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2.6 Conclusion

3.1.1 Éléments sur le choix des macro-rugosités

Comme présenté en introduction de ce chapitre, l’un des objectifs scientifiques initiaux de ce dispositif expérimental est d’arriver à générer des courants secondaires de second type par contraste transversal de rugosités en situation d’eau peu profonde, typiquement pour des submersions 0, 33 ≤ α ≤ 0, 66. Le choix et la disposition des macro-rugosités apparaissent donc comme un enjeu crucial du dimensionnement hydraulique de la pente I du canal.

Les expériences doivent permettre l’étude de l’influence de la submersion des macro- rugosités sur la structure verticale de la couche limite. La présence de macro-rugosité nécessite, de facto, l’emploi de la double moyenne. Suite au travail de Florens et al. (2013), et afin de pouvoir manipuler des grandeurs doublement moyennées spatialement convergées, telles que les vitesses moyennes hui ou les moments d’ordre 2 hu02

i, il appa- raît judicieux d’adopter une configuration de macro-rugosités régulière et périodique au dépens d’une configuration aléatoire. Ainsi, il est plus aisé de définir un motif de rugosité sur lequel peut être calculé la double moyenne. La périodicité des motifs de rugosité per- met quant à elle d’appliquer des conditions de symétrie. Pour ces raisons, la répartition spatiale de chaque zone de rugosités est choisie régulière avec des motifs de rugosité pé- riodique. Cette répartition spatiale est contrôlée par un paramètre important : la densité des macro-rugosités notée λ (définie plus précisément dans la section 3.1.2).

La configuration de macro-rugosités doit permettre la génération des courants secon- daires dans une zone centrale de l’écoulement non influencée par les courants de bords. Cela signifie que les macro-rugosités doivent permettre d’obtenir un écoulement bidimen- sionnel sur chaque zone de rugosité homogène assez loin de la discontinuité transverse de rugosités et des parois latérales du canal hydraulique (voir figure 3.1).

Le travail expérimental de Nezu and Rodi (1985) montre que le rapport d’aspect du canal B/D (avec B la largeur et D la hauteur d’eau) a un impact sur l’apparition des courants secondaires de second type. Leurs travaux ont permis de classer les canaux en deux catégories en fonction de leur rapport d’aspect :

– Les canaux étroits, pour lesquels B/D < βc où βc est une valeur critique estimée

empiriquement, et prise égale à 5. Dans ce cas, les courants secondaires de bords apparaissent et s’étendent sur la quasi-totalité de la demi-largeur du canal,

– Les canaux larges, pour lesquels B/D > βc. Pour ces rapports d’aspect apparaît

une zone centrale du canal où l’écoulement n’est pas influencé par les courants secondaires de coin sur une distance |y

D| < B D − βc



. Dans cette zone, les courants secondaires sont donc uniquement dus au contraste transverse de rugosité. Par conséquent l’hypothèse d’invariance de l’écoulement selon la direction y est vérifiée pour chaque zone de rugosité en dehors de cette zone centrale |y

D|.

D’après les travaux de Nezu and Nakagawa (1993), la valeur critique βc dépend de

la configuration de macro-rugosités étudiée. Dans le cas où il existe une discontinuité transverse de rugosité alors cette valeur critique βcest égale à 7. Cela est confirmé par les

travaux de Florens (2010) qui trouve également un facteur 7 et ajoute que cette valeur constitue une valeur minimale à la génération de courants secondaires non influencés par les effets de bord. Ses travaux suggèrent donc qu’il faut réaliser le dimensionnement avec un rapport d’aspect du canal le plus grand possible, et avec comme valeur minimale βc=7.

Dans le raisonnement présenté ici, la largeur du canal n’est pas une inconnue mais une donnée d’entrée du problème, i.e B=1,10 m. Afin de répondre aux objectifs de l’étude, les deux zones de rugosités sont placées symétriquement par rapport à l’axe central du canal dans la direction longitudinale x (voir figure3.1 - zones 1 et 2). En plus de ces contraintes sur le rapport d’aspect du canal, les deux zones doivent être en régime hydrauliquement rugueux, i.e. un nombre de Reynolds k+

s > 70 (Jiménez(2004)) et posséder un contraste

transversal de rugosité suffisant (k+

s−zone1/k +

s−zone2 ∼ 3, voir Florens (2010) p.205). Ce

travail peut être réalisé par l’estimation de la longueur équivalente de rugosité ks et les

paramètres de paroi de la loi logarithmique (u∗, d et z0).

La figure 3.1 présente les quatre configurations de macro-rugosités envisagées lors du dimensionnement qui étaient susceptibles de répondre à toutes les contraintes énoncées précédemment.

Pour faire suite au travail réalisé dans le chapitre 2, le choix des rugosités a été guidé par la nécessité de simuler une canopée de type sea grass (sans toutefois s’intéresser à la flexibilité des tiges des plantes réelles). Le choix s’est alors porté sur une matrice formée par des cylindres verticaux rigides modélisant le côté le plus rugueux de l’écoulement (voir figure 3.1 (i), zone 1). Le contraste transversal souhaité impose donc d’avoir une rugosité plus faible dans la zone 2 (figures 3.1 (i)-(ii)). La seconde zone a d’abord été remplie d’un lit de sable formé par des grains avec un diamètre médian proche de 1 mm.

Cette configuration a été écartée pour les raisons suivantes :

– La différence de hauteur entre le haut des cylindres et le haut du lit de grains implique une différence de submersion entre les deux zones de macro-rugosités ainsi que dans la hauteur de déplacement d. Ce cas est à rapprocher des écoulements à surface libre sur lits composés (en anglais "compound open-channel flow"), et n’est pas l’objet de ce travail.

– Dans les écoulements turbulents à faible submersion sur canopée végétale, le travail de Ghisalberti and Nepf (2004) montre que l’estimation du coefficient de traînée des canopées de type sea grass est peu ou pas correctement décrit. Ce coefficient de

Figure 3.1 – Vue transverse des schémas de principe des quatre configurations types de macro-

rugosités envisagées lors du dimensionnement des expériences (la largeur est notée B, B0 et B00

sont les demi-largeurs vérifiant la relation B0 = B00 = B/2). (i) configuration n◦1 : alternance

cylindres/grains où h1 est la hauteur des cylindres, ∅2 le diamètre des grains, (ii) configuration

n◦2 : alternance cylindres/cylindres avec une densité de rugosité λ deux fois plus élevée pour la

zone 1 que la zone 2, (iii) configuration n◦3 : alternance grains/grains avec ∅1 le diamètre des

grains de la zone 1, ∅2 le diamètre des grains de la zone 2 et d02 la hauteur de surélévation des

grains pour l’alignement par le haut des grains des deux zones, (iv) configuration n◦4 : alternance

trainée est également dépendant du nombre de Reynolds, ce qui implique également une dépendance de la longueur de rugosité ksau nombre de Reynolds Re (Coundoul

et al. (2011),Perrin et al. (2008)).

La configuration n◦2 (figure3.1(ii)) possède deux zones de rugosité constituées par des

cylindres rigides verticaux simulant des rugosités de type sea grass. Les cylindres sont ici choisis afin d’obtenir une hauteur de rugosité constante. Dans ce cas, la submersion reste constante pour les deux zones de rugosités. Le contraste de rugosité est fait au travers de la densité de rugosité qui est doublée entre la zone 1 et la zone 2. La génération des courants secondaires est donc possible pour cette configuration. Cependant, le type de rugosité (matrice de cylindre rigide verticaux) n’enlève pas la dépendance au nombre de Reynolds, ce que l’on souhaite éviter. Cette configuration a été écartée pour cette raison physique mais aussi pour des raisons pratiques de mise en œuvre dans la veine hydraulique. Le dimensionnement a donné des diamètres de l’ordre de 3 mm, qui, combinés à la densité de rugosité (λ=0,40 pour la zone 1 et λ=0,20 pour la zone 2) et la taille de la zone rugueuse amène à un nombre total de cylindres d’environ 130000. La fixation des cylindres sur le fond du canal ne peut être réalisée par un simple collage car le rapport d’aspect du cylindre h1/dest d’environ 10. Ce rapport d’aspect n’est pas favorable à une tenue aux vibrations

en régime d’écoulement turbulent et nécessite par conséquent un système d’attache plus sophistiqué, non envisageable dans la limite de temps imparti pour ce travail de thèse.

La configuration n◦3 est le pendant de la configuration précédente mais avec des

sphères à la place des cylindres. Le type de rugosité est identique pour les deux zones 1 et 2. La discontinuité transversale de rugosité est assurée par des diamètres différents. Le critère de contraste de rugosité est validé dans ce cas-là si les diamètres des sphères respecte un facteur 3 entre les deux zones. Les travaux de Coundoul et al.(2011) sur des écoulements turbulents sur une canopée végétale constituée d’hémisphères ont montré que les paramètres de paroi sont dépendants du nombre de Reynolds. Cette configuration peut donc potentiellement présenter une dépendance en Reynolds étant donné la similitude entre l’écoulement au-dessus d’une sphère et d’une hémisphère. Le dimensionnement d’un point de vue pratique a abouti à des sphères de diamètre 3 cm pour la zone 1 et de 1 cm pour la zone 2. Les diamètres différents entre les deux zones de rugosités implique une différence de submersion pour les zones 1 et 2. Ce problème peut être réglé mais nécessite d’un point de vue pratique, un alignement des sphères par le haut. Cela implique la réalisation d’un élément permettant la surélévation correspondant à la différence de diamètre ( notée d0

2 sur le schéma de la figure 3.1 (iii)). Réaliser cela sur la taille totale

de la zone rugueuse (∼ 20 m) constitue un défi technique considérable. Si l’on rajoute à cela l’incertitude sur les tolérances des sphères et sur les éléments de surélévation, cette solution apparaît très compliquée à mettre en œuvre.

Finalement, le choix s’est orienté sur la configuration de la figure 3.1 (iv) qui propose deux zones de rugosités constituées par des cubes de hauteur 2 cm dont la discontinuité transversale de rugosité est assurée par une différence de densité de rugosité. Les rugo- sités sont alignées par le haut et collées directement sur le canal. Il n’y a ainsi pas de problème lié à une submersion différente entre les deux zones de rugosités homogènes. Le caractère anguleux des cubes (arête vive) assure une transition nette vers la turbulence, et enlève la dépendance des paramètres de paroi au nombre de Reynolds. Par ailleurs,

cette configuration est une configuration similaire à celle traitée dans les travaux de Flo- rens (2010), ce qui permet d’une part une comparaison des données avec les résultats de Florens(2010) etFlorens et al.(2013), et d’autre part de disposer de données fiables pour le dimensionnement hydraulique.

Pour toutes les raisons évoquées précédemment, le choix de macro-rugosités se porte sur la dernière solution présentée dans cette section, soit celle de la figure 3.1 (iv), pré- sentée plus en détail dans la section 3.1.2.