• Aucun résultat trouvé

LES ÉGLISES PAROISSIALES FRANCAISES INTERROGÉES PAR LE RÉFÉRENTIEL QUÉBÉCOIS

Chapitre 2 LES ÉGLISES PAROISSIALES FRANÇAISES, ENTRE PATRIMOINE DE PROXIMITÉ ET PATRIMOINE INSTITUTIONNEL

Ce chapitre aborde les églises par les représentations symboliques et patrimoniales fortement à l’œuvre dans la perception de ces édifices. Au-delà de l’usage cultuel initial, l’appréhension de ces édifices est façonnée entre un imaginaire collectif puissant et un fort taux d’églises parmi les édifices protégés au titre des monuments historiques (MH) en France. Alors que la notion de patrimoine a subi un élargissement au cours des deux dernières décennies, avec d’une part l’identification non pas « du patrimoine » mais « des patrimoines »280, et d’autre part un passage du patrimoine « de l’objet à la relation »281, qui reflète le

glissement d’une logique savante de sélection patrimoniale vers une logique sociale de patrimonialisation282, qu’en est-il aujourd’hui de la relation aux églises en tant que potentiels patrimoines ?

Il s’agit tout d’abord de cerner la représentation collective des églises paroissiales qui joue un rôle important lorsque l’avenir d’une église est menacé. Entre monument et représentation patrimoniale, il revient ensuite de définir les différentes valeurs à mobiliser dans le processus de patrimonialisation de ce corpus, à travers une méthode d’analyse patrimoniale singulière à laquelle nous apportons un volet complémentaire. Á travers ces aspects, il s’agit de répondre à la problématiqe suivante : Quelles dimensions patrimoniales (valeurs d’existence) et quel investissement collectif (valeur affective) entrent en jeu, pour permettre d’accompagner le passage à un nouvel usage, lorsque le culte s’arrête (valeur d’usage) ?

      

280 Michel RAUTENBERG, La rupture patrimoniale, Bernin, A la Croisée, Ambiances, ambiance, 2003, 173 p. ; Vincent

VESCHAMBRE, Traces et mémoires urbaines, op. cit., p. 38.

281 Maria GRAVARI-BARBAS, « Le patrimoine, de l’objet à la relation », in Céline BARRERE et al., Mémoires et patrimoines. Des

revendications aux conflits, L’Harmattan, Paris, Habitat et Sociétés, pp. 41‑49.

282 Michel RAUTENBERG, « Comment s’inventent de nouveaux patrimoines: usages sociaux, pratiques institutionnelles et

politiques publiques en Savoie », Culture & Musées, 2003, vol. 1, no 1, pp. 19

2.1 L’église comme « bien(s) commun(s) » ou le symbole d’une représentation collective forte

Pour Jean-Michel Leniaud, le patrimoine cultuel occupe une ample place dans la construction mentale des Français du fait de son ancrage culturel et historique dans la société car « l’église n’est pas seulement un point de repère dans l’espace, mais dans le temps : elle date le village où elle s’inscrit et consacre les moments importants de la vie collective et des vies individuelles »283. La perception de l’église par les

citoyens est liée à l’affect à travers les souvenirs personnels (baptême, communion, mariage, enterrement) qu’elle cristallise284. Luc Noppen et Lucie K. Morisset affirment que « la valeur de l’église, à l’échelle locale

ou nationale, outrepasse de loin sa fonction immédiate d’édifice cultuel »285. Les termes de « bien

commun », de « patrimoine commun », d’ « appartenance collective » ou encore « de marqueur de territoire » sont généralement évoqués lorsque l’on fait référence à une église, et cela peut importe « qu’elle soit typique ou exceptionnelle, seul monument d’un petit village, d’un coteau rural ou point focal d’un dense quartier urbain, petite et dépouillée ou surdimensionnée »286.

2.1.1 Église(s) comme bien(s) commun(s)

Actuellement, la notion de « bien commun » est souvent employée pour qualifier le patrimoine et ainsi justifier la nécessité de sa conservation et de sa transmission aux générations futures. Le corpus des églises n’échappe pas à cette logique, bien au contraire. Revenons à la définition d’origine et à l’ouverture qu’elle rencontre, pour comprendre la logique qui s’applique aux églises.

En préalable, il semble nécessaire de bien marquer l’importance de l’utilisation du pluriel associé à ces notions de « bien commun » ou « biens communs » qui ne se contredisent pas mais couvrent des champs d’analyse différents. Le pluriel, généralement utilisée actuellement, traduit davantage l’évolution des pratiques sociales : « les biens seraient davantage mis en partage, volontairement ou non ; les droits que l’on détient sur eux seraient plus distribués ; le réseau numérique aurait aidé à la diffusion de ce partage et l’aurait porté à une échelle mondiale »287. Dans cette logique, rares sont les domaines de la vie qui,

aujourd’hui, ne trouvent pas un écho dans les « communs » : la connaissance, la culture, l’environnement, la terre, la mer, l’agriculture, la pêche, l’architecture, l’urbanisme, la santé, le travail, l’entreprise, etc. La

      

283 Jean-Michel LENIAUD, Vingt siècles d’architecture religieuse en France, op. cit., p. 14.

284 Charles SUAUD et Raphaël RENAU, Églises de pierre et villages recomposés: regards croisés, Saint-Sébastien-sur-

Loire, D’Orbestier, Regards croisés, 2013, p. 7.

285 Lucie K. MORISSET, Luc NOPPEN et Thomas COOMANS (dir.), Quel avenir pour quelles églises? op. cit., p. 3. 286 Ibid.

287 Marie CORNU, Fabienne ORSI et Judith ROCHFELD, Dictionnaire des biens communs, Paris, Presses universitaires de France,

récente et intense utilisation de ces termes traduit le « réinvestissement du collectif, des communautés, du partage et de l’usage »288. Dans ce prolongement, « le » bien commun serait une forme d’action, traduit

par le « faire commun », qui dans une certaine mesure cherche à questionner le fonctionnement des sociétés et « pousserait à réinterpréter le rôle des États et de la propriété, qu’elle soit publique ou privée »289.

Bien que ces deux notions fassent l’objet d’une récente évolution, elles font évidemment appel à des réinterprétations de nos figures juridiques, dont le droit représente leurs racines disciplinaires.

2.1.1.1 Notion juridique

Une des origines de la notion de « bien commun » provient du droit où un « bien » est défini comme quelque chose (champs, maisons, créances, servitudes, usufruit, etc.) « qui est susceptible d'une appropriation légale »290. Par ailleurs, le terme « commun », associé au mot « bien », fait référence à la

notion de propriété, « qui appartient à un grand nombre ou à une majorité de personnes»291, relevant d’un

régime juridique en opposition à la propriété privée. En droit, la propriété commune a été assimilée à la notion de « propriété publique » de l’État et des autres personnes publiques « lorsqu’il s’est agi de transcender la propriété privée pour faire une place à des utilités collectives »292, notamment lors de la

Révolution française, comme le souligne Judith Rochfeld. D’ailleurs, le monument historique, figure abordée par la suite, est « la première expression d’une propriété dont la charge est dictée par un intérêt collectif »293. Aujourd’hui, dans le langage courant, l’expression « intérêt général» s’est progressivement

substituée à celle de « bien commun » mais regroupe les mêmes enjeux politiques et philosophiques294.

Par ailleurs, le « bien » fait référence au sens premier du terme « patrimoine », qui renvoie à un « ensemble des biens hérités des ascendants ou réunis et conservés pour être transmis aux descendants »295. On parle alors d’ « un bien commun » ou de « patrimoine commun », transmis de

génération en génération.

      

288 Ibid. 289 Ibid, p. 9.

290 « Bien », définition Centre national de ressource textuelle et lexicale (CNRTL), en ligne :

<http://www.cnrtl.fr/definition/bien>, consulté le 26 mars 2018.

291 « Commun », définition CNRTL, en ligne : <http://www.cnrtl.fr/definition/commun>, consulté le 26 mars 2018.

292 Judith ROCHFELD, « Penser autrement la propriété : la propriété s’oppose-t-elle aux «communs» ? », Revue internationale de

droit économique, 2014, t. XXVIII, no 3, pp. 351

‑369, p. 352.

293 Marie CORNU, Fabienne ORSI et Judith ROCHFELD, Dictionnaire des biens communs, op. cit., version numérique, p. 699. 294294 François FLAHAULT, « Pour une conception renouvelée du bien commun », Etudes, juin 2013, Tome 418, pp. 773

‑783.

2.1.1.2 Évolution de la notion sous l’influence du développement durable

L’évolution de la notion de bien commun, durant les dernières décennies, a largement été impulsée par une prise de conscience environnementale. La conservation et la bonne gestion des ressources invoquées à l’échelle planétaire, notamment à l’égard des ressources tangibles et plus particulièrement les ressources naturelles, a participé au mouvement de construction de « choses communes », de « biens communs », ou de « patrimoines communs » initié en droit international296.

Ces préoccupations rejoignent directement les enjeux du développement durable, concept qui fait référence à une idée aussi millénaire que « la lutte de l’homme pour sa survie dans la nature, d’un usage prudent et modéré des ressources »297. Pourtant, issue du rapport Brundtland, la définition la plus connue

et utilisée aujourd’hui se formule ainsi : « Le développement durable, c’est s’efforcer de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures. »298. Cet

énoncé constitue davantage un programme d’action, qu’une définition, qui se structure, depuis le Sommet de la Terre de Rio en 1992, par la conciliation de trois piliers indissociables : le développement économique, la qualité de l’environnement et la justice sociale. Dans cette logique, le principe d’une gestion économe, équitable et juste des ressources doit prendre en compte le territoire comme une véritable ressource299. La mise en valeur de ses richesses, tant matérielles qu’humaines, passe par

l’utilisation raisonnée du sol tout comme la récupération et le réemploi des constructions, en accord avec la communauté locale. Afin d’éviter le gaspillage et de réutiliser ce qui peut l’être, le patrimoine constitue une ressource territoriale non renouvelable qu’il s’agit de sauvegarder, d’économiser et de valoriser300.

Grâce à ces actions, qui consistent à « faire durer dans le temps » des valeurs, « le patrimoine rejoint les intentions du développement durable »301.

D’ailleurs, la référence au patrimoine, sa conservation et donc sa transmission aux générations futures est devenue le premier argument pour invoquer et légitimer la durabilité à l’échelle planétaire302. En effet,

l’évolution de la notion de patrimoine au-delà de la figure du monument historique et son élargissement au

      

296 Judith ROCHFELD, « Penser autrement la propriété », op. cit. p. 355.

297 Kristin BARTENSTEIN, « Les origines du concept de développement durable », Revue juridique de l’environnement, 2005,

vol. 30, no 3, p. 292.

298 Rapport issu des travaux de la Commission mondiale pour l’environnement et le développement, intitulé « Our common

future », qui consacre et précise le concept de développement durable tel que nous le connaissons aujourd’hui.

299 Véronique STEIN, « Sauvegarde du patrimoine et développement durable : entre complémentarités et conflits », Construction

politique et sociale des Territoires, Analyser la patrimonialisation des espaces urbains, février 2012, Cahier n° 1, pp. 59-69.

300 Ce sont les termes de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, SRU (article L121-1 du code de

l’urbanisme).

301 Nassima DRIS, Patrimoines et développement durable: ressources, enjeux, lien social, Rennes, Presses universitaires de

Rennes, 2012, p. 14.

302 Olivier LAZAROTTI, « Patrimoine », in Jacques LEVY et Michel LUSSAULT (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des

niveau européen et mondial, considérations évoquées ci-après, ont donné naissance à plusieurs textes de référence, et notamment à la convention de Budapest rédigée par l’Unesco en 2002. Elle s’engageait entre autres « à maintenir un juste équilibre entre la conservation, la durabilité et le développement, de façon à protéger les biens du patrimoine mondial grâce à des activités adaptées contribuant au développement social et économique et à la qualité de vie de nos communautés303 ». Ces notions

permettent de raccrocher le patrimoine au développement durable et expriment une volonté « de mieux intégrer la dimension temporelle, de mieux articuler le passé, le présent et le futur de nos sociétés, dans une logique de transmission et de solidarité intergénérationnelle »304. Cette logique transcende la notion

même de propriété, qui semble alors universelle et atemporelle, la notion de « patrimoine commun de l’humanité » est alors en jeu.

2.1.1.3 Le patrimoine des églises : un bien commun et des biens communs

La définition économiste retenue par Nathalie Heinich, considère un « bien commun » comme « un bien dont la consommation ne diminue pas la quantité disponible, et dont l’usage est ouvert à tous »305. En ce

sens, « le patrimoine en est un, sans hésitation »306. Même si Vincent Veschambre met en évidence que le

patrimoine est de façon générale un « « bien commun » « inégalement approprié »307, le corpus des églises

semble s’extraire de ce constat pour plusieurs raisons. Leur propriété, les nombreuses protections au titre des monuments historiques et l’investissement collectif que suscitent les églises, ont permis et permettent encore aujourd’hui, dans une certaine mesure, leur maintien308. Toutefois, l’actualité démontre que malgré

la réunion de tous ces paramètres la pérennité de ce corpus est mise à mal.

Á l’échelle locale et individuelle, l’église représente « un bien commun » pour plusieurs raisons. D’une part, son régime de propriété publique la place comme un bien dont la propriété est soumise à l’intérêt général, vouée à l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité309. En France, pour des raisons historiques, nous le

développons par la suite, une grande majorité d’entre elles sont la propriété des communes. Elles sont donc « des biens communs » pour les communes. D’autre part, leur gestion originelle communautaire, le conseil de fabrique, a laissé de profondes traces dans la perception et l’imaginaire de ce corpus. La

      

303 Unesco, déclaration de Budapest sur le patrimoine mondial, CONF 202 9, en ligne :

<http://whc.unesco.org/fr/decisions/1217/>, consulté le 03 octobre 2017.

304 Isabelle GARAT, Maria GRAVARI-BARBAS et Vincent VESCHAMBRE, « Préservation du patrimoine bâti et développement durable :

une tautologie ? Les cas de Nantes et Angers », Développement durable et territoires, 3 mars 2008, Dossier 4, p. 24.

305 Nathalie HEINICH, La fabrique du patrimoine: de la cathédrale à la petite cuillère, Paris, Maison des sciences de l’homme,

Ethnologie de la France, n˚ 31, 2009, p. 73.

306 Ibid.

307 Vincent VESCHAMBRE, Traces et mémoires urbaines, op. cit. p. 48. 308 Les trois paramètres évoqués font l’objet d’un développement ultérieur. 309 Voir Partie I, Chapitre 3, 3.1.1 Usage cultuel et régimes de propriété.

fabrique, considérée comme le gouvernement des biens temporels310, a été élargie par le Concile de

Trente (1545-1563) à des laïcs. Elle désigne l’ensemble de décideurs, les marguilliers, qui assuraient la responsabilité de la collecte et l'administration des fonds et revenus nécessaires à la construction puis l'entretien des édifices religieux et du mobilier de la paroisse311. En d’autres termes, de cette détention

collective des biens d’Église et du premier encadrement civil qui y est associé, comme dans le cas des biens communaux, « découle un certain nombre de représentations, à commencer par le statut de « bien collectif » qu’on crédite à ces propriétés et « l’intérêt public » qu’on voit dans leur maintien »312.

Dans cette logique, le corpus des églises paroissiales représente un bien commun, à la fois matériel, le bâtiment, et immatériel, gestion autonome et propriété collective, qui rejoint la notion de patrimoine commun de l’humanité. Pour l’universalité de la culture religieuse commune et historique qu’elles représentent et qui a façonné, rythmé et animé le quotidien comme les étapes de la vie de la majeure partie des Français – phénomène prégnant détaillé par la suite –, les églises constituent un véritable « bien commun » et cela à plusieurs titres, en fonction de l’échelle de considération.

En effet, les églises forment individuellement « des biens communs » pour chaque municipalité dans laquelle elles sont implantées. Néanmoins, dans une vision d’ensemble de ce corpus, les églises forment « un bien commun », tant symbolique, mémoriel qu’architectural. Qu’elles soient « des patrimoines communs » ou « un patrimoine commun », leur gestion et leur préservation rejoignent les enjeux du développement durable dès lors qu’une communauté se mobilise, qu’elle soit locale, paroissiale ou patrimoniale, pour éviter la perte de son église et assurer la transmission aux générations futures. La bonne gestion des ressources s’inscrit dans la conservation de ce patrimoine commun, où la reconversion semble une solution durable face aux démolitions.

2.1.2 Une communauté locale autour de l’église

En milieu rural et urbain, l’église s’élève au cœur d’un territoire défini, la paroisse. Même si nous détaillons par la suite sa logique historique et territoriale313, il est nécessaire de poser en préambule

l’aspect symbolique communautaire que porte cette entité dont le bâtiment église fait figure de proue. La paroisse désigne à la fois une aire géographique et un groupe de personnes habitant sur ce territoire qui constitue la communauté paroissiale, dont les représentations vont bien au-delà du cercle religieux.

      

310 En opposition au spirituel, sous la responsabilité du curé, nommé par l’évêque, qui assure la célébration du service divin,

l'administration des sacrements, la prédication, l'instruction et les cérémonies de la sépulture.

311 Gabriel LE BRAS, L’église et le village, Paris, Flammarion, Nouvelle bibliothèque scientifique, 1976, p. 155-156. 312 Lucie K. MORISSET, Luc NOPPEN et Thomas COOMANS (dir.), Quel avenir pour quelles églises?, op. cit. p. 109. 313 Voir Partie II, Chapitre 4, 4.1.2.1 La paroisse : unité de base du territoire à l’échelle de la commune.

2.1.2.1 Une communauté territoriale civile et paroissiale

Á l’origine, les cadres paroissiaux recouvraient toujours une entité historique qui correspondait à une unité sociale de base. On peut donc dire que la communauté locale ou civile (habitants) précède la paroisse314.

D’ailleurs, la vie religieuse des populations n’était que « la forme sociale la plus élevée de la vie communautaire »315. Alors que pendant de longs siècles le territoire de la paroisse a été identique à celui

de la communauté civile, l’église, centre de cette institution, a avant tout été bâtie pour servir de cadre cultuel à la communauté paroissiale316. Pourtant, elle organisait les relations civiles dans un lien étroit avec

le rôle cultuel, à travers le clergé, les institutions et la pratique religieuse des habitants, qui engendrait des corrélations apparentes avec la vie « profane » ou la vie quotidienne. En d’autres termes, la structure fondamentale et territoriale de peuplement de la paroisse a été « le cadre et l’institution de base de la vie sociale des communautés rurales et urbaines de l’Occident et de ses prolongements outre-mer »317.

2.1.2.2 Un réceptacle bâti

Dans cette organisation territoriale et sociale, l’église est l’étendard, le réceptacle de cette vie commune autour de laquelle l’unité du village ou du quartier, naît de la communauté de vie, de tradition et d’intérêt318. Au-delà du cultuel, qui rythmait les semaines et les années, l’église a longtemps été le

véritable « cœur du village », symbole de la cohésion et de l’investissement de la communauté paroissiale319, qui n’était autre que la communauté locale formée par les habitants320. Malgré le passage

d’une communauté « nécessaire et indispensable »321, pour la gestion des biens spirituels et temporels, à

une communauté réduite aux « observants »322, avec la révision du droit canonique en 1983323, les

sentiments d’appartenance à un groupe paroissial, reflet d’un village ou d’un quartier urbain, sont longtemps demeurés forts et le demeurent encore parfois.

      

314 Paul MERCATOR, La fin des paroisses? Recompositions des communautés, aménagement des espaces, Paris, Desclée de

Brouwer, 1997, p. 41.

315 Ibid. p. 36.

316 Gabriel LE BRAS, L’église et le village, op. cit., p. 87. 317 Paul MERCATOR, La fin des paroisses?, op. cit., p. 9. 318 Gabriel LE BRAS, L’église et le village, op. cit., p. 115. 319 Paul MERCATOR, La fin des paroisses?, op. cit., p. 36. 320 Gabriel LE BRAS, L’église et le village, op. cit., p. 218. 321 Paul MERCATOR, La fin des paroisses?, op. cit. p. 43. 322 Ibid. p. 45.

323 Le partage des tâches entre laïcs et clergé est plus important, mais ne signifie pas partage de pouvoir. Les différences entre

personnes religieuses et laïcs sont véritables, et entraînent une gestion paroissiale sous la responsabilité du curé, lui-même sous l’autorité de l’évêque.

Même si depuis les années 1990 « l’institution paroissiale vacille »324 et a recours à des regroupements

paroissiaux qui vont à l’encontre de ces logiques d’appartenances locales, nous le verrons325, cette

représentation, transmise de génération en génération, persiste dans l’imaginaire collectif. Lorsqu’une église ferme et que son avenir est en jeu, une recrudescence de cet investissement collectif historique est observée à travers des dynamiques d’appartenance territoriale et familiale. En d’autres termes, parce que les personnes son nées, ou parce que leur famille conserve des liens historiques dans tel village ou tel quartier, elles se sentent concernées par l’éventuelle mutation de l’église. Ce sentiment d’appartenance à la fois personnel et au titre d’une communauté, c’est-à-dire d’un groupe, est encore puissant et à l’œuvre dans les représentations collectives des églises paroissiales.

2.1.3 Un marqueur du territoire

Une des autres représentations largement associée à l’église, réside dans la perception de cet édifice comme un marqueur du territoire. Les campagnes, dans une moindre mesure, les villes, à la densité