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G ÉOGRAPHIE DE LA LAIDEUR

Laurent prétend que le cœur de Montréal est en train de pourrir. Il dit cela sans aucune agressivité mais il a raison ; il n’a pas, face à la ville, la tolérance de ceux qui y sont nés. Aujourd’hui, Maryse voit les choses comme lui, comme elles sont : laides – ou en train de le devenir – et violentes. Car la laideur est une forme de violence : entre l’érosion de la ville et le coup de poing infligé à la prostituée Barbara, il n’y a pas tellement de différence, c’est de la même chose qu’il s’agit : incurie et violence urbaine.

– Francine Noël, Myriam première

En mai 2016, Patrick Lagacé, chroniqueur à La Presse, déclarait Montréal « objectivement moche1 ». Certes, quand la ville se dégivre au printemps, qu’elle se délivre enfin de sa carapace de

glace, elle peut offrir un spectacle des plus réjouissants, admet le journaliste, mais la laideur est « son état naturel ». Il n’est pas le seul à penser ainsi. Un article de 2015 du Journal de Montréal titré « Les horreurs de Montréal2 » dénombrait les endroits les plus hideux de la ville en interrogeant

des experts en urbanisme : l’échangeur Turcot, l’Îlot Voyageur et les alentours de l’aéroport Trudeau figuraient parmi les espaces méritant une mention dans ce palmarès des moins glorieux. La même année, une série de reportages sur la chaîne radio de Radio-Canada sur la laideur urbaine fait réagir : les animateurs s’entretiennent notamment avec Jean-Paul L’Allier, ancien maire de Québec, pour traiter ce phénomène rampant comme un « choix de société3 ».

Pour Lucie K. Morisset, professeure au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM, si nous sommes plusieurs à trouver Montréal laide4, c’est en raison de l’esprit

misérabiliste que traîne le Québécois moyen : « Montréal est la seule grande ville du Québec, et ce statut spécial vient heurter notre fond d’idéologie paysanne. On n’ose pas dire que Paris ou New York sont laids à certains égards alors qu’on prend plaisir à dire que Montréal est affreux5. » Que

cela soit vrai ou non, il faut reconnaître que Montréal ne réussit pas plus à charmer l’œil étranger.

1 Patrick Lagacé, « Chronique guillerette », La Presse, 16 mai 2016.

2 Sarah Bélisle, « Les horreurs de Montréal », Journal de Montréal, 30 janvier 2015.

3 Jean-Philippe Pleau et Serge Bouchard, « La laideur urbaine (2e partie) : un choix de société », C’est fou…, Radio- Canada.ca, 30 mai 2015.

4 Bien que les deux genres soient acceptés lorsqu’il s’agit de qualifier Montréal, nous avons ici choisi d’employer le féminin.

Dans un ouvrage de 1998 intitulé Le grain tombé entre les meules, l’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne partage sa première impression de la métropole québécoise :

Ce que j’aperçus en premier fut Montréal et, vue du haut des airs, la ville me parut horrible, impossible d’imaginer plus affreux. Cette rencontre ne promettait rien au cœur. Et les jours suivants, où j’y errai au hasard, confirmèrent cette impression. Le monstrueux pont Jacques- Cartier, de métal vert, tout tremblant de trafic automobile sur ses huit6 voies, sous lequel

j’aurais dû passer si j’étais arrivé en bateau ; et, tout de suite après, j’aurais vu les fumées sans joie de la brasserie avec son toit où flottent des drapeaux ; et l’alignement des quais industriels et en béton à ce point inhumains que, dans une île du fleuve, les restes d’un vieux bâtiment mi- caserne mi-prison vous réjouissent l’œil comme quelque chose de vivant. Puis, plus au cœur de la ville, la tour noire de la radio canadienne suivie du groupe absurde et serré des gratte- ciel en forme de boîtes plantés au milieu d’immenses espaces urbains. Montréal aspirait à imiter les « mégalopoles » d’Amérique, mais sans en être capable7.

Avec son éclectisme architectural, son patrimoine mal célébré, le mauvais goût de certains commerces et sa saleté tristement légendaire, Montréal est une ville qui paraît défier toutes les normes esthétiques. Dinu Bumbaru, directeur des politiques à Héritage Montréal, reconnaît Montréal comme « une ville bum qui n’a certes pas le charme des grandes capitales impériales8. »

Jean-Claude Marsan, professeur à l’École d’architecture de l’Université de Montréal, propose de comparer Montréal à Liverpool ou Boston plutôt que de lui faire perdre d’emblée le jeu des comparaisons face à Paris, Londres ou New York. Émilie Dubreuil, du Voir, qui considère que la ville s’est enlaidie depuis une vingtaine d’années, lui prête des ressemblances avec Détroit, reine déchue de l’industrie automobile, avec ses maisons pourries et ses bâtiments en ruines, « lieu dangereux peuplé de fantômes9 ».

Tous les spécialistes interrogés évoquent le « grave problème » de Montréal : son côté inachevé, qui laisse croire que la ville n’a pas les moyens de ses ambitions – ce qui revient à la critique de Soljenitsyne. Alors que de nombreux nouveaux projets sont abandonnés en cours de route (l’autoroute Notre-Dame, Mirabel, l’Îlot Voyageur, etc.), le manque d’entretien des structures existantes contribue à donner à Montréal l’image d’une ville rongée par la corruption et le calcium. Mario Girard, excédé par les nids-de-poule de l’île – dont le nombre s’élève jusqu’à 90 000 chaque année –, devenus l’emblème de Montréal auprès des autres villes québécoises, parle d’une « ville négligée, une ville botchée, une ville rapiécée10 ». Il n’est pas surprenant à cet égard que, cité 6 Il y en a cinq, en réalité.

7 Alexandre Soljenitsyne, Le grain tombé entre les meules. Esquisses d’exil. Vol. I, Paris, Fayard, 1998, p. 241. 8Sarah Bélisle, « Les horreurs de Montréal », Journal de Montréal, 30 janvier 2015.

9 Emilie Dubreuil, « Le blues de la métropole », Voir, 10 mai 2016. 10 Mario Girard, « La ville rapiécée », La Presse +, 10 mars 2017.

malmenée et mal-aimée, Montréal se soit choisi un symbole inusité en la forme du « vilain sapin » érigé pour la période des Fêtes 2016 dans le Grand Marché de Noël du Quartier des spectacles. Tourné en dérision sur les réseaux sociaux et cloué au pilori par la communauté montréalaise, ce sapin baumier croche et dégarni, prétendument le plus grand du pays, devait rivaliser avec le célèbre sapin du Rockefeller Center à New York11. Satisfait malgré tout du battage médiatique,

l’organisme Sapin MTL reconduit l’expérience l’année suivante, alors que le Vilain Sapin a droit à son propre village de Noël12.

Au-delà de ses mochetés exemplaires – le boulevard Taschereau, estime Michel Pratt, est « probablement la rue la plus laide de toute l’Amérique du Nord13 » – la laideur du Grand Montréal

ne recouvre pas uniquement son paysage. Elle peut aussi avoir une portée sociale, comme la clôture « Frost » qui longe le Boulevard de l’Acadie et sépare la bien nantie Ville Mont-Royal du quartier populaire de Parc-Extension, où sont logés de nombreux immigrants : « C’est une horreur tant sur le plan esthétique que symbolique », déclare Simon Brault, président de Culture Montréal. Obsédée par le fractionnement, le cloisonnement, la métropole accuse d’énormes fautes de goût à la jonction de ses quartiers. « Ville d’assemblages », selon Luc Noppen, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain, Montréal ne vit pas toujours bien sa diversité.

Cette diversité, qu’elle soit sociale ou architecturale – la métropole se démarque après tout par sa mosaïque de styles et de formes issues de différentes époques – est riche sur le plan symbolique. Si cette question de la laideur urbaine refait surface dans la presse des dernières années, alors que plusieurs chroniqueurs confessent leur blues de la métropole, elle inspire depuis longtemps le roman québécois, qui lui adresse les mêmes reproches. Les écrivains ont prêté à Montréal les traits d’un organisme vivant, possédant « un vieux cœur usé » (Gérald Godin, Tango de Montréal), « en train de pourrir » (Francine Noël, Myriam première) ou « à l’agonie » (Gilbert La Rocque, Après

la boue). La région métropolitaine s’étire comme un corps, avec ses membres forts, ses membres 11 Ce qui en dit long sur l’ambition un peu décalée de Montréal. Le sapin de New York est une épinette de Norvège repérée grâce à une recherche en hélicoptère et « enrichie » de branches provenant d’autres arbres pour lui assurer une densité uniforme. L’arbre est ensuite décoré de 45 000 ampoules DEL et une étoile constituée de 25 000 cristaux Swarovski trône à son sommet. Contre le sapin « maquillé » des New Yorkais, dont le coût d’opération est estimé à environ 100 000 $, le sapin de Montréal, entièrement naturel et nettement moins cher, a reçu une commandite de Canadian Tire qui s’est assuré de sa visibilité en donnant des ornements à l’image du logo de la marque. Voir Mario Girard, « Le vilain sapin de Montréal », La Presse, 4 décembre 2016.

12 Dans le cadre d’un projet de revitalisation de la rue Prince-Arthur Est, entre le Boulevard St-Laurent et l’avenue Laval, ce village se voulait à l’opposé d’un marché de Noël traditionnel : plutôt que d’y déguster du vin chaud et des pâtisseries, vous pouviez y acheter des fruits et des légumes imparfaits, à l’image du sapin iconique.

13 Marie-Ève Maheu, « Taschereau, un boulevard aux multiples visages », webdocumentaire, Radio-Canada.ca, lundi 5 mars 2012 [en ligne], http://blogues.radio-canada.ca/rive-sud/taschereau-80ans-boulevard/

honteux, qui portent comme autant de cicatrices la trace des conflits qui ont marqué son histoire. Ville composite, alliage d’éléments hétéroclites, Montréal apparaît aussi comme une ville décomposée, prise dans un temps en suspens en raison de son inachèvement, où les projets urbains « mort-nés », laissés à l’abandon, sont tranquillement mangés par l’érosion.

Si la laideur est une forme de violence – parfois littérale, comme on l’a vu au chapitre précédent, alors qu’elle accompagnait les gestes brutaux du Cassé –, elle l’est tout autant comme processus de détérioration, comme usure. Abrasive, la laideur entraîne lentement le sujet vers sa corruption, sa dégradation. Souvent synonyme de vieillesse, elle déforme la surface du corps, décharne la masse musculaire, creuse de rides la peau du visage, raidit et dégarnit la chevelure, s’imposant comme marqueur du temps qui passe. Lorsqu’Élisabeth D’Aulnières fait un retour sur sa vie dans les premières pages de Kamouraska, c’est surtout en constatant sa jeunesse révolue par la projection des effets du temps sur son corps : « Et l'âge qui vient sur moi. […] Mes beaux jours sont comptés pourtant. Le beau massacre à venir. Autour des yeux, les griffes d'oiseaux en tous sens. La taille qui s'empâte14. » Les traits de vieillesse sont redoutés et jugés disgracieux parce qu’ils situent

l’individu dans le temps et ne lui permettent pas d’oublier que son parcours terrestre culminera dans la mort et la décomposition, comme le rappelle Nietzsche dans Crépuscule des idoles :

Nous entendons le laid comme un signe et un symptôme de la dégénérescence : ce qui rappelle de près ou de loin la dégénérescence provoque en nous le jugement laid. Chaque indice d’épuisement, de lourdeur, de vieillesse, de fatigue, toute espèce de contrainte, telle que la crampe, la paralysie, avant tout l’odeur, la couleur, la forme de la décomposition, serait-ce même dans sa dernière atténuation, sous forme de symbole – tout cela provoque la même réaction, le jugement laid15.

Dans Fascination de la laideur, Murielle Gagnebin suggère que « la représentation sensible du temps [apparaît] comme l’expression même du laid », ajoutant : « si le temps constitue la texture précise du laid, réciproquement le laid n’est que le texte du temps. […] L’usure de l’homme apparaît le corrélat de la voracité du temps, porté à graver son écriture acide et corrosive sur la chair impuissante de la créature16. » Inscription du temps sur un visage, un corps, la laideur serait donc,

avant tout, une écriture. Elle se découvre ainsi comme une surface érodée, flétrie, usée, qui raconte une histoire.

14 Anne Hébert, Kamouraska, Paris, Éditions du Seuil, 1970, p. 9.

15 Friedrich Nietzsche, Crépuscule des idoles, traduction d’Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1908, vol. 12, p. 190, cité par Marie-Pierre Krück dans « Esthétique de la pourriture », Études littéraires, vol. 47, n°1, p. 151.

Inséparable de la vie humaine qui l’anime et la constitue, la ville fonctionne elle-même comme un corps soumis aux affres du temps, dépendant du soin qu’on lui porte. Ses quartiers défavorisés, ses rues mal entretenues, sa saleté, parlent de la relation que ses habitants ont nouée avec lui. Les ruines peuvent être conservées comme vestiges, ou rejetées comme débris. Alors que les restes de l’Acropole ou du Colisée de Rome sont vénérés pour la connexion qu’ils nous permettent d’établir avec des civilisations anciennes, dans les camps de concentration, la pierre noircie des fours crématoires et les murs effrités des chambres à gaz, picorés par les substances chimiques et lacérés par les ongles des détenus, gardent encore la trace de l’horreur qui y sévissait. Ces installations, démolies en partie par les nazis eux-mêmes, qui souhaitaient détruire les preuves de leurs crimes, posent le problème de leur conservation, alors que le travail de mémoire oblige, par l’entretien de ce pan très sombre de l’histoire de l’humanité, que la blessure, gardée vive, ne se referme jamais.

La mémoire, comme le rappelle Pierre Nora, trouve refuge dans des espaces qui cristallisent un état des faits, à la fois éternels et sans cesse actualisés :

Lieux donc, mais lieux mixtes, hybrides et mutants, intimement noués de vie et de mort, de temps et d’éternité ; dans une spirale du collectif et de l’individuel, du prosaïque et du sacré, de l’immuable et du mobile. Des anneaux de Moebius enroulés sur eux-mêmes. Car s’il est vrai que la raison d’être fondamentale d’un lieu de mémoire est d’arrêter le temps, de bloquer le travail de l’oubli, de fixer un état des choses, d’immortaliser la mort, de matérialiser l’immatériel pour – l’or est la seule mémoire de l’argent – enfermer le maximum de sens dans le minimum de signes, il est clair, et c’est ce qui les rend passionnants, que les lieux de mémoire ne vivent que de leur aptitude à la métamorphose, dans l’incessant rebondissement de leurs significations et le buissonnement imprévisible de leurs ramifications17.

La ville regorge de ces lieux décatis, lugubres, où une mémoire désagréable ou douloureuse reste captive, contaminant les individus qui y circulent, leur rappelant qu’ils sont pris dans une histoire qui les précède et les façonne. Pour certains, la ville est laide parce qu’une énergie destructrice lui est prêtée ; vicieuse, mauvaise, elle se resserre encore comme un étau sur ses habitants, se repaît de leurs forces. Le lieu inhospitalier perpétue ce processus d’avalement, de digestion et de décomposition qui s’engage entre la ville et ses habitants. Dans les œuvres de notre corpus, le relief abîmé de la métropole se superpose à des visions de corps à l’agonie ou livrés à la pourriture, exemplifiant cette comparaison de la ville à un organisme vivant, mais dépérissant. Les cadavres et les spectres abondent dans les romans urbains, tandis que les morts refusent de quitter les vivants,

17 Pierre Nora, « Entre mémoire et histoire : la problématique des lieux », Les Lieux de mémoire. Tome 1 : La République, Paris, Gallimard, 1984, p. XXXV.

et que ces derniers s’offrent comme réceptacles d’une mémoire empruntée, dilatée, qui les empêche d’habiter réellement le présent. La laideur de l’environnement, ainsi, affecte la durée, dégrade le temps qui ne soutient plus aucune forme de continuité.

La première partie de ce chapitre sera donc consacrée aux interprétations de la ville monstrueuse, en l’occurrence de Montréal qui, de par son statut de métropole québécoise, porte tout particulièrement ce masque18. Après un regard sur l’évolution de sa représentation dans le

roman québécois, d’Hector Berthelot à Laurent Girouard, nous nous arrêterons plus spécifiquement sur deux œuvres issues de la décennie 1970 et particulièrement fécondes par rapport à cette question : celles de Gilbert La Rocque19 et de Victor-Lévy Beaulieu. La ville, telle

que dépeinte par ces écrivains, n’a plus rien à voir avec les tableaux réalistes que peignaient André Langevin et Gabrielle Roy dans les années 1940 et 1950. Un excès de laideur frappe le chronotope urbain. Désormais, la ville est elle-même débordement, elle prolifère un peu partout et gruge le territoire adjacent. Les banlieues naissent et commencent à essaimer dans les représentations littéraires à partir de 1970, avec Jacques Ferron qui situe l’univers de L’Amélanchier à Longueuil, ville du « Farouest au beau milieu de la vallée du Saint-Laurent20 ». Relançant l’obsession de la

laideur qui sous-tend le roman québécois, le phénomène ne fait que s’amplifier par la suite et la banlieue devient une sorte de métaphore du monde contemporain, tel qu’on l’observe dans Dée (2002) de Michael Delisle et Le ciel de Bay City (2008) de Catherine Mavrikakis. Protubérance périurbaine au charme déficient, la banlieue, dont la dimension historique demeure largement réduite et dénigrée dans l’imaginaire collectif, investit en l’exacerbant ce rapport au temps observé dans les romans typiquement urbains. La progression fulgurante de la banlieue, qui abolit l’opposition séculaire entre ville et campagne, instaure une durée problématique, posthistorique en quelque sorte. L’étalement urbain qui caractérise le paysage québécois depuis l’après-guerre matérialise la tension créée par le développement accéléré du Québec durant cette période, qui

18 Même si Macklin, dans Poussière sur la ville, est aussi dépeinte comme une ville qui étouffe ses habitants, elle n’a pas le même statut de métropole que Montréal, et sa représentation obéit à de tout autres critères. Il s’agit davantage d’une petite localité, où tout le monde se connaît, s’épie, bavasse, qu’une ville de grande envergure où les aspirations individuelles sont englouties par la masse.

19 Gilbert La Rocque (1943-1984) est peut-être le moins connu des écrivains rencontrés dans cette thèse. Souvent présenté comme un homme ayant exercé divers métiers (ferblantier, ouvrier, commis) avant de se consacrer à l’écriture, il est l’auteur de six romans et d’une pièce de théâtre. Il gravite parmi le groupe formé autour des Éditions du Jour par Jacques Hébert, et occupe en outre des fonctions éditoriales au sein des Éditions de l’Aurore. Son œuvre interrompue par une mort précoce, a été davantage saluée par ses confrères écrivains (notamment par Victor-Lévy Beaulieu) que par l’institution, qui tarde à lui tailler une place dans les anthologies littéraires.

découvre « [u]n monde dépourvu de profondeur historique, typique de la modernité tardive21. »

Chaque fois, dans la ville comme dans la banlieue, l’espace se mesure par une sorte de déficit temporel. La ville était jadis réputée hideuse aux yeux des tenants du terroir, qui la voyaient comme un refus du passé au nom d’une modernité aveuglante ; la banlieue, elle, est réputée hideuse aux yeux des modernes qui lui reprochent justement de n’avoir aucun passé.

Montréal dans le roman québécois

Il s’agit d’une vision immensément clichée : Montréal – et par extension toute ville – est monstrueuse dans la littérature du XIXe siècle au Québec. Cette équation a été posée et légitimée

par l’idéologie du terroir, qui a diabolisé la ville et chanté les louanges de la campagne, mais cet imaginaire se complexifie et se nuance au fil des ans. Dans le roman d’ici, Montréal figure comme un lieu de tensions qui fait valoir les hiérarchies locales, les particularismes sociaux qui distinguent citadins et campagnards. Presque toujours, le pouls accéléré de la vie qui s’y déroule, les travers du monde moderne et les offres sulfureuses d’une ville macérant dans le vice jettent les innocents sur

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