint pourtant à coucher sur le papier. Parmi elles, nous pouvons citer la profession exercée par l’épouse, mais aussi la durée de domiciliation des conjoints dans leurs paroisses lorsqu’ils n’en sont pas originaires. Celle-là s’observe particulièrement au sein des registres de la paroisse Saint-Léonard et s’y concentre entre les années 1722 et 176280. Ce sont 443 couples du second peuple qui s’unissent au cours de ces quarante-et-une années. Parmi les 886 individus concernés, 379 nous permettent d’aborder la question de la durée de domiciliation paroissiale avant une célébration des noces dans l’église Saint-Léonard (42,78 %). Ce résultat est moins la conséquence de lacunes que celle de la diversité des situations de chacun. Ont été exclus de nos calculs, les époux nés à Nantes, ainsi que ceux se mariant en situation préalable de veuvage. De même, lorsqu’un conjoint se marie après deux domiciliations nantaises successives et que seule la seconde se trouve temporellement bornée, il reste en dehors des cas servant notre étude.

Tableau 005

Durée de résidence paroissiale avant le mariage (Saint-Léonard : 1722-1762)

Durée Hommes % Femmes % Total %

0-5 mois 7 3,57 5 2,73 12 3,17 6-11 mois 18 9,18 10 5,46 28 7,39 1 an 11 5,61 8 4,37 19 5,01 13-23 mois 35 17,86 28 15,3 63 16,62 2 ans 25 12,76 24 13,11 49 12,93 3 ans 11 5,61 10 5,46 21 5,54 4 ans 11 5,61 7 3,83 18 4,75 5-9 ans 11 5,61 13 7,1 24 6,33 10 ans et + 11 5,61 6 3,28 17 4,49 Plusieurs années 51 26,02 67 36,61 118 31,13 Plusieurs mois 3 1,53 3 0,79 (Très) longtemps 2 1,02 5 2,73 7 1,85 Total 196 99,99 183 99,98 379 100

L’intérêt d’une telle mise en lumière est d’essayer de donner quelques éclairages sur un phénomène généralement difficile à saisir par manque de sources, notamment et surtout d’ordre sériel. Son évaluation, ainsi que la compréhension de ses manifestations diverses constituent pourtant un apport non négligeable en faveur d’une connaissance améliorée du lien tissé entre individu et ville d’accueil. L’émigration de sa paroisse rurale d’origine se

80

Au-delà de 1762, la mention des durées de domiciliation dans les actes de mariage redevient une rareté. Cette presque totale négligence se double du caractère très vague de la plupart des mentions relevées.

96 | F o l i o réalise la plupart du temps dans la perspective de se construire un avenir au cœur de la grande cité nantaise. Un des piliers de l’intégration urbaine est la constitution d’un ménage et, comme préalable obligé, celui de l’union matrimoniale. La considération des noces célébrées paroisse Saint-Léonard révèle une pluralité de situations, tant au niveau temporel qu’à celui du genre.

Pour ce qui concerne les hommes, une part non négligeable d’entre eux contracte mariage après seulement un maximum d’un an passé à Nantes ou dans sa paroisse d’accueil (tab.005, f.95)81. C’est le cas pour un immigré sur cinq (19,9 %). Parmi eux, figure notamment Julien Moriceau. Originaire de la paroisse de Riaillé, ce couvreur d’ardoise n’est présent à Nantes que depuis trois à quatre mois lorsque Jeanne Langlois, née et domiciliée paroisse Saint-Léonard, devient sa femme le 29 octobre 172682. Ce qu’illustre l’expérience de Julien Moriceau est une réalité que partagent également certaines femmes, mais celles-là apparaissent pourtant moins sujettes à ce type d’unions précoces. Il ne touche qu’environ une épouse sur huit (12,57 %). Les mariages qui interviennent au cours de la seconde année de domiciliation sont une nouvelle fois davantage l’apanage d’hommes que de femmes, mais l’écart constaté se réduit très sensiblement (17,86 et 15,3 %). Le basculement intervient finalement après deux ans de domiciliation. Ce sont alors les épouses qui, proportionnellement à leur volume total, passent devant les époux (13,11 et 12,76 %). À compter de ce délai, 62,24 % des immigrés se marient, contre 72,13 % de leurs homologues féminins. Autre enseignement notable de cette étude, les hommes sont un sur deux à prendre épouse avant d’atteindre une période de trois ans révolus de domiciliation (50,51 %). Les femmes ne sont en comparaison que deux sur cinq à être dans ce cas (40,98 %). L’exposition de données brutes souligne la diversité des situations existantes, mais elle n’éclaire pas pour autant les causes des principaux enseignements de la statistique.

Deux grands mouvements méritent que nous tentions d’y apporter quelque explication. Le premier est la tendance plus volontiers masculine que féminine à créer une cellule familiale dans un délai plus ou moins court après installation au sein d’un nouvel espace

81 Tous les hommes mariés paroisse Saint-Léonard ne résident pas, du moins officiellement, dans une des 12

paroisses de la ville. Si la plupart de ces non-résidents vivent dans des paroisses limitrophes ou périphériques telles que Saint-Médard de Doulon, Saint-Donatien, Saint-Sébastien d’Aigne ou Saint-Pierre de Rezé, quelques autres sont établis sur le territoire de paroisses plus éloignées de la ville (3,57 %). Non domiciliés à Nantes, ils n’en restent pas moins des immigrés s’y mariant.

82 ADLA

[web], Nantes, 1726, Saint-Léonard, v. 10, p. gauche, 29 octobre. L’actuelle commune de Riaillé est située à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Nantes. Une publication des bans uniquement dans cette paroisse et celle Saint-Léonard prouve la récente installation nantaise du marié. La rapidité de ce mariage ne semble pas non plus être la conséquence de liens plus anciens entre les époux puisque la mariée est native de Nantes. Les seuls liens repérables sont une même domiciliation paroisse Saint-Léonard et le fait que l’épouse soit la veuve d’un couvreur d’ardoise.

97 | F o l i o d’habitation. Le fait que, à la suite de leurs venues à Nantes, les femmes se marient sensiblement plus tard que ne le font les hommes peut s’interpréter de diverses manières. Il est en premier lieu envisageable qu’elles gagnent la ville plus précocement que les hommes et que cet âge plus tendre détermine une union par conséquent plus tardive. Au regard des faits, une telle hypothèse ne paraît pas devoir être retenue comme pertinente. Les femmes qui se marient paroisse Saint-Léonard après deux, trois ou quatre ans de résidence nantaise sont en moyenne âgées de 25,65 ans à leurs arrivées en ville. Les hommes affichent quant à eux un âge moyen de 28,86 ans, mais cette différence supérieure à trois années ne vient pas pour autant contredire notre sentiment83. Tout d’abord, les femmes ne sont pas particulièrement jeunes, puisque majeures en moyenne. Ensuite, la constatation d’une maturité masculine plus affirmée tient davantage de l’influence de quelques cas sur un corpus limité que d’un âge moyen représentatif d’un ensemble cohérent (tab.006). Trois hommes se marient à 40, 45 et 49 ans, quand la mariée la plus âgée n’a que 37 ans. Les arrivées en ville entre 20 et 39 ans par tranche de cinq ans montrent une répartition assez bien équilibrée. Selon nous, la précocité masculine à prendre épouse tient davantage à l’importance de deux facteurs.

Tableau 006

Âges à leurs arrivées en ville des mariés de Saint-Léonard après 2 à 4 ans de résidence (1722-1762)

Âge Femmes Hommes

Moins de 20 ans 1 20-24 ans 7 6 25-29 ans 8 8 30-34 ans 1 1 35-39 ans 1 2 40 ans et plus 3 Total 17 21

Le premier de ces facteurs est relatif à la contribution principale que chacun des deux époux apporte au moment de son union. Même si l’apport matériel du futur époux à l’établissement d’un nouveau foyer existe, son versement essentiel reste celui de sa force de travail, de sa capacité à faire vivre une famille entière grâce aux revenus de son activité. Pour la future épouse, la contribution est davantage d’ordre pécuniaire. Il est important pour elle de

83

La mention précise de l’âge au mariage au sein des registres paroissiaux de Saint-Léonard n’apparaît que dans les années 1750 et de manière encore irrégulière. C’est ainsi que seul un nombre très limité d’âges à l’arrivée en ville peut être déterminé à partir de l’acte nuptial. Pour aboutir aux deux moyennes présentées, il a donc fallu recourir très largement aux actes de sépulture lorsqu’il a été possible d’en retrouver la trace. Notre recherche ne fut que très partiellement fructueuse, mais néanmoins suffisamment pour, nous le croyons, être signifiante. Des 47 hommes et 41 femmes mariés après 2 à 4 ans de résidence nantaise, nous sommes en mesure de présenter

l’âge au décès de respectivement 21 et 18 d’entre eux (44,68 et 43,9 %). L’âge d’une 19e femme n’est pas retenu,

car considéré comme erroné, celui-là la faisant arriver en ville à 7 ans et se marier à 10. Une recherche réalisée dans les registres de sa paroisse d’origine ne permet d’ailleurs pas de retrouver son acte de baptême dans les années encadrant celle de sa naissance supposée.

98 | F o l i o se constituer une épargne par le fruit de son activité prénuptiale, généralement celle de domestique, mais parfois aussi de tailleuse ou de lingère. Nous retrouvons par là le principe bien connu de la dot, mais ici appliqué aux femmes du second peuple qui, pour se la constituer, doivent davantage compter sur leurs propres labeurs plutôt que sur le soutien d’éventuels parents encore vivants. Difficile à cerner, cette réalité s’observe néanmoins au travers de contrats de mariage mettant en scène des journaliers, ouvriers ou garçons de métier. Les contractantes possèdent généralement un capital bien supérieur à celui de leurs homologues masculins. L’accord passé entre Louis Rabillé et Jeanne Courant, le 20 juin 1740,

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