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1.2 Le cas désordonné du modèle d’accrochage

1.2.1 Énergies libres gelée et recuite

Maintenant que nous avons introduit du désordre dans le système, la fonction de partition devient : ZD,N(T ) = N X k=2 X τ12<···<τk ω(τ2− τ1) . . . ω(τk− τk−1) exp  − ετ1 + . . . + ετk T  . (1.8)

La fonction de partition dépend donc du tirage D, elle est donc au même titre que les

εi une variable aléatoire. Effectivement, pour chaque réalisation du désordre D, le sys- tème devra s’adapter et les configurations accessibles n’auront pas les mêmes énergies. Pour deux réalisations différentes de désordre, l’énergie d’une même trajectoire peut être complètement différente.

Si la fonction de partition est aléatoire, l’énergie libre telle que nous l’avions définie dans la section précédente devrait l’être aussi a priori. Il est donc nécessaire d’introduire de nouvelles définitions.

Notons h. . . i la moyenne faite sur le désordre (i.e. sur la distribution ρ).

Remarque : dans la littérature, les notations sont parfois légèrement différentes. En effet,

sans perte de généralité, il est possible de fixer la moyenne et la variance de la distribution

ρ de telle manière que h ε i = 0 et σε2 = 1 et d’introduire en contre-partie les paramètres

β (la température inverse) et h un champ extérieur. De cette manière nous redéfinissons

la fonction de partition par N

β quantifie le désordre (β2 est la variance du désordre), et h donne sa moyenne. À partir de maintenant, nous utiliserons ces notations pour plus de proximité avec les articles écrits par les mathématiciens.

• L’énergie libre quenched 2 est définie par

fque(β, h) = lim N →+∞

h log ZD,N(β, h)i

N (1.9)

(le signe moins est volontairement oublié). Cette définition de l’énergie libre corre- spond en fait à celle qui est effectivement observée dans un système physique réel. Une propriété remarquable est que l’énergie libre quenched est auto-moyennée :

fque(β, h) = lim N →+∞

log ZD,N(β, h)

N . (1.10)

Ce résultat est très important dans l’étude des systèmes désordonnés, il existe des démonstrations rigoureuses dans plusieurs articles (voir [2, 11, 16, 52]) pour ce qui concerne les modèles d’accrochage. La démonstration repose sur la propriété de sur-additivité de log ZD,N.

L’idée est la suivante : prenons un système de taille N , en notant Z

D1,N la fonction

de partition pour des marches contraintes à avoir leur deuxième extrémité fixée, nous pouvons montrer pour tout 0 < m < N que :

ZD∗ 1,mZ ∗ D2,N −m 6 ZD,N

D1 et D2 sont les réalisations du désordre pour les deux sous-systèmes. Cette

inégalité ainsi que l’existence d’une borne supérieure à log ZD,N∗ suffisent pour ap- pliquer le théorème de Kingman sur la super-additivité, qui prouve l’existence de la limite de 1/N log Z

D,N.

Le reste de la démonstration consiste à montrer que les fonctions 1/N log ZD,N et

1/N log ZD,N∗ ont la même limite.

Regardons maintenant les propriétés de l’énergie libre quenched. À β > 0 donné, la fonction h 7→ fque(β, h) est convexe, elle est également croissante et positive [50, 52,56]. Ces résultats suggèrent l’existence de deux phases

localisée si f(q)(β, h) > 0 pour h > h(q)c (β) ,

délocalisée si f(q)(β, h) = 0 pour h < h(q)c (β) . (1.11)

Nous avons noté h(q)

c (β) la valeur du champ critique pour le modèle quenched. Cela a son importance car il y a une autre façon de décrire le système, qui conduit à une valeur a priori différente.

• L’énergie libre annealed 3 est, quant à elle, définie par

f(a)(β, h) = lim N →+∞

logh ZD,N(β, h)i

N . (1.12)

Cette fois la moyenne sur le désordre est prise avant le logarithme. Généralement, un système annealed est souvent bien plus simple que sa version quenched. Si nous nous donnons une distribution de désordre ρ, il est parfois possible de calculer pour un désordre i.i.d le terme h ZD,N(β, h)i, ou au moins se ramener à un cas pur.

Le modèle annealed est intéressant à étudier en soi, mais nous pouvons clarifier ce qu’il représente réellement. Ici, les variables d’environnement sont amenées à jouer le même rôle que les variables qui caractérisent les configurations du système, alors qu’auparavant nous disions avoir fixé l’environnement. Par conséquent, les variables S sont susceptibles de sélectionner des variables D. En quelque sorte, tout se passe comme si le polymère pouvait modifier le désordre (ou l’environnement) dans lequel il se trouve pour accéder à des configurations plus favorables. Il n’y a plus de hiérarchie entre les deux types de variables, alors que dans le cas quenched, les variables S devaient au contraire s’adapter à la réalisation du désordre.

Nous pouvons voir ici que si la distribution ρ permet de définir M (β) = h eβεi (ce qui est le cas pour une distribution à support fini, ou pour un désordre Gaussien), alors nous avons :

h ZD,N(β)i = N X k=2 X τ12<···<τk ω(τ2− τ1) . . . ω(τk− τk−1) ek log M (β)

donc nous retrouvons une équation similaire au cas pur 1.2, où la somme se fait sur les points de contact et où les énergies sont transformées par βε → log M(β) . Au prix de cette opération, nous voyons que le modèle annealed est en réalité identique à un modèle pur.

Cette propriété prouve l’existence de deux phases et d’une température critique

annealed :

localisée si f(a)(β, h) > 0 pour h > h(a)c (β) ,

délocalisée si f(a)(β, h) = 0 pour h < h(a)c (β) . (1.13)

Le modèle annealed sert d’étalon au modèle quenched. Souvent, h(a)

c est une esti- mation assez proche de h(q)c .

Nous pouvons d’ores et déjà comparer les deux types d’énergies grâce à l’inégalité de Jensen, qui se base sur la concavité du log. Il a été montré dans [11, 20, 52, 56] que : h log ZD,Ni 6 logh ZD,Ni donc

f(q)(β, h)6 f(a)(β, h) . (1.14) Cela prouve en particulier que

car l’énergie libre quenched reste nulle forcément plus longtemps.

Revenons plus précisément sur le critère de Harris. Ce dernier énonce que si α < 1/2 (ou

c < 3/2 pour le modèle de Poland-Scheraga), les points critiques quenched et annealed

sont confondus, et dans le cas α > 1/2 l’inégalité 1.15 devient stricte : n’importe quelle quantité de désordre engendre un comportement critique différent. Nous verrons plus en détails dans les paragraphes suivants les résultats rigoureux qui s’y rapportent.

Dans le cas marginal, le critère de Harris ne prédit rien. Après une controverse assez longue dans la littérature, un consensus a finalement été trouvé. Il existe désormais une preuve rigoureuse de la pertinence du désordre si α = 1/2 .

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