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Une émergence de mouvements contestataires des théories fonctionnalistes en lien avec une évolution progressive des regards portés sur la rue et les espaces

PARTIE 1 - DES PLACES ET VALEURS ASSOCIEES AUX DIFFERENTES TYPOLOGIES DE RUE DANS LES THEORIES

1. Une émergence de mouvements contestataires des théories fonctionnalistes en lien avec une évolution progressive des regards portés sur la rue et les espaces

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1. Une émergence de mouvements contestataires des théories fonctionnalistes en lien avec une évolution progressive des regards portés sur la rue et les espaces publics

a. Les architectes « athéno-sceptiques » du Team X et les premières velléités d’un retour à une « idée » de rue

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, un ensemble de jeunes architectes remet en question la rigidité dogmatique des préceptes issus de la Charte d’Athènes, et notamment sa grille de lecture par fonctions élémentaires36, dont ils s’accommodent de plus en plus difficilement des limites tant théoriques que pratiques. Ce groupe d’architectes, progressivement constitué sous le nom de Team X (ou Team Ten), marque alors sa volonté de prendre la relève d’une génération vieillissante incarnée par Le Corbusier, Walter Gropius ou Siegfried Giedon, tout en élargissant le cadre défini par ces derniers, perçu de plus en plus comme rigide et arbitraire. Team X se fédère autour d’un « noyau dur » d’architectes de différentes nationalités (majoritairement européennes) parmi lesquels : les anglais Alison (1928-1993) et Peter (1923-2003) Smithson, les hollandais Aldo van Eyck (1918-1999) et Jaap Bakema (1914-1981), l’italien Giancarlo De Carlo (1919-2005), ou encore le grec Georges Candilis (1913-1995), l’américain Shadrach Woods (1923-1973) et le franco-yougoslave Alexis Josic (1921-2011), tous trois associés au sein de l’agence Candilis-Josic-Woods. Bien qu’ils en aient été les principaux contributeurs, ces architectes ne furent toutefois pas les seuls à participer à la réflexion globale entreprise par ce collectif en vue d’offrir de nouvelles formes réponses à des problématiques considérées comme trop simplement posées et résolues par leurs prédécesseurs au sein des CIAM. C’est lors du neuvième CIAM à Aix en Provence en 1953 sur le thème de « l’étude de l’habitat humain » que, entre « jeunes » et « anciens » la rupture se révèle profonde, voire définitivement consommée. Ce congrès signe alors un tournant dans une pensée moderne marquée par son effritement. Ainsi, l’objectif fixé d’établir une Charte de l’habitat ne sera pas rempli et ce CIAM s’achève dans une relative confusion quant aux suites à donner à ces rassemblements. En s’organisant en un groupe « dissident », ils acquièrent une visibilité importante qui leur permet d’incarner le courant de la « modernité critique » [Bonillo et al., 2006 : 17]37.

Face à l’hétérogénéité et à la diversité des positions des différents protagonistes de Team X, caractéristique propre à ce collectif qui, aux yeux de certains, n’avait « de mouvement que le nom » [Frampton, 2009 : 297], nous avons d’abord choisi d’isoler la présentation faite par Alison et Peter Smithson à l’occasion de ce congrès d’Aix-en-Provence. Leur réinterprétation de la grille CIAM38 par l’intermédiaire des échelles spatiales et sociales qui se tissent dans la ville, et en y (ré)intégrant la rue, a

36 Pour rappel : « habiter », « travailler », « se recréer », et « circuler », cette quatrième fonction ayant pour vocation de permettre la liaison dans l’espace des trois précédentes.

37 Les membres de la Team X hériteront ainsi de la charge d’organiser le 10ème et avant-dernier CIAM à Dubrovnik en 1956.

38 Il s’agit d’une méthode d’analyse et de présentation mise au point par l’Association pour une Rénovation Architecturale (ASCORAL) dirigée par Le Corbusier. Elle fut expérimentée lors du CIAM VII de Bergame en 1949.

Le but de ces grilles était d’offrir une forme commune permettant de comparer différentes mises en pratique de la Charte d’Athènes. Son cadre strict va de pair avec « une normalisation poussée jusqu’à l’outrance concernant les dimensions, la fabrication matérielle, la maquette et les codes graphiques de présentation ». L’objectif de ce CIAM était justement d’aboutir à la constitution d’une grille pour la fonction « Habiter » [Bonillo et al., 2006 : 23].

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ainsi offert l’opportunité de sa (re)mise en débat à l’intérieur de la communauté des architectes modernes. De plus, l’articulation de cette grille avec différents concepts d’aménagement de leur cru, faisant directement ou indirectement référence à la rue, tels les « rues-en-l’air » (street-in-the-air) ou les

« seuils » (doorstep), paraît particulièrement représentative de la manière dont la rue a pu progressivement réapparaître dans les débats architecturaux de l’après-deuxième guerre mondiale.

Adhérents du groupe MARS (Modern Architecture Research Group), la branche britannique du Mouvement moderne, les époux Smithson, alors tout jeunes diplômés d’école d’architecture, participent en 1953 à Aix en Provence à leur premier CIAM. A cette occasion, ils développent une autre vision de la grille CIAM à une échelle qui se veut plus humaine, aidés en cela par un travail photographique de leur ami Nigel Henderson sur des enfants d’un quartier populaire londonien de l’East End (Bethnal Green). Au-delà de la simple iconographie, c’est le retour à une certaine « grammaire » de la ville classique et à des valeurs d’« urbanité » qui interpelle ici, du fait des termes employés. Ainsi, les catégories misent en avant : « maison », « rue », « quartier », « ville » renvoient à la dimension qualitative d’une expérience urbaine vécue, transcendant les seules considérations esthétiques, morphologiques, techniques et fonctionnelles sur lesquelles s’est fondé le Mouvement moderne. La notion d’« appartenance » apparaît au cœur de leurs interrogations, en tant que sentiment que les rues seraient particulièrement propices à susciter39.

Cependant, cette reprise de terminologies héritées ne doit pas pour autant être appréhendée comme l’expression d’un élan de nostalgie, mais plutôt comme un inventaire de références à réinterpréter. Elle se comprend ainsi plus justement à la lumière de leur concept de « cluster », qu’ils développeront par la suite, en tant que « terme générique « provisoire » pour regrouper et remplacer les mots de maison, rue, district, village ou ville, trop connotés historiquement » [Mangin, 2004 : 65]. Ainsi que l’exprime Christian Moley, ce terme de cluster, « qui signifie à la fois groupe de personnes et formes de groupement, est proposé par Alison et Peter Smithson pour leurs différents « niveaux d’association », dans l’idée d’empêcher, avec une telle généralité abstraite, toute évocation du passé. Au contraire, cluster se veut un terme ouvert et incitatif, appelant à un renouvellement typologique, coupé des formes historiques » [Moley, 2003 : 97]. Les différents éléments de la grille s’articulent les uns aux autres dans le but de permettre cette mise en œuvre d’une hiérarchie des « associations humaines » [Van den Heuvel, 2006 : 147], contenue dans ce concept exploratoire de cluster.

39 Comme ceux-ci ont pu être amenés à l’exprimer : « « L’appartenance » - l’identité -, engendre le caractère enrichissant du voisinage. Les petites rues étroites des taudis ont réussi là où des rénovations peu denses échouent souvent » [Alison et Peter Smithson cités par Frampton, 2009 : 291].

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Figure 23 : « Urban Reindentification » ou la réapparition de la rue dans la grille CIAM présentée par Alison et Peter Smithson lors du neuvième congrès CIAM d'Aix en Provence de 1953 [Van den Heuvel, 2006 : 148-149].

Les photographies de Nigel Handerson déjà évoquées se retrouvent sur la partie de gauche de la grille d’Allison et Peter Smithson (cf. Figure 23), tandis que celle de droite est principalement composée d’images extraites d’un projet élaboré en 1952 pour le concours de l’ensemble résidentiel de Golden Lane à Londres. Et bien qu’ils aient perdu ce dernier, leur proposition fit forte impression et servit de base conceptuelle et visuelle à leur présentation. La mise en regard de ces photographies avec ces représentations de projets témoigne de la manière dont celles-ci ont pu participer à nourrir leurs réflexions :

« Les Smithson rendirent fréquemment visite à Henderson dans ce quartier à partir de 1950 ; ils construisirent leurs concepts d’identité et d’association à partir de leur expérience personnelle de la vie dans ces rues […]. Ainsi, la voie communale (ou bye-law street), certes revue à l’aune de leur propre rationalisation, constitua en 1952 l’armature conceptuelle de leur projet de Golden Lane » [Frampton, 2009 : 292].

La réinterrogation de la rue se veut donc au cœur de ce projet, mis en débat lors du CIAM IX d’Aix-en-Provence : « Sans aucun doute, le niveau le plus important et soulevant le plus de défis était celui de la rue. Golden Lane proposait une redéfinition audacieuse de la notion de rue, en en faisant un élément clef du complexe de l’habitat » [Van den Heuvel, 2006 : 152]. La relève de ce défi passe alors par le concept architectural de « rue-en-l’air » (street-in-the-air). L’influence de l’Unité d’Habitation de Le Corbusier et sa « rue intérieure » apparaît patente, à la différence près que celle-ci se retrouve désormais reléguée à l’extérieur du bâtiment, en façade :

« Bien sûr, la rue suspendue est déjà présente chez Corbu, mais la contribution apportée par Golden Lane est d’envisager cette rue en remplacement du réseau des rues au sol, et d’offrir ainsi de nouvelles possibilités de cheminements. La rue suspendue, chacune a ses propres caractéristiques, c’est une entité sociale… Ce sont des lieux, non des corridors ou des balcons. Dans les passages on peut trouver de petites boutiques, des boîtes à lettres, des cabines téléphoniques… Vivre à la verticale devient une réalité » [Smithson et Smithson, 1975 : 4]

Chacune de ces « rues-en-l’air » permet de desservir deux étages différents, l’étage courant et celui situé au-dessus par l’intermédiaire d’escaliers. Ceci dans le but qu’elles accueillent un nombre suffisant de personnes pour en faire un « lieu » à part entière, une véritable entité urbaine support d’une vie sociale. Cette « rue-en-l’air » représente l’élément-clé d’une proposition souhaitant mettre en

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pratique l’articulation prônée entre les différentes échelles d’associations humaines. Un autre élément marquant de ce projet réside dans les représentations proposées, à la fois fantaisistes et épurées, mêlant dessins et collages, qui participeront aussi fortement à sa postérité.

Figure 24 : Photomontage de présentation d'un « deck » (ou « rue-en-l’air ») issu du projet de Golden Lane [Van den Heuvel, 2013 : 391].

Ce projet témoigne donc bien d’une volonté de ces architectes de réinterroger la rue ainsi que les valeurs qu’elle véhicule, en vue d’une réintroduction symbolique de cette forme ancestrale dans la pensée architecturale moderne. Un tel projet a néanmoins laissé bon nombre d’observateurs dubitatifs quant à la pertinence des solutions architectoniques retenues :

« Pourtant tout en restant opposés au déterminisme de la « ville fonctionnelle » d’avant-guerre, les Smithson s’enfermèrent avec le projet de Golden Lane dans un processus de rationalisation qui rappelait celui des CIAM. Si leurs « cours » étaient repérées comme des zones contiguës aux rues, il était clair […] que les « rues » elles-mêmes, désormais détachées du sol, ne pouvaient plus être le lieu de pratiques collectives. Surtout, leur mono-orientation (elles ne desservaient les logements que sur l’un de leurs côtés) ne faisait que renforcer la linéarité des parcours, sans créer un quelconque sens du lieu » [Frampton, 2009 : 292].

Luisa Maria Calabrese s’interroge de manière similaire sur les ambiguïtés de ce projet qui demeure à ses yeux toujours très fortement empreint par des référentiels fonctionnalistes :

“However, despite the re-sizing of the urban categories and the social intent of the operation, the project maintains some functionalist characteristics that compromise the result. Two in particular are interesting because they relate to mobility, namely the idea of a multi-level city and the way the Golden Lane model interacts with the existing city. The street is multi-level, which is the most common typology used by the functionalist grid (traffic flows ordered vertically according to speed). The space of flow designed

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for pedestrian transit is a system of one-sided gallery access of generous width, elevated into the air. The front yards are coupled with the street and therefore separated from the residential units with the result that the dwellings do not have a garden and the street is no longer shaped to accommodate community life.

Furthermore, the fact that the street is one-sided determines a rather limited possibility of its use making it difficult to create a sense of place as the one sought by the Smithsons. The second aspect […] demonstrates that it is virtually impossible to create continuity between decks and street level and that at the third level the pedestrian meets the critical point to perceive any contact with the ground” [Calabrese, 2004 : 433 435].

D’un point de vue urbanistique, considérer ces « rues-en-l’air » comme de véritables « rues » semble donc relever de l’abus de langage aux yeux de la plupart des observateurs contemporains, tant au niveau de la forme proposée, annihilant tout rapport au site, que de leur fonctionnement. L’intention de réinventer ou de remobiliser cette forme urbaine est en tout cas explicite, signe vraisemblable d’un manque perçu d’un équivalent à la « rue » dans les projets de leurs contemporains.

La situation paradoxale dans laquelle s’inscrivent la plupart des architectes de Team X et les Smithson notamment, découle de leur souhait de se détacher des cadres restreints posés par des maîtres modernes, qui n’en demeurent pas moins leurs principales références en matière d’architecture et d’urbanisme40. Ces expérimentations, se voulant à la marge d’un pur fonctionnalisme, découlent comme nous l’avons vu de leur souci de tendre vers une meilleure articulation entre espaces et sociétés, en ne dissociant plus l’habitat de la communauté qui l’habite. Cette recherche d’espaces de transition reste centrée ici autour de l’espace résidentiel, au travers d’« extensions » pouvant servir de lien entre le

« domestique » et ce qui relève du « communautaire », pour reprendre ces constats formulés par Daniel Pinson sur l’architecture et l’urbanisme moderne :

« L’espace habité n’est plus pensé comme un cadre de vie riche et complexe, où s’ordonnent, dans la continuité et la distinction, des éléments liés les uns aux autres, dans des rapports de hiérarchie clairs, subordonnant le domestique au public et au communautaire, le logement à la rue, à la place et à l’hôtel de ville » [Pinson, 1996 : 32].

Influencés par les sciences humaines telles l’anthropologie et la sociologie, les membres de Team X vont essayer de s’en approprier les apports [Secci, 2010]. La problématique majeure qui les anime et pour ainsi dire, les rassemble, renvoie alors à la recherche d’échelles socio-spatiales adaptées aux évolutions des sociétés humaines. Christian Moley la synthétise de la manière suivante :

« Quelle communauté résidentielle, avec quelle configuration spatiale qui la conforterait : l’impossible question de l’espace véritablement collectif proposé à la résidence se voit déplacée, par le Team X, à nouveau vers la rue, tendance déjà signalée […] pour le tournant du siècle » [Moley, 2003 : 99].

Ils ne se révèlent néanmoins pas tant intéressés par la rue comme forme urbaine à proprement parler que par le « concept socio-spatial » plus général qu’elle véhicule. Comme Alison et Peter Smithson l’ont eux-mêmes exprimé : « c’est l’idée de rue, pas la réalité de la rue, qui est importante » [Allison Smithson et Peter Smithson cités par Alonzo, 2013 : 403]. Pour le critique d’architecture Pierre Joly, le

40 Le Corbusier en particulier, semble avoir eu sur Alison et Peter Smithson une influence déterminante qui transparaît au moins esthétiquement par le caractère « brutaliste » de leurs réalisations respectives [voir par exemple Sbriglio, 2013].

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projet sous-jacent de ces architectes résidait dans un abandon de la notion de « centralité » dont la rue était porteuse, tout en conservant sa dimension de réseau :

« En proclamant que le centre était partout, et qu’aucun dispositif architectural ne devait marquer une centralité toujours provisoire, toujours prête à se décentrer, on abandonnait le terrain malaisé, mais disputé de la production de l’architecture comme signe. On reproduisait l’idée de la rue, sans vouloir en reproduire l’image. La rationalité de la démarche serait à la racine même de son échec » [Joly, 1979 : 28, en italique dans le texte original]. Ce refus des formes passées avait d’ailleurs été clairement exprimé par les Smithson eux-mêmes :

« Le problème de la ré-identification de l’homme avec l’environnement ne peut être résolu en utilisant les formes historiques de la maison - groupements, rues, squares, pelouses » [Alison Smithson et Peter Smithson cités par Moley, 2003 : 95].

Les problèmes de fonctionnement connus par certaines de ces réalisations ne peuvent pas être ignorés. Près d’une vingtaine d’années après l’échec du projet de Golden Lane, Alison et Peter Smithson concrétisent leur concept architectural des « rues-en-l’air » à l’occasion de l’édification de l’ensemble de Robin Hoods Garden (1969-1972), à Londres toujours. Si l’on doit se servir de ce projet comme d’une référence en vue d’évaluer la réussite de ces velléités de « réinvention de la rue », le bilan se révèle alors relativement peu flatteur face à une opération qui, aux yeux des autorités publiques n’a jamais véritablement fonctionné et a relativement « mal vieilli » et qui est en proie à une démolition prochaine41. Le regard porté par Françoise Fromonot sur cette opération se révèle à ce titre sans concessions :

« Brutaliste par idéologie, social par définition, monumental par réaction, Robin Hoods Garden résulte de la confrontation cruelle entre un projet théorique daté et une institution déclinante, dans un contexte physique inhospitalier » [Fromonot, 2009 : 105]. En élargissant la focale au-delà de cette mise en pratique, Christian Moley émet pour sa part un jugement sévère sur les réalisations d’échelle urbanistique issues de Team X, au regard là-encore des ambitions de ces architectes d’explorer des concepts opératoires permettant de faire le lien entre le logement et la ville : « […] les opérations urbaines des Smithson (Robin Hood Gardens) ou de Candilis (Toulouse – Le Mirail), trop basées sur une idée de stem42 confondue avec d’interminables coursives avancées comme rues-en-l’air, ne parviennent pas à passer pour des ensembles articulant différentes échelles d’espaces sociaux » [Moley, 2003 : 103].

41 Le classement de cette opération en tant que « monument historique » a ainsi été refusé par le Ministère de la culture en 2008 et ce, malgré la forte mobilisation de la « presse architecturale et généraliste » soutenue en cela par des « personnalités éminentes de la corporation des architectes toute tendance confondue et du monde entier » [Fromonot, 2009 : 102].

42 Le stem (tige) est un concept développé par l’architecte Shadrach Woods à l’occasion du concours de 1961 pour la création du quartier de Toulouse-Le Mirail, et qu’il a mis en application avec Georges Candilis et Alexis Josic.

Celui-ci sera par la suite complété par un concept complémentaire, le « web ». Le critique d’architecture Pierre Joly en explique ainsi la démarche et la logique : « La conviction se faisait chez certains qu'il était indispensable de substituer, au principe de composition (le plan de masse) un principe d'organisation. Pour Woods, ce principe devait être, selon une image organique, une tige, un rameau : « stem », une structure continue de communauté sur laquelle viendrait se greffer le logement. Un peu plus tard, la critique du système linéaire [...] imposait l'image du réseau : « web », la toile d'araignée. La structure donnerait du même coup le moyen d'arracher l'urbanisme à l'immobilité qui est la conséquence inévitable de la rationalité du projet. Elle ne serait qu’un réseau de droits de passage […] doublé d’une maille technique sur laquelle on pourrait, à tout moment, « brancher » les constructions nécessaires. Le temps faisait sa rentrée comme une « quatrième dimension »… » [Joly, 1979 : 27].

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Figure 25 : Carte du stem structurant le vaste ensemble de Toulouse-Le Mirail conçu par l’agence Candilis-Josic-Woods face au dense réseau de rues de la ville héritée. Le contraste saisissant entre deux conceptions urbaines différentes et produites dans des conditions diamétralement opposées : d’un côté le temps long du palimpseste urbain et de l’autre le temps court d’une zone à urbaniser en priorité [Kostof, 1991 : 91].

Plus largement, et au-delà de ces seuls exemples, ces tentatives de renouer avec le caractère enclos de la rue sans renoncer à l’idéal moderniste de libération du sol par des systèmes de dalles ou de coursives semblent a posteriori n’avoir que très rarement été couronnées de succès, dans leur intention de la remplacer en tant qu’espace social et comme lieu de déplacement. Tel est en substance le bilan qu’en dresse Spiro Kostof :

“The bankruptcy of these revisionist interpretations of Modernism's doctrine of an urban street substitute could not be ignored by the late 1970s. By turning whole blocks into isolated citadels, these schemes render the street corridor little more than a glorified service alley. Most damning of all is the ingratitude of the obdurate pedestrian, the supposed beneficiary of aerial passageways and rooftop plazas, who from London to Toulouse can be seen shunning these carefully engineered environments and seeking the ground level when given the opportunity”[Kostof, 1992 : 239]43.

“The bankruptcy of these revisionist interpretations of Modernism's doctrine of an urban street substitute could not be ignored by the late 1970s. By turning whole blocks into isolated citadels, these schemes render the street corridor little more than a glorified service alley. Most damning of all is the ingratitude of the obdurate pedestrian, the supposed beneficiary of aerial passageways and rooftop plazas, who from London to Toulouse can be seen shunning these carefully engineered environments and seeking the ground level when given the opportunity”[Kostof, 1992 : 239]43.