• Aucun résultat trouvé

II.2 Méthodes expérimentales

II.2.4 Émission acoustique

L’Émission Acoustique (EA), c’est-à-dire la libération d’énergie sous forme d’ondes élas- tiques, est très couramment étudiée lorsque l’on est confronté à un matériau sujet à des dé- gradations, telles que la création et la propagation de fissures. Ces phénomènes engendrent

II.2. Méthodes expérimentales

l’émission d’ondes dans le domaine de l’ultrason qui peuvent être mesurées. La détection de ces ondes est effectuée via des capteurs piezoélectriques, dont un nombre relativement réduit permet, dans certains cas, la surveillance de structures de grande taille : dans notre cas, un seul capteur est utilisé car on ne cherche pas à effectuer de localisation spatiale des événements.

L’EA est fréquemment utilisée lors d’essais mécaniques sur composites. Elle constitue une manière simple de suivre l’évolution de l’endommagement de manière qualitative. Cette technique a été utilisée pour l’ensemble des essais mécaniques réalisés. Le matériel et la nature des données acquises sont décrits ici.

II.2.4.1 Matériel et paramètres

Le système de mesure de l’émission acoustique, de marque Vallen, est constitué d’un capteur d’ultrasons (aimanté pour faciliter la mise en position sur la ligne d’amarrage de la machine, au plus près de l’éprouvette), d’un préamplificateur de +34 dB, d’un module d’acquisition "AMSY-6" et de la suite logicielle associée. Pour chaque événement d’émission acoustique, un certain nombre de descripteurs sont enregistrés. Dans cette configuration matérielle, il n’est pas possible de récupérer les formes d’onde complètes.

Plusieurs paramètres sont nécessaires afin de déclencher l’acquisition et de définir ce qu’est un évènement acoustique. Une hypothèse sur la forme des signaux reçus permet de donner ces définitions (figure II.12). Tout d’abord, on ne prend en compte que les portions du si- gnal au dessus d’un certain seuil d’amplitude afin de séparer le signal du bruit environnant, dû principalement à la machine d’essais. Ces portions de signal au dessus du seuil (en va- leur absolue) sont appelées "coups". Chaque évènement acoustique est supposé séparé du suivant par un temps de silence. Au sein d’un évènement acoustique (c’est-à-dire entre le 1er franchissement d’un seuil sur la tension du capteur et le temps de silence précédemment

décrit), on suppose que l’on peut séparer le signal en "hits". Le premier de ces hits est réputé provenir directement de la source, tandis que les hits suivants n’en sont que des réflexions, et arrivent donc de manière atténuée et retardée. Le 1er hit est séparé du suivant par un

temps de silence (plus court que le temps de silence entre deux évènements). Un évènement constitue donc une suite de hits, ou "hit-cascade". On étudiera uniquement les propriétés du 1er hit de chaque évènement lorsque l’on considèrera par exemple des quantités telles que

l’énergie ou la durée.

Trois paramètres d’acquisition sont particulièrement importants pour l’obtention de don- nées correctes. Ceux-ci doivent être réglés en accord avec les propriétés des signaux d’EA que l’on souhaite enregistrer :

– Le RAT (ReArm Time), temps minimal entre deux cascades,

– Le DDT (Duration Discrimination Time), temps minimal entre deux hits, – Le seuil de détection (en dB) déclenchant l’acquisition.

II.2. Méthodes expérimentales

Ucapteur Compteur

t t Hit cascade = ´Ev`enement

z }| { 1ehit z }| { 2 ehit z }| { 3 ehit z}|{ ´ Ev`enement z}|{ R D T HR DDT RAT DDT expir´e DDT expir´e DDT expir´e RAT expir´e Coups A

Figure II.12 – Schéma d’un signal acoustique et de sa séparation en évènements et en hits. D désigne la durée, R le temps de montée, DDT le "duration discrimination time", RAT le "rearm time" et THR le seuil en amplitude. Le compteur est réinitialisé à chaque franchissement du seuil THR (en valeur absolue) par le signal acoustique.

Les formes d’ondes des émissions acoustiques sur composite SiC/SiC ont fait l’objet d’études [Morscher et Gyekenyesi, 2002]. Les durées des signaux sont de l’ordre de la centaine de microsecondes et leur fréquence de l’ordre de 200 kHz. Le choix des paramètres est également inspiré des réglages utilisés dans [Moevus et al., 2008]. Les valeurs des paramètres choisis sont DDT = 50 µs et RAT = 0,5 ms. Le seuil THR, est fixé entre 45 dB et 60 dB, légèrement supérieur au niveau de bruit. Ce bruit dépend surtout de la machine d’essais utilisée et de la position du capteur relativement aux sources de bruit ambiant. Au minimum, ce bruit machine se trouve aux alentours de 45 dB. On positionne le capteur le plus près possible de l’éprouvette, sur une zone aimantée du dispositif expérimental (mors ou bien ligne de traction).

II.2.4.2 Descripteurs

Les événements acoustiques enregistrés sont donc caractérisés par des "descripteurs". Ces grandeurs sont les suivantes :

– C, le nombre de coups (du 1er hit)

– R, le temps de montée de l’évènement (temps entre le début de l’évènement et le coup d’amplitude maximale du 1er hit)

– D, la durée (du 1er hit)

– A, l’amplitude maximale (du 1er hit)

– E, l’énergie (du 1er hit, au sens de la valeur efficace)

Ces données d’émission acoustique peuvent être utilisées de manière directe, en examinant par exemple l’évolution de ces paramètres en cours d’essai. Le nombre de coups ou l’éner- gie cumulée peuvent donner une image globale de l’état d’endommagement du matériau. On peut cependant supposer que les caractéristiques des signaux d’émission acoustique dé- pendent du mécanisme d’endommagement émetteur. Des méthodes de classification sont alors nécessaires pour chercher dans le jeu de données des groupes d’évènements ayant des caractéristiques communes. Deux approches sont envisageables, en fonction des informations

II.2. Méthodes expérimentales

disponibles. Les premières requièrent de posséder un jeu de données correctement "étiqueté", c’est-à-dire de connaître au préalable les caractéristiques des évènements attribués à chaque mécanisme (algorithmes d’apprentissage artificiel, appliqués aux signaux EA dans [Huguet, 2002]). Les secondes ne nécessitent pas d’autre information que le jeu de données à clas- ser [Kostopoulos et al., 2003; Godin et al., 2011] (classification non-supervisée). Il demeure cependant difficile d’attribuer de manière sûre un mécanisme d’endommagement à chaque famille d’évènements. On se limitera ici à une analyse globale de l’évolution de ces para- mètres, sans considérer chaque évènement individuellement.

L’émission acoustique permet de caractériser l’évolution de l’endommagement de manière globale. Rohmer [Rohmer, 2013] trouve un bon accord entre les densités de fissuration en surface et le "nombre de coups" cumulé. Morscher [Morscher, 2004; Morscher et al., 2007] utilise l’énergie cumulée normée (telle que sa valeur à rupture soit égale à 1). Cette quantité, est multipliée par la valeur de la densité de fissures à saturation (obtenue par des observa- tions) permet de reconstituer l’évolution de la densité de fissures (ceci suppose néanmoins que l’énergie apportée par unité de surface fissurée soit constante). Cette quantité permet aisément de mettre en évidence l’initiation et la saturation de l’endommagement. Dans de nombreux cas, les mesures d’émission acoustiques sont semi-quantitatives ; on considère des quantités normées car les valeurs absolues sont très dépendantes du protocole expérimental.