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La lutte aux changements climatiques nécessite un virage de la consommation de combustibles fossiles vers des sources d’énergie propre. C’est pourquoi le débat sur la transition énergétique oppose généralement énergie polluante et énergie verte. Toutefois, les énergies fossiles ne forment pas une catégorie homogène. Certaines sont plus nocives que d’autres, comme le charbon, qui est la plus polluante de toutes les énergies fossiles (Hansen, 2009; Collier et Venables, 2015). Selon l’Agence européenne de l'environnement (AEE), le charbon émet en moyenne entre 75-90 % plus de GES que le gaz naturel et 30-40 % plus que le pétrole (European Enviroment Agency, 2008). En plus de sa forte intensité en carbone, le mercure et l’arsenic produits par le charbon sont extrêmement nocifs pour les océans et les cours d’eau (Hansen, 2009). Pour ces raisons, l’élimination du charbon peut être considérée comme une priorité dans la réduction de la production d’énergies fossiles.

Les politiques d’élimination progressive du charbon varient en fonction du type d’industries de charbon et de l’arrangement institutionnel entre l’économie et l’État (Rentier et al., 2019). En ce qui concerne les centrales électriques au charbon, il existe un débat sur le rôle du gaz naturel dans la politique d’élimination du charbon (voir Zhang et al., 2016). Certains auteurs considèrent le gaz comme un « carburant transitoire » (bridge fuel) facilitant l’élimination du charbon (Podesta et Wirth, 2009; Kerr, 2010; Levi, 2013). Le gaz naturel possède des caractéristiques semblables à ceux du charbon, ce qui permet son remplacement dans la production d’électricité et diminue l’impact environnemental. Pour d’autres, il n’offre guère d’avantages en matière de réduction des GES (Myhrvold et Caldeira, 2012; Howarth, 2014) et pourrait retarder le développement d’alternatives plus vertes (Harris, 2012).

Pour déterminer le rôle de ces deux sources d’énergie dans le développement d’une économie verte, il est important de comparer leur impact sur les changements climatiques. Cette évaluation est difficile, car elles émettent différents types de polluants avec des effets variés sur les changements climatiques. Si le gaz naturel émet peu de dioxyde de carbone (CO2) par rapport au charbon, il émet en revanche du méthane (CH4); ce gaz fugitif a un impact plus important que le CO2 sur le réchauffement de la planète (Myhre et al., 2014). Le CH4 s’évapore cependant plus rapidement que le CO2 dans l’atmosphère, ce qui limite son effet sur le réchauffement climatique à long terme. L’intensité de l’émission de gaz fugitifs et la période de temps analysée influencent l’impact du gaz naturel sur le réchauffement climatique (Zhang et al., 2016). Dans le cadre d’une PIV disruptive ferme, la performance environnementale de l’industrie du gaz naturel est essentielle pour être un substitut écologiquement supérieur à celle du charbon.

6.1.1 Élimination de la production de charbon en Ontario

Au début des années 2000, il existe un consensus entre les trois principaux partis politiques – Parti libéral, Parti conservateur et le Nouveau parti démocrate – en Ontario sur la nécessité de fermer les centrales électriques au charbon (Harris et al., 2015). Si c’est d’abord des considérations de santé publique qui motivent ce consensus politique (Rowlands, 2007), la lutte contre les changements climatiques et le développement de l’énergie renouvelable sont également présents comme arguments dans les débats entre 2003 et 2010 (voir Rosenbloom, 2018). Ainsi, on observe quatre principaux objectifs. Le premier l’amélioration de la qualité de l’air, le second, la protection de la santé

publique, le troisième, la lutte contre les changements climatiques et le dernier, le développement de l’énergie renouvelable (Harris et al., 2015).

En 2009, la LEVEV participe à cet objectif d’accroître la production d’énergie renouvelable et de réduire les énergies fossiles du bouquet énergétique de la province. Sur le plan pratique, la SIERE a le mandat de gérer le réseau d'électricité de manière à atteindre les objectifs fixés par le gouvernement (LEVEV, 2009). De même, le gouvernement a imposé des normes environnementales strictes à l’Ontario Power Generation (OPG). Cette entreprise qui appartient à l’État et qui possède 70 % des sources d’approvisionnement en électricité de la province (Stokes, 2013) doit réduire l’émission de GES de deux tiers au niveau de 2003 jusqu’en 2014 (Ministère de l'Énergie, 2010).

Toutefois, la difficulté d’intégrer l’énergie renouvelable à la production d’électricité, en raison de leur nature intermittente, limite la capacité à court terme de ce type de technologie à remplacer le charbon. Pour cette raison, l’augmentation de la capacité installée de gaz naturel de 5 500 MW fait partie de la stratégie du gouvernement d’éliminer la production d’électricité produite par les centrales de charbon (Ministère de l'Énergie, 2015). Cela dit, puisque les prix du gaz naturel ne sont pas « stables » et qu’ils étaient élevés en 2007 (voir chapitre 4), cette ressource devait être utilisée « judicieusement » (OEO, 2007, p. 15).

L’élimination progressive du charbon en Ontario repose principalement sur une combinaison de gaz naturel et d’énergie renouvelable. La présentation de l’évolution de la production d’électricité entre 2005 et 2016 (figure 6.1) permet de faire deux observations. Premièrement, le gaz naturel a été utilisé principalement pour éliminer le charbon : entre 2007 et 2011, une augmentation de 9,8 TWh d’électricité provenant du gaz naturel remplace le charbon. La production de 23,6 TWh de gaz naturel en 2011

est d’ailleurs similaire à celle de 28 TWh du charbon en 2007. L’augmentation du volume d’énergie renouvelable et la conservation d’électricité réduisent toutefois l’importance globale du gaz naturel. En 2015, la production d’électricité provenant du gaz naturel était similaire à l’énergie renouvelable, soit 15,9 TWh par rapport à 12,8 TWh pour l’énergie renouvelable. Les données de 2017 suivent cette tendance : le gaz naturel représente 5 % (5,9 TWh) de la production d’électricité, une baisse de 75,31 % par rapport à 2012 (SIERE, 2018, cité par ECO, 2018, p. 164).

Figure 6.1 Évolution de la production d’électricité en Ontario par source d’énergie, entre 2005 et 2015

Source: SIERE, 2016a; SIERE, 2016b

Deuxièmement, l’énergie renouvelable a joué un rôle limité dans l’élimination du charbon en Ontario. En effet, malgré une croissance plutôt encourageante, qui est passée de 1,9 TWh en 2008 à 5,4 TWh en 2011, l’énergie renouvelable ne représentait que 3,5 % de la production totale d’électricité en 2011, contre 15 % pour le gaz naturel.

20 40 60 80 100 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 TW h

Énergies renouvelables Gaz naturel

Nucléaire Charbon

De plus, l’énergie renouvelable a eu un rôle limité durant les périodes de pointe. Entre 2005 et 2015, la contribution de l’énergie solaire aux périodes de pointe est estimée à 33 % l’été et à 5 % l’hiver, celle de l’énergie éolienne à 11 % en été et de 28 % en hiver (ECO, 2018, p.73). À titre comparatif, les nouvelles installations de gaz naturel ont contribué aux périodes de pointe du système d’approvisionnement en électricité à 89 % en été et à 95 % en hiver (ECO, 2018, p. 73). Comme le charbon sert principalement de charge de pointe (Hrab et Fraser, 2010), il est raisonnable d’affirmer que le gaz naturel a joué un rôle clé dans l’élimination du charbon en Ontario (Ontario Society of Professional Engineers [OSEP], 2016). Si l’utilisation du gaz naturel a été efficace pour assurer la fiabilité de l’approvisionnement en électricité, elle est plus contestée dans la littérature sur le plan environnemental. La prochaine section présente les arguments pour et contre l’utilisation du gaz naturel comme combustible transitoire et évalue l’impact environnemental du charbon et du gaz naturel en Ontario entre 2005 et 2016.