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Chapitre 3. La spondyloarthrite : une maladie génétique complexe

III.1. Épidémiologie génétique de la spondyloarthrite

La plupart des études d’épidémiologie génétique se sont intéressées à la SA, mais plus récemment des recherches ont été menées sur l’ensemble des sous-types de SpA. Si celles-ci ont permis d’établir le poids prédominant des facteurs génétiques dans la survenue de la SpA, certains facteurs environnementaux de susceptibilité ont également été mis en évidence.

III.1.1 Épidémiologie génétique de la spondylarthrite ankylosante

La première étape de l’étude génétique d’une maladie complexe repose sur la mise en évidence d’une agrégation familiale de la maladie. Il s’agit ensuite de montrer que cette agrégation est liée à une composante génétique, puis de la caractériser avant d’identifier les gènes en cause (Figure 16).

III.1.1.1 Agrégation familiale

L’éventualité de l’implication de facteurs génétiques dans la survenue de la SA a été évoquée dans les années 1930, sur la base d’observations de cas regroupés au sein d’une même famille217,218. Dans les années 1960, les premières études familiales systématiques ont permis d’évaluer l’agrégation familiale au travers du calcul de l’indice de récurrence λ219,220. Cet indice est défini comme le rapport de la prévalence de la maladie chez les individus apparentés à un malade sur la prévalence de la maladie dans la population générale221 (Figure 16A).

Une méta-analyse des données familiales dans la SA publiées avant 2000 a permis d’estimer l’indice de récurrence λ1 chez les apparentés au premier degré (parents/enfants) à 79, similaire à

l’indice de récurrence λs chez les germains (frères/sœurs) qui était de 82222. Cet indice est beaucoup

plus élevé que dans la plupart des autres maladies complexes223. Il convient toutefois de préciser que la prévalence de SA dans la population générale utilisée dans cette méta-analyse pour estimer

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les indices de récurrence était plus faible que dans la plupart des études de prévalence (0,1%), ce qui a pu conduire à une surestimation de l’indice de récurrence.

Figure 16 – Les différentes étapes de l’épidémiologie génétique des maladies complexes

III.1.1.2 Études de jumeaux

L’agrégation familiale peut être le reflet de facteurs environnementaux ou génétiques. L’étude du taux de concordance entre jumeaux permet d’évaluer le poids respectif de ces deux types de facteur. Ce taux correspond au rapport entre le nombre de paires de jumeaux présentant deux individus atteints (jumeaux concordants) et le nombre de paires de jumeaux ne présentant qu’un seul individu atteint (jumeaux discordants). Schématiquement, on considère que la discordance entre jumeaux monozygotes (MZ) est d’origine environnementale, alors que la discordance entre jumeaux dizygotes (DZ) serait d’origine mixte (génétique et environnementale). Ainsi la différence entre les taux de concordances observés chez les jumeaux MZ et DZ est le reflet de l’importance des facteurs génétiques (Figure 16B).

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Trois études ont évalué le taux de concordance chez des jumeaux atteints de SA224–226. Les effectifs de ces études sont globalement faibles mais toutes s’accordent sur un point : le taux de concordance de SA est plus élevé chez les jumeaux monozygotes que chez les jumeaux dizygotes (Tableau 6). Cette différence indique un poids important des facteurs génétiques dans la survenue de la maladie par rapport aux facteurs environnementaux (ou l’intervention de facteurs environnementaux ubiquitaires). L’héritabilité de la SA, c'est-à-dire la proportion de la variance expliquée par des effets génétiques, a ainsi été estimée à plus de 90%225.

Tableau 6 – Études de jumeaux réalisées dans la SA

Étude Concordance jumeaux MZ (%) Concordance jumeaux DZ (%) Järvinen et al.224 3/6 (50%) 3/20 (15%)

Brown et al.225 6/8 (75%) 4/32 (12.5%)

Pedersen et al.226 2/5 (40%) 1/23 (4%)

III.1.1.3 Études de ségrégation : modélisation de la transmission de la maladie

À partir de la méta-analyse des données familiales précédemment citée, Brown et al. ont proposé un modèle de transmission de la SA222. En se basant sur les indices de récurrence estimés chez différents types d’apparentés et sur les travaux de Risch concernant la modélisation de la transmission des modèles multi-locus221, le modèle de transmission correspondant le mieux à la SA s’est révélé être un modèle multiplicatif oligogénique à cinq locus avec un effet polygénique résiduel. Ce modèle a toutefois tendance à être remis en question : en effet, plus d’une vingtaine de locus de susceptibilité à la SA ont déjà été identifiés et l’ensemble de ces locus est loin d’expliquer la totalité de l’héritabilité à la maladie227.

Les études décrites ci-dessus n’ont inclus que des cas de SA. Cependant, il existe d’autres sous-types de SpA parmi les apparentés de patients atteints de SA. Pour avoir une vision exhaustive du terrain génétique de la SpA, il convient de prendre en compte ces cas.

III.1.2 Épidémiologie génétique de la spondyloarthrite

La majorité des études d’épidémiologie génétique portant sur la SpA dans son ensemble a été réalisée par le Groupe Français d’Étude Génétique de la Spondylarthrite (GFEGS). Après avoir établi la pertinence de l’étude groupée des différents sous-types de SpA, le GFEGS a évalué l’agrégation familiale dans la SpA.

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III.1.2.1 Pertinence de l’étude de la spondyloarthrite dans son ensemble sur le plan

génétique

Afin de savoir si l’ensemble des sous-types de SpA pouvait être regroupé dans les études génétiques, le GFEGS a conduit plusieurs études phénotypiques de familles multiplex de SpA, c'est-à- dire possédant plus d’un membre malade228–230. Les principales conclusions de ces études sont que les sous-types de SpA sont distribués aléatoirement au sein des familles et que toutes les manifestations de SpA apparaissent liées entre elles228,229. Il est donc possible de considérer les sous- types de SpA comme des variations phénotypiques d’une seule maladie, justifiant leur regroupement dans les études génétiques.

L’étude des familles multiplex par la méthode d’analyse en cluster a aussi permis d’individualiser deux formes de SpA. Le phénotype A se caractérisait par un âge de début tardif et la prédominance de l’atteinte axiale, tandis que dans le phénotype B, l’âge de début était plus précoce et la fréquence des atteintes articulaires périphériques et extra-articulaires était supérieure. Ces deux phénotypes, qui pourraient correspondre à différents degrés de sévérité de la maladie, présentaient une tendance à l’agrégation familiale230.

III.1.2.2 Agrégation familiale dans la spondyloarthrite

Contrairement à la SA, une seule étude familiale systématique de la récurrence considérant la SpA dans son ensemble a été réalisée à ce jour231. Le taux de récurrence de la maladie était d’environ 12% chez les apparentés au premier degré et chez les germains. En prenant en compte la prévalence estimée de SpA en France en 2001 de 0,3%2, les indices de récurrence λ1 et λs étaient

donc de 40.

Les études de jumeaux décrites précédemment ont montré une concordance incomplète chez les jumeaux monozygotes, ce qui suggère le rôle de facteurs environnementaux dans le déterminisme de la SpA. Peu d’entre eux ont cependant été identifiés.

III.1.3 Facteurs environnementaux

Les micro-organismes figurent parmi les facteurs environnementaux les plus souvent incriminés dans la survenue de la SpA. Ce rôle est suggéré par le déclenchement d’arthrites réactionnelles faisant suite à des infections uro-génitales ou digestives91. L’implication du HLA-B27 est renforcée par le modèle animal du rat transgénique pour le HLA-B27 et la β2-microglobuline humaine232. En effet, ces animaux ne développent aucun symptôme s’ils sont élevés en atmosphère stérile233, alors que la reconstitution de leur flore intestinale suffit à la survenue de la maladie234.

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D’autres facteurs environnementaux semblent intervenir, si ce n’est dans la survenue de la SpA, du moins dans son activité ou sa sévérité. Ainsi, le tabagisme a été récemment suspecté d’être à l’origine d’un début plus précoce de la maladie, d’un niveau d’activité plus élevé et d’une plus grande fréquence de lésions structurales235,236. De même, le stress semble augmenter le niveau d’activité de la SpA237.

Devant la constatation de la forte héritabilité de la SpA et de son caractère polygénique, de nombreuses études ont cherché à identifier les gènes de susceptibilité à la maladie avec un succès croissant ces dernières années.

III.2. Facteurs de susceptibilité génétique identifiés dans la