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Chapitre 2. La recension des écrits sur la pratique réflexive

2.3 Les écrits empiriques sur la pratique réflexive dans le domaine de la santé avant

retenues parce qu’elles permettent de faire l’état de situation au niveau de connaissances sur la pratique réflexive avant 2005. D’une part, la méta-étude de Gustafsson, Asp, et Fagerberg (2007) a recensé les études qualitatives sur la pratique réflexive en sciences infirmières. D’autre part, la revue systématique de Mann, Gordon, et Macleod (2009) a recensé les

recherches portant sur la réflexion et la pratique réflexive dans les professions de la santé principalement au niveau académique.

La méta-étude de Gustafsson et al. (2007) avait pour but d’analyser les études qualitatives portant sur la pratique réflexive en sciences infirmières afin de faire une synthèse des connaissances et de la compréhension qu’ont les infirmières de la pratique réflexive. Selon les auteurs, la méta-étude se veut une méthode qui inclut une méta-méthode, une métathéorie, une méta-analyse pour produire une méta-synthèse. Dans cette méta-étude, la recension s’est effectuée entre 1980 et 2004 et a répertorié 36 recherches empiriques, 27 écrits théoriques ainsi qu’une thèse de doctorat sur la pratique réflexive. Les écrits provenaient majoritairement du Royaume-Uni et aucune n’était issue du Canada. L’examen de ces études a permis aux auteurs de faire un premier constat, celui de la présence d’une grande variation dans la terminologie utilisée en lien avec la pratique réflexive. Plusieurs termes sont utilisés comme synonymes dans la littérature tels que techniques réflexives, réflexion sur l’action, réflexion dans la pratique, processus réflexif, pratique réflexive, pensée critique, réflexion critique et raisonnement critique réflexif.

La majorité des études recensées par Gustafsson et al. (2007) se réfèrent aux écrits théoriques de Schön, Kolb, Benner et Carper. Les résultats de la méta-analyse font état de trois catégories se dégageant des études : 1) la pratique réflexive en tant qu’agent; 2) la pratique réflexive en tant qu’outil; et 3) les critiques envers la pratique réflexive. La pratique réflexive en tant qu’agent réfère au fait qu’elle est souvent perçue comme un processus cognitif interne et individuel s’intéressant particulièrement aux valeurs, attitudes et croyances ainsi qu’à la conscience de soi de l’infirmière. La pratique réflexive comme un outil se rapporte au fait que bien que le point de départ soit le processus cognitif individuel ayant été déclenché par une

expérience ou une émotion, la pratique réflexive peut prendre place avec des collègues ou d’autres professionnels et peut s’extérioriser, entre autres, dans le cadre d’un groupe. Enfin, la troisième catégorie fait référence à la principale critique de la pratique réflexive qui émerge des écrits c’est-à-dire le manque de résultats probants de ses impacts sur les soins aux patients. Dans la méta-synthèse, Gustafsson et al. (2007) résument que la pratique réflexive est une activité métacognitive déclenchée par des émotions reliées à une situation de soins et s’exerçant avant, pendant ou après une expérience clinique. Les auteurs mentionnent aussi que le succès de la pratique réflexive dépend des habiletés des individus à réfléchir sur leur pratique ainsi que sur les facteurs organisationnels favorisant une telle pratique. En conclusion, Gustafsson et al. (2007) indiquent que leur conceptualisation n’a pas complètement pu saisir le phénomène complexe et contextuel qu’est la pratique réflexive.

La revue systématique de Mann et al. (2009) avait pour but la compréhension des variables clés influençant la pratique réflexive en éducation, l’identification des données manquantes et explorer quelles sont les implications pour la pratique et la recherche en éducation des professions de la santé. Cette recension des écrits de 1995 à 2005 a retenu 29 recherches principalement dans le domaine de la médecine (14) et des sciences infirmières (11) dont environ le quart provenaient du Royaume-Uni. Afin de guider leur revue, les auteurs ont utilisé trois définitions de la pratique réflexive soient celles de Dewey, celle de Moon ainsi que celle de Boud et al. Les auteurs soulignent qu’en plus de la réflexion sur l’action et dans l’action, l’anticipation de situations difficiles semblerait aussi stimuler la réflexion.

Les auteurs mentionnent que la majorité des études répertoriées sont qualitatives et exploratoires, la plupart ayant utilisé des méthodes ainsi que des procédés d’analyse soigneusement élaborés et reposant sur les fondements théoriques, ce qui est adéquat pour

explorer un tel sujet. Mann et al. (2009) indiquent aussi que la nature même de la pratique réflexive rend la quantification de ce concept un défi en soi. À l’instar de Gustafsson et al. (2007), les auteurs ont relevé une multitude de termes référant à la pratique réflexive dans la littérature scientifique, ce qui rend ardu l’interprétation, la comparaison et la synthèse des résultats. La revue systématique révèle qu’aucune étude ne s’est penchée sur les résultats observables de la pratique réflexive sur les professionnels et sur leur pratique.

Mann et al. (2009) mentionnent que la pratique réflexive est présente chez les professionnels et leur permet de donner un sens aux situations cliniques complexes rencontrées ainsi que d’apprendre à partir de leurs expériences. Par contre, l’habileté et la propension à faire de la pratique réflexive varient beaucoup selon le contexte de pratique et selon les personnes, autant chez les professionnels que chez les étudiants. Différentes façons d’évaluer la pratique réflexive chez les étudiants sont mentionnées dans la revue systématique telles que les vignettes ou l’analyse de journaux réflexifs. Mann et al. mettent en évidence que plusieurs instruments qualitatifs fiables permettent de détecter la présence, la nature et la profondeur de la pratique réflexive. Les auteurs soulignent que la réflexion peut se développer avec le temps et la pratique ainsi qu’en présence de certains facteurs tels de petits groupes. La revue systématique indique que l’environnement d’apprentissage peut avoir un effet encourageant ou dissuasif sur la réflexion et la pratique réflexive. Selon les auteurs, les facteurs associés au succès de la pratique réflexive sont : un contexte organisationnel facilitant cette pratique, un climat de confiance, la présence d’un mentor ou superviseur, le soutien des pairs ainsi que d’avoir du temps alloué pour la réflexion. La revue systématique révèle qu’il y a peu de résultats observables montrant que la réflexion apporte des changements dans la

pratique clinique et améliore les soins aux patients. Par contre, il n’y a pas d’évidence que l’utilisation de la pratique réflexive peut être néfaste.

Les implications pour l’enseignement que les auteurs font ressortir sont l’utilité de la pratique réflexive comme stratégie d’apprentissage, car elle permet aux apprenants d’intégrer de nouvelles connaissances, de les relier aux anciennes et de prendre conscience des aspects émotifs de l’apprentissage. Mann et al. (2009) suggèrent aux enseignants de servir de modèle de rôle dans la pratique réflexive et de démontrer que celle-ci peut être un processus individuel ou collectif. L’aspect collectif prenant tout son sens pour de futurs professionnels qui auront à travailler en équipe interdisciplinaire. De plus, les auteurs font ressortir que les écrits suggèrent de fournir un modèle afin de guider la pratique réflexive des apprenants et de leur donner de la supervision et de la rétroaction. La revue systématique conclut en mentionnant qu’aucune stratégie d’enseignement ne peut être la panacée pour permettre aux professionnels de faire face à tous les défis de la pratique clinique, mais que la pratique réflexive peut être une stratégie utilisée au même titre que d’autres.