• Aucun résultat trouvé

Partie III: Britannicus

C- Les antécédents somatiques

2- L'épilepsie dans les temps anciens

Le fils de Claude était atteint d'épilepsie (Suétone Néron 33, Tacite Annales XIII 16). Cette pathologie fut retrouvée chez plusieurs membres de la dynastie des Julio-Claudien [74]. Nous allons nous interroger sur ce que représente cette maladie dans la période antique. Souffrir de cette pathologie permettait-il une vie semblable aux autres, ou alors, une vie bien différente? C'est en Mésopotamie que les premiers témoignages concernant l'épilepsie nous sont parvenus. Plusieurs tablettes témoignent de la clinique

143 des différents caractères de la crise d'épilepsie. Plus tard, d’autres tablettes montrent l'origine surnaturelle de l'épilepsie en impliquant différente dieux. Cette attribution à différents entités mystiques est répandue durant l'Antiquité. Cela met en avant la compréhension de son polymorphisme, ses prodromes, les divers caractères qu'elle peut prendre ou les différents âges touchés [221]. De la maladie Sacrée traité du Vème siècle av-JC, appartenant à la collection hippocratique, traite de l'épilepsie. La maladie était alors considérée comme sacrée car ayant une origine divine, tout comme à Babylone. Assignée dans la mythologie Grecque comme étant le mal d'Héraclès, qui selon la légende aurait été atteint de la maladie sous une forme focale complexe [221]. Les pratiques provenant des charlatans y sont dénoncées, au profit d'une explication en rapport avec le principe des quatre humeurs. En effet la maladie épileptique serait un trouble du tempérament phlegmatique (en rapport avec le phlegme), ou pituite. Ce fluide est associé au cerveau et correspondant à la vieillesse (Tableau n°1). Le cerveau chercherait à se purger suffisamment en phlegme. Une mauvaise purgation in utero ou une « fonte » d'une partie du cerveau empêchant la bonne élimination de ce dernier et qui aurait comme conséquence un surplus phlegmatique. Un trop plein de phlegme emprisonne l'air, qui, enfermé dans le corps essaie de sortir et agite cerveau et membres, tandis que l'écume vient des poumons vides d'air qui se purgent. Cette théorie d'un mauvais débit du phlegme peut expliquer également les morts subites puisque vecteur de froid, la trop grande quantité de phlegme coagule le sang [8],[222]. L'époque Romaine fut également une époque où l'épilepsie fut décrite. Les crises tonico-cloniques viennent étymologiquement de la période des comices Romaines (élections des magistrats de la ville). L'apparition d'une crise convulsive chez un participant mettait fin aux cérémonies jusqu'à une expiation publique du mal [223]. Ainsi témoigne Pline l’Ancien:

« tandis que la foule regarde, les épileptiques boivent le sang des gladiateurs, chose horrible à voir quand bien même les bêtes sauvages le font dans l'arène ».

Pline l’Ancien Histoire naturelle XXIII 79

Ce rejet du malade trouve son origine sur la représentation que se font les romains de ce trouble. Il est perçu comme maudit et irréversible allant même jusqu'à porter préjudice à un vote. Elle jette donc même l'opprobre sur la communauté. Arétée de Cappadoce (Ier siècle ap-JC) [224] témoigne du sentiment général « la vue d'une crise est dégoûtante et sa fin encore plus avec évacuation spontanée des urines et des matières », il a cependant réussi à identifier les épilepsies photosensibles provoquées en fixant « le courant d'une rivière ou une roue que l'on tourne ou bien un sabot que l'on fait pirouetter ». A la fin de la crise, les malades sont « les membres roués, sans force, la tête pesante, pâles, tristes humiliés et par ce qu'ils viennent de souffrir et par la honte que

144 leur cause un tel mal ». De même, la contagiosité de la maladie est crainte, le malade se voit, tout comme en Mésopotamie, discriminer. Un individu sain ne peut utiliser sa vaisselle et la coutume veut qu'on crache devant lui pour conjurer le mauvais sort [225]. Ajouté à cela une méfiance sociale, l'épileptique est donc soumis à rude épreuve du point de vue de la thérapie. Celse, semble préconiser comme remède:

« ils devront en outre éviter, le soleil, le bain, le feu, tous les échauffants, ainsi que le froid, le vin, les plaisirs de l'amour, l’aspect des précipices et tous les objets effrayants, le vomissement, la

fatigue, les inquiétudes et le souci des affaires ».

Toutefois, les médecins latins font preuve d'une certaine connaissance de la maladie. Dans le même ouvrage le même Celse traite des épilepsies infantiles cédant à l'adolescence, des crises non convulsives, de la mort possible et du côté spontané de la rémission [226]. Galien de Pergame, préconise un traitement à base de breuvage d'os calcinés. Dioscoride (40- 90 ap-JC) auteur d'une première pharmacopée Demateria medica mentionne la Valériane (propriétés anxiolytiques), l’Hellébore noire (action purgative), la Moutarde comme utilisés traditionnellement dans l'épilepsie [223]. D'autres ingrédients étaient également utilisés tels les foies d'âne ou le sang de belette. Être touché par ce mal dans les temps Antiques était, en plus des complications somatiques possibles, lourd de conséquence. A la fois sur le plan social et au niveau du suivi et des traitements administrés. Malgré la place de paria réservé aux épileptiques, cette pathologie reste ambivalente aux yeux des anciens. Essentiellement connue comme étant une pathologie masculine (son alter ego féminin étant l'hystérie [227] elle s’accommode d'exemples illustres comme Héraclès ou Jules César. On peut penser, dans le cas du jeune Britannicus, que de par sa haute naissance, il eut accès aux meilleurs praticiens et traitements que pouvait offrir son époque. De même que son écartement progressif du pouvoir est plus à mettre sur le compte d’intrigues de palais que d’un réel écart lié à sa maladie. L’épilepsie devait être un poids de plus à porter sur les épaules déjà bien chargées de ce jeune homme.

Documents relatifs