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Émergence de la problématique de la chaleur en milieu urbain au Québec

Dans un premier temps, il appert que le contexte général de préoccupations grandissantes relatives à l’environnement et au changement climatique ait servi de terreau fertile à la prise en compte du climat urbain par les acteurs de l’aménagement. L’intérêt pour les principes du développement durable et la nécessité d’élaborer de nouveaux documents d’aménagement ont également offert une opportunité de questionner les manières traditionnelles d’aménager la ville. La canicule majeure

survenue en Europe à l’été 2003 et la diffusion progressive de cartes thermiques québécoises depuis le début des années 2000 ont, chacune à leur manière, attiré l’attention des professionnels sur l’ICU. Il est à noter qu’une part des informations recueillies dans ce chapitre s’appuie sur les entretiens réalisés auprès d’urbanistes travaillant pour la Ville de Montréal ou de ses arrondissements.

2.1.1 Environnement et changements climatiques : un contexte de prise de conscience

Au début des années 2000, l’environnement et le changement climatique mobilisent les acteurs gouvernementaux à toutes les échelles. Les conséquences du réchauffement planétaire se font ressentir et l’on considère sérieusement la menace de l’accroissement de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes. Parallèlement, le mot valise « développement durable » prolifère dans les différents discours comme l’approche adéquate positionnant les enjeux économiques, environnementaux et sociaux sur un pied d’égalité. Les différents acteurs, des gouvernements aux entreprises, intègrent massivement ce concept dans leur vocabulaire. Dans ce courant, les urbanistes sont également appelés à adapter leur approche, passant de la ville fonctionnelle à la ville durable.

Cette nécessité de penser la ville autrement était déjà amorcée. Dans les années 1960 à 1980, on assistait à une montée des préoccupations sanitaires relatives à la qualité de l’air, notamment avec la multiplication des épisodes de smog. La santé publique avait alors interpellé les autorités et les urbanistes sur la question. La réduction de la production de pollution atmosphérique est devenue un enjeu important, entraînant une réflexion sur l’utilisation des divers modes de transport. Au début des années 2000, cette problématique de qualité de l’air s’est couplée à celle des vagues de chaleur excessive, les deux problématiques se renforçant mutuellement. La santé publique sonna alors de nouveau l’alarme.

C’est donc dans ce contexte de préoccupations face à l’environnement et au réchauffement climatique que de nouveaux enjeux ont émergé, notamment la problématique de la chaleur en milieu urbain. L’intérêt nouveau pour le développement durable et l’adaptation au changement climatique posait la table pour une remise en question des méthodes d’aménagement urbain, mais également la nécessité d’accroître, pour les aménageurs, leurs connaissances sur ces enjeux.

2.1.2 Canicule européenne de 2003 : un événement marquant

La canicule de 2003 en Europe fut un événement marquant. En France uniquement, c’est plus de 13 700 décès qui ont été attribués à la canicule du 3 au 15 août 2003 (Ray et al., 2007). Les autorités réalisaient alors qu’elles n’étaient pas prêtes à intervenir devant les risques sanitaires relatifs aux vagues de chaleur excessive et aux canicules. C’est à ce moment que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) se positionne comme acteur incontournable sur la question de la chaleur, et ultérieurement sur l’ICU. Plusieurs documents publics relatifs à l’aménagement soulignent d’emblée cet événement pour justifier l’importance d’agir face au risque de la chaleur en milieu urbain.

2.1.3 Diffusion de cartes thermiques québécoises : un outil local de sensibilisation

Depuis le début des années 2000, plusieurs cartes thermiques québécoises circulent dans le cadre de réunions et d’activités de formation liées à l’environnement, au développement durable ou au changement climatique. Ces cartes ont été réalisées par le Consortium Ouranos, spécialisé sur la question du changement climatique ainsi que par l’équipe du professeur Yves Baudouin, de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Ultérieurement, l’INSPQ a diffusé sur Internet une carte interactive des ICUs couvrant l’ensemble du territoire québécois. Toutefois, l’ensemble de ces cartes représente uniquement les îlots de chaleur de surface.

2.1.4 Sommet de Montréal : vers une redéfinition des pratiques d’aménagement

Dans le cadre de cette recherche, la Ville de Montréal est un cas intéressant, puisqu’en raison de sa superficie urbanisée, elle représente un territoire propice à la formation d’ICUs. En tant que métropole du Québec, elle dispose également de plus ressources financières et techniques plus importantes en matière d’aménagement.

En 2001, le gouvernement du Québec procède à la fusion de l’ensemble des municipalités situées sur l’Île de Montréal. L’année suivante, le nouveau maire, Gérald Tremblay, invitait les représentants de la société civile et de la fonction publique à un vaste chantier de consultation sur l’avenir de la Ville visant l’établissement d’une vision commune. Il conviait également la population à définir des projets permettant d’accroître la richesse collective et d’améliorer la qualité de vie. Plus de 3 000 personnes

ont collaboré à 27 sommets d’arrondissements et à 14 sommets sectoriels visant à déterminer les priorités d’action et les orientations de la « nouvelle ville » (Ville de Montréal, 2002).

Le Sommet était décliné sous cinq axes thématiques, dont celui de Montréal, métropole durable. Cet axe portait, entre autres, sur « la gestion intégrée de l’environnement, la vision intégrée pour un développement urbain durable, la protection et la mise en valeur du patrimoine naturel, [...] et le développement d’une approche d’aménagement urbain de qualité » (Ville de Montréal, 2002). Cet événement a joué un rôle important dans l’introduction de nouvelles préoccupations liées aux façons d’aménager la ville. Dans les années subséquentes, ce Sommet donna lieu à différentes politiques sectorielles, dont le Plan d’urbanisme de la Ville de Montréal en 2004, document d’aménagement qui ciblait l’ICU comme problématique, et le premier Plan stratégique de développement durable en 2005.