4. Quelques résultats d’analyse harmonique sur des structures proches
4.2. Éléments proches et polynômes
SiPest un polynôme enn2variables commutativesX11, X12, . . . , Xnnà coefficients dansZ, siM = (mij)∈Mn(F)(ouMn(L)), on poseP(M) =P(mij)∈F (ouL). Énonçons quatre propositions qui nous seront utiles par la suite :
PROPOSITION 4.1. – SiM, M∈Mn(F)alors
PROPOSITION 4.4. – Supposons que F est de caractéristique non nulle p. Soit P ∈ Z[X11, X12, . . . , Xnn]. Soientk >0etM∈Mn(F)fixés.
(b) On ne fait aucune supposition sur les coefficients de P, mais on suppose toujours que P(M)= 0. Écrivons P =Q+pR où Q, R∈Z[X11, X12, . . . , Xnn] et tous les coefficients
par la prop. 4.1, d’où la première inclusion.
SiA= (Id+B)M(Id+C)avecB, C∈Mn(PFk), alors A=M+BM C+BM+M C
oùBM C, BM etM Cse trouvent dansMn(PFk+vMn(F)(M))par la prop. 4.1, d’où la deuxième inclusion. ✷
Démonstration de la proposition 4.3. – SoitM=BAC, oùB∈GLn(OF),C∈GLn(OF)et A∈ AF. On a vu qu’alors
ζ¯F Lm
KFkM KFk
=KLkζF Lm (B)ζF Lm (A)ζF Lm (C)KLk.
Pour montrer queζF Lm (M)∈ζ¯F Lm (KFkM KFk)il suffit, par la prop. 4.2, de montrer que ζF Lm (BAC)−ζF Lm (B)ζF Lm (A)ζF Lm (C)∈Mn
PLu
où
u=k−vMn(L)
(ζF Lm (B)ζF Lm (A)ζF Lm (C))−1
=k−vMn(F)
M−1
=m+vMn(F)(M).
On a utilisé pour la deuxième égalité le fait que –ζF Lm (B)∈GLn(OL),
–ζF Lm (C)∈GLn(OL)et
– vL(ζF Lm (A−1)) =vF(A−1) =v(C−1M−1B−1) = vF(M−1). Pour les mêmes raisons, vMn(F)(M) =vMn(F)(A)et si on écrit
A=diag
πaF1;πFa2. . . πaFn , alorsvMn(F)(A) =a1. Donc la relation à montrer est
ζF Lm (BAC)−ζF Lm (B)ζF Lm (A)ζF Lm (C)∈Mn
PLm+a1
;
ou encore :
ζF Lm
Bπ−Fa1AC
−ζF Lm (B)ζF Lm
πF−a1A
ζF Lm (C)∈Mn
PLm
,
qui est évidente, carB, C, πF−a1A∈Mn(OF)et on peut appliquer le fait que l’applicationζ¯F Lm est induite par la restriction deζF Lm . ✷
Démonstration de la proposition 4.4. – Le partage du premier résultat de ce théorème (hypothèseP(M)= 0) en point (a) et point (b) vient du fait que, si F etL sontm-proches la somme àltermes1 + 1 +· · ·+ 1dans les corpsF etLrespectivement donne des éléments m-proches pourl < p (voir la propriété (4)), mais pas pour l=p. Le point (c) traite du cas P(M) = 0où le résultat est de nature différente.
(a) Par la proposition 4.3,ζF Lm (M)∈ζ¯F Lm (KFmM KFm). Par la proposition 4.2,N−ζF Lm (M)∈ Mn(Pm−vMn(F)(M
−1)
F )et doncNetζF Lm (M)sont[m−vMn(F)(M−1)−vMn(F)(M)]-proches.
Mais
m−vMn(F)
M−1
−vMn(F)(M) =k+vF
P(M)
−min
v∈SvF
s(M) .
Donc les coefficients de mêmes indices des deux matrices respectivement sont[k+vF(P(M))−
minv∈SvF(s(M))]-proches. Par la propriété (3), pour chaque s∈S, s(M) et s(N) sont [k+vF(P(M))−minv∈SvF(s(M))]-proches. Les coefficients devant ces monômes se trouvent dans l’ensemble {1,2, . . . , p−1}. Les éléments 1F et 1L sont m-proches par la condition imposée dans la définition de l’application λmF L. Alors, par la propriété (4), pour tout l∈ {1,2, . . . , p−1}, les sommes à l termes 1 + 1 +· · ·+ 1 dansF et L respectivement sont m-proches. AinsiP(M)etP(N)sont des sommes non nulles d’éléments[k+vF(P(M))− minv∈SvF(s(M))]-proches deux à deux. Donc, par la propriété (4), P(M) et P(N) sont k-proches.
(b) Par le point (a) et le choix de m,Q(M) etQ(N) sontk-proches. Remarquons que la caractéristique deF étantp,Q(M) =P(M). Il suffit de montrer donc queQ(N) +pR(N)et Q(N)sontk-proches. Or, siLest un corps de caractéristique nullem-proche deF, alors l’image de la somme àptermes1 + 1 +· · ·+ 1 dansOL/PLm est la classe de0, donc la valuation de l’élément1 + 1 +· · ·+ 1(pfois1) est supérieure à m. Par le choix de mdans l’hypothèse, pR(N)∈PLk+vL(Q(N))et doncQ(N) +pR(N)etQ(N)sontk-proches.
(c) Considérons le polynômeQ(X) =P(X) + 1. On a Q(M)= 0et on peut appliquer le point (b) àQ. Or, siQ(M)etQ(N)sontk-proches, alorsQ(N)−ζF Lm (Q(M))∈PLk. Mais
Q(N)−ζF Lm Q(M)
=
P(N) + 1
−1 =P(N) d’où le résultat. ✷
4.3. Éléments proches et polynômes caractéristiques, cas deGLn
SoientF un corps local de caractéristique non nullep. SoientPM un polynôme unitaire de degrénà coefficients dansF et séparable (sans racine multiple), etM la matrice compagnon dePM . Soitl >0.
PROPOSITION 4.5. – Il existe deux entiers,mlets, qui ne dépendent que dePM et de l, tels que, siLest un corps local de caractéristique nullem-proche deF, on ait : si gest un élément deGL(resp. deGF) dont le polynôme caractéristique ests-proche dePM, alorsgest conjugué à un élément deζ¯F Lm (KFlM KFl)(resp. deKFlM KFl).
Démonstration. – On pose
s=l−vMn(F)(M)−vMn(F)
M−1
et
m=s.
Par la proposition 4.3 et le choix dem,ζF Lm (M)∈ζ¯F Lm (KFlM KFl)et donc ζ¯F Lm
KFlM KFl
=KLlζF Lm (M)KLl. D’autre part, siKFM KF=KFAKF,A∈ AF, alors
vMn(F)(M) =vMn(F)(A) et
vMn(F)
M−1
=vMn(F)
A−1 .
Comme on aζ¯F Lm (KFlM KFl) =KLlζF Lm (M)KLl, on en déduit que un polynômes-proche dePM, alorsP est un polynômes-proche du polynôme caractéristique PζF Lm (M) de ζF Lm (M) aussi. Donc la matrice compagnon Comp(P) de P sera s-proche de
Par la proposition 4.2 on a alors
Comp(P)∈KLlζF Lm (M)KLl = ¯ζF Lm
KFlM KFl .
On conclut par le fait que sig∈GLn(F)a le même polynôme caractéristiqueP queComp(P), alorsgetComp(P)sont conjugués (carPest sans racine multiple). ✷
PROPOSITION 4.6. – Soitπune représentation de carré intégrable deGF. SoitMun élément elliptique régulier deGF. SoitPM le polynôme caractéristique deM. Il existe alorsmetsqui ne dépendent que deπet dePM tels que, siLest un corps local de caractéristique nulle m-proche deF, on ait : pour tout élémentgdeGL dont le polynôme caractéristique ests-proche dePM, on a
χζ¯mF L(π)(g) =χπ(M).
Démonstration. – On peut supposer que M est la matrice compagnon de PM, puisque les caractères sont constants sur une classe de conjugaison. Dans [2] nous montrons à la p. 65, au cours de la démonstration du th. 4.3, qu’il existel tel que χπ soit constant surKFlM KFl et m tel que, siL est un corpsm-proche deF, alorsχζ¯F Lm (π)soit constant surζ¯F Lm (KFlM KFl), et ces deux constantes sont égales. Les entiers l et m ne dépendent que deM et de π. (Ce relèvement local des caractères ne se fait que pour des représentations de carré intégrable et pour unM elliptique régulier, car il passe par un relèvement local de l’intégrale orbitale d’un pseudocoefficient.) Nous appliquons ensuite la prop. 4.5 pour celet, quitte à augmenterm, nous avons le résultat. Les entiersmetsobtenus ne dépendent que del,M etπ, maislne dépend à son tour que deM etπ, etM ne dépend que dePM, étant sa matrice compagnon. ✷
4.4. Éléments proches et polynômes caractéristiques, cas des formes intérieures deGLn
Dans cette sous-section on démontre un résultat sur les formes intérieures de GLn(F)(la proposition 4.10). SoitDF une algèbre à division centrale de dimensiond2 surF. SoitE une extension non ramifiée de dimensiondsur F incluse dansDF. On supppose qu’on a fixé une uniformisanteπFdeF (et deEaussi), ainsi qu’une uniformisanteπDF deDF et un générateur σE de Gal(E/F)qui correspondent à DF comme dans la sous-section 2.4. Soitr un entier strictement positif etGF=GLr(DF). On posen=rd. Chaque fois qu’on se donneLun corps local m-proche deF, on considère que le triplet correspondant est choisi de façon à ce que l’uniformisante deF qui y apparaît soitπF. On reprend alors toutes les notations de la section précédente pourK,DL et tous les objets qui leur sont associés, avec une seule exception : la dimension deDF surFest notée icidalors que dans la section précédente elle était notéen. On rappelle que la base de voisinages{KFl}l∈Nde l’identité avec laquelle on a travaillé surGF est associée à la base de voisinages{PDdlF}l∈Nde0et non pas à la base de voisinages{PDlF}l∈N.
PROPOSITION 4.7. – SiM, M∈Mr(DF)alors
vMr(DF)(M M)vMr(DF)(M) +vMr(DF)(M).
PROPOSITION 4.8. – SoitM∈GLr(DF). Pour toutk >0on a : M+Mr
Pd(k−vMr(DF)(M
−1)) DF
⊂KFkM KFk ⊂M+Mr
PDd(k+vF Mr(DF)(M)) . PROPOSITION 4.9. – Sik >0est fixé, siM∈GLr(DF), en posant
m=k−vMr(DF)(M)−vMr(DF)
M−1
on a : siFetLsontm-proches, alorsζDmFDL(M)∈ζ¯DmFDL(KFkM KFk).
Démonstrations. – Les démonstrations des propositions 4.1 et 4.2 s’appliquent aux proposi-tions 4.7 et 4.8 sans changement. Pour la proposition 4.9 il y a un petit problème car l’uni-formisante de DF ne commute pas avec tous les éléments de DF donc il faut vérifier que ζDmFDL(BAC)−ζDmFDL(B)ζDmFDL(A)ζDmFDL(C)∈Mn(PLd(m−a1))est toujours vrai. On mul-tiplie parπD−aF1comme dans la démonstration de la proposition 4.3 et on écrit :
πD−aL1ζDmFDL(BAC) =ζDmFDL
πD−aF1BAC
=ζDmFDL
σaE1(B)(πD−aF1A)C
car nous avons définiζDmFDLde sorte qu’elle commute à la multiplication par les uniformisantes (propriété (2)).
Maintenant
π−DLa1ζDmFDL(B)ζDmFDL(A)ζDmFDL(C) =σKa1
ζDmFDL(B)
πD−aL1ζDmFDL(A)ζDmFDL(C)
=σKa1
ζDmFDL(B) ζDmFDL
πD−aF1A
ζDmFDL(C).
On a aussi
ζDmFDL
σEa1(B)
=σaK1
ζDmFDL(B) par la relation (2.13). Il faut donc montrer que
ζDmFDL
σEa1(B)(π−DFa1A)C
−ζDmFDL
σEa1(B) ζDmFDL
πD−aF1A
ζDmFDL(C)∈Mr
PDkF .
On conclut comme dans la démonstration de la proposition 4.3, carσaE1(B), π−DaF1AetCsont dansMr(ODF).
PROPOSITION 4.10. – SoientM∈GF etk∈N. Il existe un entiermtel que, siF etLsont m-proches, alors pour toutg∈ζ¯DmFDL(KDmFMKDmF)les polynômes caractéristiques deMet gsontk-proches.
Démonstration. – On rappelle la proposition de la p. 295, [19] :
SoitAune algèbre centrale simple surFde dimensionn2. SoitEune extension de dimension ndeF. Alors, si on a un morphisme d’algèbres unitairesΨ :A→Mn(E), pour tout élément g deA, le polynôme caractéristique deΨ(g)(qui a priori a des coefficients dansE) a tous ses coefficients dansFet c’est le polynôme caractéristique deg.
Dans notre cas,A=Mr(DF). Elle agit surDFr. En écrivantDF =
0idπiDFE on a un isomorphismeDrFEnet par conséquent une action deMr(DF)surEn. On a obtenu donc un morphisme d’algèbresΨ :Mr(DF)→Mn(E). Le polynôme caractéristique deMest alors égal au polynôme caractéristique deΨ(M). On va calculer ce dernier en fonction des coefficients de M. Supposons que M s’écrit M = (mij)1i,jr et que Ψ(M) s’écrit (nst)1s,tn. Supposons maintenant que pour tousietj,mij s’écrit sur la base1, πDF, πD2F. . . πDd−F1deDF
surE:
mij=
0kd−1
πkDFekij, ekij∈E.
Pour tout0ld−1, pour tout telekij posonseklij=σlE(ekij). On peut fabriquer une matrice U(M) = (uvw)1v,wn anlignes etncolonnes et à coefficients dansEen posant pour tout 1v , wn:uvw=eklij oùi, j, ketlsont définis comme suit :l est le quotient de la division euclidienne devparr,i−1est le reste de la division euclidienne devparr,kest le quotient de la division euclidienne dewparretj−1est le reste de la division euclidienne dewparr.
Notation. – SiP est un polynôme dansZ[X11, X12, . . . , Xnn][t], siA= (aij)1i,jn est une matrice dansMn(F), six∈F, l’élémentP(a11;a12;. . .;ann;x)deFsera noté abrégéP(A;x).
LEMME 4.11. – Pour tout 1s, tn il existe un polynôme indépendant de M, Pst∈ Z[X11, X12, . . . , Xnn][t], dont le degré total en les variablesX11, X12, . . . , Xnnest1, tel qu’on aitnst=Pst(U(M);πF).
Démonstration. – Il suffit de vérifier cette propriété pour des matrices du type Mike0j0 = (mij)1i,jroùmij=δi0iδj0jπDkFeoùi0, j0sont des entiers entre1etr,kest un entier entre1 etd, ete∈E, car l’ensemble formé par ces matrices engendreMr(DF)surZet les polynômes considérés sont de degré1en lesn2premières variables. Soitd1, d2, . . . , drla base canonique deDFr. L’élémentMike0j0 agit sur DrF en envoyantdi sur0pour touti=i0et en envoyantdi0
surπkDFedj0. Si on se représente la matriceΨ(Mike0j0)par blocs de tailled×d, alors tous ces blocs sont nuls à l’exception de celui qui se trouve dans la positioni0j0, et ce dernier est égal à X= (xij)1i,jdoù lesxijsont donnés par :
– si1ik, alorsxij=δi,j−d+kπFσk−d+j−1(e), – sik+ 1in, alorsxij=δi,j+kσj−1(e).
Le lemme est vérifié. ✷
LEMME 4.12. – Il existe des polynômes P0, P1. . . Pn−1∈Z[X11, X12, . . . , Xnn][t] tels que pour toute matriceM dansMr(DF), le coefficient de Xi,1in−1, dans le polynôme caractéristique deMsoit égal àPi(U(M);πF).
Démonstration. – C’est évident par le lemme 4.11 plus haut.
LEMME 4.13. – Les points (a), (b) et (c) de la proposition 4.4 sont vérifiés si on rem-placeZ[X11, X12, . . . , Xnn]parZ[X11, X12, . . . , Xnn][t],P(M)parP(M;πF)etP(N)par P(N;πL).
Démonstration. – La démonstration marche identiquement en tenant compte que, si F etL sontm-proches, alorsπF etπLsontm-proches. Une autre façon de démontrer ce lemme est de le voir comme un cas particulier de la proposition 4.4 : on applique la proposition 4.4 à(n+ 1)2 variables. ✷
Démontrons maintenant la proposition 4.10. On remarque que, siM etMsont dansMr(DF), et siM−M∈Mr(PDdhF), alors pour touti, j, si on écrit
mij=
0kd−1
πDkFekij et mij=
0kd−1
πDkFekij,
on a pour tout k : ekij −ekij ∈PEh. Par conséquent, pour tout entier k1 fixé, il existe un entier k2 tel que, si F etL sont k2-proches, pour tout M ∈ζ¯Dk2FDL(KDk2FMKDk2F) on ait : U(M)∈ζ¯EKk2 (KEk1U(M)KEk1)(on a utilisé les propositions 4.2, 4.8, 4.3, 4.9 et le fait que si e, e∈Esontk-proches alors, pour toutσ∈Gal(E/F),σ(e)etσ(e)sontk-proches).
Soit maintenantMcomme dans l’hypothèse de la proposition 4.10. On pose N= min
0in−1vMn(E)
Pi(U(M))
qui a un sens parce qu’au moins P0((U(M))) est non nul (car égal àdet(M)). L’entierN n’est autre que la valuation du polynôme caractéristique deMvu comme élément deFn. En appliquant la proposition 4(b) à la matrice U(M)∈Mn(E) on trouve qu’il existe unk0 tel que, siL estk0-proche de F, pour toute matriceM∈ζ¯EKk0 (KEKk0 U(M)KEKk0 ), pour touti entre0etn−1tel quePi(U(M))= 0,Pi(U(M))etPi(M)soientk-proches. En appliquant le lemme 4.13(c) aux polynômes Pi qui vérifient Pi(U(M)) = 0 on trouve qu’il existe un k0 tel que, si L estk0-proche de F, pour toute matrice M∈ζ¯EKk0 (KEKk0 U(M)KEKk0 )on a vMn(K)(Pi(M))k+N. En posantk1= max{k0;k0}l’entierm=k2(voir quelques lignes plus haut pourk2) vérifie les propriétés requises par la proposition 4.10.