Note : (1) Significatif au seuil de 5 %. Source : Jérôme Creel, 1999.
La politique monétaire est ainsi en mesure dexpliquer, au moins sur la dernière sous-période les disparités dévolution du chômage dans les pays de lOCDE. Il reste à estimer limpact du policy mix en introduisant à la fois les instruments monétaire et budgétaire dans lexplication de la crois- sance du taux de chômage dans lOCDE.
Les deux instruments sont significatifs uniquement entre 1990 et 1995. Leffet de la politique budgétaire pourrait être taxé d« anti-keynésien »,
Constante Population active Politique moné- taire exogène R² 1981-1989 •Coefficient – 0,007 – 1,671 0,003 0,019 •t-stat – 0,435 – 1,227 0,453 — 1990-1995 •Coefficient 0,063(1) – 7,088(1) 0,026(1) 0,278 •t-stat 3,970 – 3,846 3,163 —
Fonction de réaction monétaire et règle de Taylor(*) Nous sommes partis de ce que lon appelle dans la littérature la « règle de Taylor »(1). Celle-ci stipule que le taux dintérêt aux États-Unis, si les autorités monétaires ne tiennent compte que de facteurs internes et se fixent un objectif dinflation de 2 %, suit léquation suivante :
[1] r= + +2 π 0, 5 (π− +2) 0, 5 (y−y*)
où r désigne le taux dintérêt nominal, p le taux dinflation, y le logarithme du PIB et y* le logarithme du PIB potentiel. On voit quici le taux dintérêt réel objectif est supposé être égal à 2.
Cette formulation pose problème du fait de son manque de fondements théoriques (elle a été posée de manière ad hoc par Taylor sans quil en ait préalablement étudié la stabilité dans un modèle macroéconomique complet)(2) et de son absence de robustesse pour certains pays sur le plan économétrique. Nous nous sommes cependant inspirés de cette forme de fonction de réac- tion pour calculer un taux dintérêt de court terme théorique ne dépendant que de linflation et dune autre variable représentant létat de léconomie : lécart au PIB potentiel (en priorité) ou le taux de croissance du PIB (à défaut). Ce taux théorique doit refléter la politique monétaire optimale dans le cadre dune économie ne subissant aucune contrainte extérieure (contrainte de change no- tamment). Lécart entre le taux dintérêt nominal de court terme et ce taux théorique permet dévaluer pour chaque pays, le caractère plus ou moins res- trictif de la politique monétaire effectivement menée depuis le milieu des an- nées soixante-dix ou le début des années quatre-vingt.
Nous avons procédé à deux types destimation de ce taux dintérêt théori- que. Dans un premier temps, nous avons estimé le taux dintérêt nominal de court terme par rapport aux deux objectifs dinflation et de croissance sur la période 1970-1996, en données trimestrielles. Les résultats se sont avérés être relativement peu significatifs. Nous avons donc réestimé le taux théorique, toujours en données trimestrielles, sur une période plus courte (1981-1996) qui est plus homogène : en effet, entre la fin des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt, les taux dintérêt réels ont subi une rupture dévolu- tion imputable au moins pour partie au changement brutal de politique moné- taire aux États-Unis(3).
(*) Encadré et calculs réalisés par Jérôme Creel.
(1) Taylor J.B. (1993) : « Discretion versus Policy Rules in Practice », Carnegie- Rochester Conference Series on Public Policy, 39.
(2) Voir Creel J. et H. Sterdyniak (1999), op. cit.
(3) Voir Fitoussi J-P. et E.S. Phelps (1986) : « Causes of the 1980s Slump in Eu- rope », Brookings Papers on Economic Activity, n° 2.
La méthode destimation utilisée est la suivante : la détermination du PIB potentiel sobtient par régression du PIB sur le temps(4), soit :
* [2] ˆ ˆ [3] t t t y t y t λ µ ε λ µ = + + ⇒ = +
Nous estimons ensuite léquation suivante, avec introduction dun retard dans le taux dintérêt nominal de court terme :
* 1
[4] r= +α βπ γ+ (y−y )+δr− +u
ou, le cas échéant, léquation suivante :
1 [4 ’] r= +α β π γ’ ’ + ’( / )y y& +δ’r− +u’
Nous en déduisons enfin le taux dintérêt théorique, cest-à-dire le taux dintérêt à létat stationnaire (tel que r = r 1), soit :
* * ˆ ˆ ˆ ( ) [5] ˆ 1 y y r α βπ γ δ + + − = − ou, le cas échéant :
* * ˆ' ˆ' ˆ'( ) [5 '] ˆ 1 ' y y r α β π γ δ + + − = −
Nos résultats permettent de déterminer une catégorie de pays qui ne maîtri- sent pas leur politique monétaire. En effet, si le taux dintérêt effectif est diffé- rent du taux théorique, on peut penser que les autorités monétaires poursuivent dautres objectifs que ceux de stabilité interne. Nous cherchons ainsi à captu- rer en particulier les effets dune contrainte externe, liée par exemple à la cons- truction européenne.
(4) Cest une méthode parmi dautres pour estimer la croissance potentielle. On pourra se référer à Gerlach S. et F. Smets (1999) : « Output Gaps and Monetary Policy in the EMU Area », European Economic Review, 43(4-6), avril, pour une présentation de plusieurs méthodes, dont celle des composants inobservables.
alors que dans les années soixante dix, il avait bien le signe escompté par la synthèse néoclassique. Mais on pourrait tout aussi bien interpréter ce chan- gement de signe comme résultant dun changement de régime de la poli- tique économique : une impulsion budgétaire expansionniste conduit à une anticipation de hausse des taux dintérêt, ce qui suffit à en inverser leffet sur lemploi. Tout se passe comme si depuis la « fin de linflation », la politique monétaire devenait linstrument dominant de la politique écono- mique et partant le plus efficace. Il faut aussi prendre en compte le fait quen certains pays européens, la politique budgétaire fût plus expansion- niste que nécessaire, car elle cherchait à compenser, au moins partiel- lement, leffet dune politique monétaire trop restrictive. Le vrai change- ment de régime est que, alors que la politique budgétaire était sans conteste le « leader » du policy mix jusquà la fin des années soixante-dix, cest depuis la politique monétaire qui lest devenu. Il nest dès lors pas étonnant que lon a du mal à distinguer les effets des politiques budgétaires, puisque ces dernières sont en partie induites par la politique monétaire.
14. Équation de chômage avec action conjointe